Ce matin, péniblement commence ma matinée. M’zelle Soleil partie pour sa deuxième journée de garderie est toute contente de partir avec son père. Elle a une belle facilité d’adaptation, elle est en contact avec ses pairs, cela lui plait. Son père est fier de la voir si bien évoluer en différents milieux. Il m’en félicite. Je fais la moue. Il me dit : « C’est la preuve que tu as bien fait ton travail de maman. » Je fais toujours la moue. Autant la voir s’envoler gracieusement me ravit autant je sens qu’elle a moins besoin de moi et cela me rend toute chose. Ma petite fille n'est plus un bébé. Je ressens un petit manque. Une nouvelle routine s'enclenche. Je relativise. Après avoir consacré trois ans à sa vie, il est temps que je reprenne les rennes de la mienne.
Ce qui tombe à pic, c’est cette pige que j'ai décroché et qui me donne la chance de travailler concrètement sur un sujet précis. Un sujet qui me plait et avec lequel j'ai une certaine expérience. Le mandat n’est pas facile mais je pense arriver à m’en sortir. Six pages pour vendredi, un véritable dossier à monter, c’est quand même pas de la petite bière! Plus de détails à ce sujet lorsque j’en aurai terminé. Ainsi après m’être creusé le cœur pendant trois années, revoilà venu le temps de me creuser la cervelle.
J’ai donc commencé lundi le brouillon de mon article. Le cœur à l’ouvrage, je me suis plongée dans cette rédaction. La première journée est passée assez vite pour que je ne ressente pas trop la douleur de l’absence. Mais ce matin en la regardant partir, toute guillerette, un serrement de cœur me fait grimacer les pensées. Je me penche sur mon travail. Je ressens le manque de ma fille de façon perceptible. C’est une sensation pénible. C’est alors que sonne le téléphone. Je réponds. Pam, la présidente de l’association pour la préservation du lac me demande si je peux venir la rejoindre sur la plage. Une équipe de télévision anglophone est sur place afin de faire un reportage pour les nouvelles du soir. Ceci dans le cadre de la présence de la ministre de l’environnement à Québec.
J’ai à peine quinze minutes pour prendre une douche. Je me dis naïvement que c’est Pam qui se fera interviewer, que je ne ferai que couvrir l’évènement à l’interne, du coup, comme le temps presse, je fais fi de mon mascara. Je me regarde à peine dans la glace. J'enfile ma robe noire. J’arrange simplement ma chevelure broussailleuse en une queue de cheval et je ne prends garde aux frisotis qui s’échappent. Jack est déjà sur le pas de ma porte pour me conduire à destination. Une fois les pattes sur le sable, je savoure l’air frais et la beauté du lac. Je réalise à quel point le lac me manque depuis que je suis éclopée et que je ne peux me déplacer sans une certaine difficulté. La longue plage est située à cinq minutes de marche de ma maison mais ce sont cinq minutes de trop dans ma condition présente.
La plage est déserte si ce n'est de Pam et de l'équipe de télévision composée d'une journaliste et d'un caméraman. Les bateaux ont presque tous disparus du paysage. L'endroit redevient sauvage. Je suis heureuse de retrouver mon lac adoré, dans toute sa splendeur, solitaire, superbement bleuté sous le soleil de midi. J’observe l’entrevue de Pam, lui souffle quelques répliques en coulisses, regarde le caméraman prendre ses prises de vues. Je profite du soleil sur ma peau et du lac dans ma vue. Pam me présente à la sympathique journaliste, un courant passe, je souris.
Je discute depuis deux minutes avec la journaliste lorsqu’elle me demande de lui donner aussi une entrevue. Je sais que je ne peux refuser. Chaussée de ma botte Robocop, je demande un "head shot". C’est alors que le manque de mascara se fait cruellement sentir. D’un coup, je réalise que je suis on ne peut plus naturelle! Les frisottis au vent, j’avale mon orgueil. Je respire l'air pur qui m'entoure. J'essaie d’estomper ma gêne. Je connais le message sur le bout des doigts, je le porte en mon cœur. Après tout, c’est le message qui compte, pas ma face! Je me fais une raison. Une fois la camera dans le visage, je me maudis quand même de ne pas avoir pris la peine de me regarder un peu mieux dans le miroir! Je me dis que la grandeur du paysage sauvera ma petite mine. La caméra se met à tourner. La journaliste me pose une question, puis autre, je sors mon anglais de son placard. Avant même que je ne m'en rende compte, je suis tellement prise dans mon sujet que j’en oublie la caméra, mes frisottis, mon maquillage inexistant. J’accroche quelques termes qui m’échappent mais je ne bredouille pas. Je vois Pam sourire derrière le cameraman. Le courant passe avec la fille qui me questionne. Comme je suis un peu pompée, j’écorche au passage la municipalité qui cette année n’a pas placardé les mises en garde adéquates en ce qui concerne les algues bleues. Ces fameuses algues bleues dont plus personne ne parle…
Même pas moi d’ailleurs, maintenant que j’y pense. Même si je continue à faire ma part pour le lac, à m’impliquer activement au sein de l’association, voilà longtemps que je n’ai pas traité du sujet en ce coin de Toile! Il faudra que je remédie à ce point en un prochain billet…
Mais le temps file, la journée s’est finalement écoulée pas mal plus rapidement que je ne m’en serai doutée en me levant ce matin. J’ai avancé sur mon article, encore une grosse journée de travail et j’en verrai le bout. Le manque de M’zelle Soleil persiste mais je gère le malaise. Il ne me reste plus qu’à passer au travers de ma séance de physio en soirée. Par exemple, en me levant ce matin ce que je ne me doutais point, c’est que ma face finirait aux nouvelles du soir, à peine coiffée, sans même une trace de maquillage! Comme quoi on ne sait jamais ce que nous réserve le jour…
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