vendredi, avril 24, 2020
Accuser le contre-coup de la Covid19
Durant ces trois dernières semaines, le chiro m'a replacé 10 vertèbres qui se sont déplacées entre la D4 et la D9. Ce qui a mis mon dos en un état déplorable.
Quatre vertèbres, les deux premières semaines, deux cette semaine. Le défi est maintenant de tenir une autre semaine avec pas plus de deux vertèbres déplacées.
Le problème de fond remonte de ses ténèbres. La convexité dorsale générée par la physio, il y a trois ans, reprend force et vigueur. Après avoir été mal conseillée puis abandonnée par la clinique en charge de mon cas, il n'y a rien d'étonnant en soi à ce constat présent.
I had almost won the war. But the war caught up with a vengeance and shot me in the back. Once more.
Évidement, me voilà désarmée au champ de bataille. Évidement que je vais me faire trucider. Mais comme la société s'en tape, ben c'est ça, mange ta claque ma vieille! Et surtout ne fais pas trop de vagues! N'offusque personne en osant sortir le problème de dessous le tapis...
Il y a six semaines, j'allais trois fois par semaine à la piscine (depuis plus de deux ans). Je voyais un osteo, une fois par semaine. Mon chiro tenait le fort (de mon dos en reconstruction). À force de grimper mon invisible Everest, je me rapprochais du sommet.
Je pouvais tenir deux semaines sans trop me déplacer de quoi. Je pouvais marcher plus de 3000 pas. Je sortais enfin de trois années confinées en ma chambre. Je commençais à me sentir revivre. Je tenais le bon bout. Il y a un peu plus d'un mois, pour la première fois depuis trois ans, j'ai pu marcher le tour de mon quartier. Une victoire. Dissipée par le contre-coup de la Covid19.
Car même si je tiens encore, avec la même volonté, le bout semble m'échapper un peu plus chaque semaine. J'ai perdu 75% du terrain regagné. Je me retrouve de nouveau au cachot. Plus le droit de bouger. Juste le droit de marcher 500 à 1000 pas, trois fois semaine.
Réduire aux maximum mes activités quotidiennes est comme trouver un trou où se cacher pendant que la bataille fait rage. En l'espoir de moins me faire trucider au combat?
Le chiro essaie de me rassurer, en me disant qu'une fois la pandémie finie, cela prendra moins longtemps pour revenir où j'étais arrivée. Sauf que cela m'a pris trois ans de calvaire pour en arriver là! Et c'est sans parler de l'investissement financier! Qui indemnisera le tort qui m'a été causé?
Donc on rajoute quoi six mois, un an, deux ans? Quelques milliers de dollars supplémentaires? Ou on capitule de dépit?
Je ne pense pas que les piscines réouvriront de sitôt. Je ne pense pas que les personnes, en ma situation, ne seront jamais considérées, en la société actuelle. C'est une trop petite minorité. Qui de plus, se révèle invisible et silencieuse.
Les outrages que je peux vivre en cette minorité sont multiples. Avec cette pandémie, j'ai perdu beaucoup d'estime pour les soi-disant soignants qui œuvrent dans le para-médical. J'en avais déjà pas gros après ce qui m'était arrivée, il y a trois ans. Mais j'en avais regagné un peu, avec effort. Des efforts effacés avec le terrain perdu.
J'en ai gagné pour mon chiro. Mais lui semble être l'exception qui fait la règle. Il a eu la force de prendre en charge un dos comme le mien. Et il continue d'en respecter la responsabilité qu'il s'est donné en commençant à me traiter, il y a trois ans. Il possède l'intégrité d'agir selon ses convictions. Ce qui est rare de nos jours.
Hier, en me replaçant deux autres vertèbres, il m'explique que cela commence à dégénérer chez ses patients non critiques. Il est passé de sept urgences par semaine à plus d'une douzaine. Je lui réponds que cela va obligatoirement empirer. De plus en plus de cas deviendront critiques.
On rè-ouvre les chantiers de construction mais pas les cliniques para-médicales? Et ne parlons même pas du Casse-Croute local! Je lui rappelle que ce phénomène en cours est, ce que la France nomme le contre-coup sanitaire de la crise actuelle. Il se compose de plein de gens, comme moi, dont la santé se détériore mais qui ne sont pas essentiels et qui sont oubliés/sacrifiés dans la foulée?
Le fait que toutes ces cliniques soient, fièrement, fermées en dit beaucoup sur la considération de la société à l'égard de ceux qui souffrent en silence. Car si cette minorité de malades invisibles, dont je fais partie, était considérée alors les cliniques para-médicales seraient aussi considérées comme des services essentiels, non? Et cela ne serait pas un choix personnel que de travailler...
Est-ce que les infirmières et les pharmaciens ont le choix de ne pas travailler? En offrant ce choix à ces soi-disant soignants, on remarque alors que 99% de ceux là font le choix de ne pas soigner leurs patients et d'être indemnisé en attendant.
Bref, ce qui me choque le plus au final, c'est que personne ne trouve cela choquant. Au Québec, aucun point de presse ou journaliste ne se penche sur le sujet! Aucun, nobody, nada, niet, ce problème est aussi inexistant que ceux qui doivent l'affronter.
Est-ce que cela n'en dit pas aussi bien long, sur cette société individualiste, qui s'est construite au fil des dernières décennies?
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