samedi, avril 18, 2020

Entre dégringolade et remontée (chroniques de confinement)

Chroniques de confinement


Réaliser un peu plus, chaque matin, que lorsque le monde déconfinera, cela ne sera pas mon cas. En assumer la gravité. Vu comment cela vire, mon corps retrouve ses moyens de me confiner...

Se retrouver désarmée devant le combat à mener. Lutter, chaque jour, pour endiguer cette régression et tenir bon. Chaque matin, se sentir rugir en silence. En cette invisible bataille  qui m'aspire l'être. Ralentir au maximum la régression de mon cas est ce qui fait mon actualité.

Réaliser à quel point, la piscine était une arme majeure en cette bataille, que je menais pour retrouver la stabilité en ma colonne, me percute quelques neurones.

Est-ce-que Michonne peut trucider une horde de walkers sans son katana?

Depuis plus de sept ans, Michonne est le reflet de la guerrière en mon sang. 

Elle aurait même pu se reposer un coup si l'on ne m'avait pas pété le dos sur le chemin des neuropathies à traiter!

Neuropathies permanentes, aujourd'hui incroyablement bien contrôlées par un traitement médical complexe et coûteux...

Je me doutais que la piscine était cruciale à la bataille dorsale. Là, je réalise combien je me retrouve désarmée sans cette arme de combat.

Si l'osteo était un couteau, je l'ai perdu. Il reste le chiro, qui pourrait être un pistolet avec peu de munitions. La puce qui commence à masser n'est pas encore entrée dans le registre de mon armement. Mais elle pourrait peut-être s'y glisser.


Marcher n'est pas acquis pour tous


La marche n'est pas une arme en cette bataille. C'est l'objectif final. C'est le territoire à reconquérir en cette guerre invisible que je mène. Pouvoir marcher, normalement, sans trop de douleur ni de difficulté, est ce qui ramènera la paix en mon corps.

Arriver à marcher 5000 pas sans me retrouver à terre, immobilisée durant plusieurs jours, équivaut à être sauvée. Alors j'aurai atteint le sommet de mon Everest!

Sauf que là, en un mois, mes 3000 pas sont passés à 500. Je peux les étirer à 1000 par la force de mon esprit. Ce que je fais. Autour de 500, l'instinct du corps s'alerte et dit stop. En ne l'écoutant point, je peux le pousser une peu plus loin, jusqu'à mille en me concentrant sur chaque pas. Tel est tout ce qui reste de ma réeducation physique.

Si je pousse plus loin, il me fera tomber. Et il me punira en m'immobilisant douloureusement plus ou moins longtemps. Si je fais moins, je perdrais trop de terrain. Les nausées persistantes de douleurs sont aussi de retour, ce qui n'est pas signe de victoire.

Même si chaque séance de piscine fut une plus ou moins grande torture, j'ai toujours refusé de me donner aucune excuse pour ne pas y aller. Pour ne pas y souffrir. Car chaque séance est un espoir de gagner.

Même quand l'homme me donnait toutes les excuses du monde, à la vue de mes piteux états physiques, j'ai toujours refusé de les prendre. J'y suis allée en tous mes états et ce n'est que lorsqu'une vertèbre poppait durant une séance que je sortais de l'eau.

Que je me traînais hors de l'eau? Que je serrais des dents pour ne pas hurler ou pleurer. Pour atterrir en urgence chez le chiro. Ce qui n'est arrivé qu'une demi douzaine de fois. Mais chaque fois fut bien horrible. Sans même parler de la série d'infiltrations dorsales pour en calmer l'inflammation.

Sachant combien c'était ma seule voie de rétablissement, aucune excuse n'est envisageable car chaque maux doit se traverser pour pouvoir être surmonté.

Depuis janvier 2018, l'on y va trois fois par semaine, parfois deux, jamais moins. Sauf lorsque l'été bat son plein et que l'on peut passer à une séance par semaine puisque le lac est là. Ce qui ne dure jamais longtemps.


Au plus profond de moi, j'ai toujours su que c'était la seule façon d'espérer remarcher plus loin que 50 pas. On va pas loin avec 50 pas! Ni avec 1000...

Une personne normale est capable d'en faire 20 000 sans trop s'en soucier. La moins en forme aura peut-être quelques courbatures et fatigues. Celle qui est en forme ne le sentira même pas passer. Et si j'essayais de m'y coller, je serai juste suicidaire. Je n'y survivrai point.

J'ai aussi toujours eu conscience que mon utilisation de cette piscine était atypique. Je ne faisais ni partie des nageurs qui pratiquent leur sport de prédilection, ni de ceux qui y viennent de manière récréative. J'étais une athlète invisible qui montait l'Everest...

Depuis janvier 2018, fin de convalescence d'hystérectomie, j'associe chaque séance de piscine avec une montée d'Everest. Plus de piscine où aller, plus d'Everest à monter?

En ces deux dernières années, je n'y ai pas croisé d'handicapé ou de blessé comme moi, juste quelques aînés, en forme, qui se rééduquaient durant quelques semaines, après une opération de mécanique. J'étais rendue au camp IV, le dernier avant le sommet, lorsque le confinement a débuté.

"Camp IV: C'est de ce quatrième et dernier camp que les grimpeurs partent pour le sommet, vers minuit. Au-dessus se trouve la «zone de la mort», où le corps se détériore inexorablement. On reste le moins possible à cette altitude. Il faut compter de 10 à 12 heures pour gravir les 900 mètres de dénivelé restants."

Si proche et si loin. Mais voilà pas que je redescends au lieu de monter. Contre mon gré, j'étais rendue au camp trois, la semaine dernière. Faire de mon mieux pour ralentir la descente au camp 2. Si proche du sommet qui s'éloigne. Ne pas penser à tous ceux qui y sont montés sans jamais réussir à l'atteindre...



Au secours de ma colonne vertébrale


Il y a trois ans, en ce même mois, le chiro sauvait mon dos une première fois. J’étais en si piteux état. J'avais la mort aux trousses. Il m'a aidé à courir plus vite qu'elle, il m'a aidé à la distancer, à y échapper? Est-il en train de sauver mon dos une deuxième fois?

Deuxième séance cette semaine pour replacer mon dos qui se déstabilise et se démantèle. Il semble respecter sa parole et ne pas me laisser tomber. Déstabilisée par la rapidité de la détérioration de mon état physique.

Enfin, il aura suffit de 2/3 séances à la physio pour m'exploser le dos et mettre ma vie en danger. J'imagine que l'on tombe toujours plus vite que l'on se relève.

Miss Soleil masse pour aider à la cause. Plus de piscine me cause un tort qui m'interpelle. Je savais que mon salut passait par cette voie aquatique. Je le savais sans en être certaine. J'en suis maintenant certaine...

Après un mois sans aller m'y entraîner, après six semaines sans osteo, mon dos part en vrille. Méchamment. Violemment. Cela me déstabilise.

Trois ans pour arriver à voir une lumière au bout de ce tunnel. Et un gros mois pour me ramener des symptômes disparus depuis près d'un an? Plus capable de manger, retour des nausées de fond et de ces douleurs dorsales, inimaginables pour qui ne l'a jamais vécu.

Si le chiro ne m'avait pas prise deux fois cette semaine, j'aurais encore été en un bien piteux état lundi. Et s'il ne m'avait pas vu du mois dernier, j'imagine que j'aurais du recommencer à courir pour me sauver du pire.

Ma colonne est remise en place une autre fois, mon dos décompense. Interdiction de bouger pour les prochaines 24 heures avant de reprendre la lutte.

Il est si étrange de se battre pour sa santé en un tel contexte. Dieu merci pour le chiro qui en acceptant de traiter mon dos m'aide à sauver ma vie. Rendu là, je ne peux qu'espérer la liberté de pouvoir me sentir confinée entre des murs plutôt qu'en ma chair.

Le confinement est bien différent selon le milieu dans lequel on habite ou selon le corps dans lequel on vit...


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