vendredi, avril 11, 2008

La cata...

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La cata...

Cinq jours de migraine continue. Voilà longtemps que je n’avais pas connu cela. Sur mon billet faisant mention de la chose, je reçois le commentaire de Xavier qui m’enjoint à témoigner sur son site. Curieuse, je vais y faire un tour. Surprise, je découvre mon trouble précis écrit noir sur blanc. J’apprends ce qui me tracasse. Je suis sous le joug d’une crise cataméniale! Je n’en savais pas le nom même si j’en connaissais la définition. Je remercie cet inconnu jailli de nulle part qui m'aura donné une piste d'apprentissage...

Depuis une semaine la douleur me mine la cervelle. Témoigner de cette douleur ne m’inspire guère. Tout est dit dans ce qui suit : « Les crises de migraines liées aux règles peuvent intervenir de la veille de celles-ci jusqu’au dernier jour. Elles touchent jusqu’à 25% des femmes et les crises sont beaucoup plus douloureuses qu’à l’accoutumé pour 50% d’entre elles. Les crises cataméniales sont plus intenses et plus longues que les crises classiques. Leur traitement doit être adapté à cette configuration particulière. Il semblerait que ce soit la chute brutale du taux d’œstrogène lors des règles qui soit le déclencheur des crises en modifiant le seuil de susceptibilité neurovasculaire ou en augmentant la concentration en prostaglandine (neuro-hormone inflammatoire). » Et puis l’idée de parler de cette vilaine migraine me donne mal à la tête!!! Alors je subis en attendant que cela passe, car comme tous les maux féminins, cela passera. C’est ainsi que nous sommes faites. Programmées pour supporter tous ces petits maux qui font de nous les reproductrices de notre race…

Cinq jours que je me traîne la cervelle endolorie sous le regard de ma petite fille pas mal sage vu les circonstances. On pourra dire que la gardienne aura choisie sa semaine pour aller dans le Sud! Je m'allonge plus souvent que Lily n'en a l'habitude. Je ferme les yeux pour atténuer la douleur qui me vrille le crâne. Je grince des dents à chaque bruit un tant soit peu strident, à certains moments, je sens ma patience fondre comme neige au soleil, je serre des dents. Juan voit ma douleur et fait son possible pour que je puisse me reposer. L'enfant bavarde à bâtons rompus. L'on fait de dessins pour papa au bureau. Je joue avec elle du mieux que je peux. Ce n'est pas facile d'être stimulante lorsque l'on a la cervelle toute enflammée. Elle s'invente des jeux captivants comme jouer avec mon Robert qui traine. Je m'amuse avec elle en articulant ces mots qui m'attrape le regard, extéroceptif, galéopithèque, hylozoïsme, marmotter! Elle répète les mots abracadabrants. Elle me divertit la douleur qui me martèle la tête. Elle me dit: " Cé grôle maman! T'as vu cé grôle". Je lui explique des trucs de français. Elle mécoute et me réponds. Elle me fait rire. Lorsqu'elle se réveille de sa sieste et que l'on se câline tendrement elle me chuchote à l'oreille: "On est bien maman". Et je fonds plus vite que le banc de neige sur ma pelouse givrée. Malgré tout, M'zelle Soleil commence à s'ennuyer ferme, elle s'exclame en venant me voir ce matin:

- Maman a domi toute la semaine!!! Allez maman, yiens, yiens..

Et je me lève pour elle. I've got no drive. Au fil des jours qui passent, je m'habitue à la douleur qui stagne. Elle va et vient sans jamais disparaitre. Elle se fait un peu moins puissante au fur et à mesure que s'écoule le sang. Je ne cache pas le concept à l'enfant qui m'observe. Elle qui deviendra femme en passera aussi par là. Il n'y a rien de plus naturel. Aujourd'hui je vais mieux, j'achève ce cycle qui me torture, les températures se font plus clémentes. Le printemps qui n'est rien qu'un synonyme agréable pour décrire la grande fonte s'installe doucement. Les impressionnants bancs de neige commencent en effet à s'évaporer, je vois de nouveau l'asphalte en piteux état de ma rue. J'estime que le banc de neige qui recouvre ma pelouse s'est affaissé d'un petit mètre en une semaine. J'aperçois de nouveau le sapin à l'entrée qui me fait la gueule. Complètement englouti par l'hiver, il vient de juste de s'en sortir la tête, il est un peu ratatiné, pas mal rabougri, encore à moitié avalé par la neige. Il a triste mine. La neige se transforme en "sloche". Bienvenue au royaume de la glace pilée!

La grande fonte est arrivée la semaine dernière, au village, les hommes ont sorti leur hache. En revenant de Québec en début d'après midi, j'en ai vu plusieurs marteler la glace de leur entrée. C'est un signe de saison. La dernière bataille avec l'hiver. Deux voisins ont lancé le processus local et Juan s'est aussi mis à la tâche pour canaliser en ruisseaux ces mares de "sloche" qui rendaient la rue impraticable...

Signes de fonte

Les jours ont passé, ma migraine s'est incrustée à la semaine. J'ai quand même promené ma puce de maison à l'air libre. Dès que le soleil nous a gracié de sa présence, nous avons pris la poudre d'escampette. M'zelle Soleil a repris possession de sa poussette et enfilé ses bottes de pluies avec enthousiasme. Chanelle s'est mis à sourire à pleines babines et nous sommes parties déambuler dans le village endormi. Un village qui vit à différente cadences selon les saisons. Là il est encore tout engourdi d'hiver. L'on se ballade entre les flaques qui réverbèrent le ciel. L'air frais me fait circuler le sang dans la bonne direction. En chemin Lily me dit:

- Qu'en z'étais petite, ze montais dans les arbres avec papa!

Qui a dit que les bébés n'avait pas de souvenirs? N'étais-ce point belle-maman qui la fâcheuse manie de prendre les bambins pour des poissons rouges? Je souris toute seule. Je stimule la pensée de mon brin de fille. Je l'écoute m'expliquer sa petite vie qui se déroule sous mon regard vigilant. Le soleil m'ouvre les pores. Ma petite puce de maison s'emballe les sensations (et les souvenirs). Je réalise que ma minuscule fillette se souvient d'une époque où elle était petite, j'hallucine quand même un petit coup...

Ready-to-goHappy-ChanelleRed-Touch

Un peu loin nous rencontrons ce voisin de quartier qui me salue comme à son habitude. Je lui souris tout en poursuivant ma route. M'zelle Soleil a aussi le sourire jusqu'aux oreilles. Dieu que la vie est belle dans l'éclat de ses yeux. Nous croisons une vieille dame toute voutée et son petit chien Chopin. Rencontre oblige une conversation nait du hasard, M'zelle Soleil s'amuse du petit chien, la vieille dame est sous le charme. Elle me souffle cette phrase universelle: "Profitez bien tant que cela passe, ils grandissent si vite ces petits!".

M'zelle Soleil fatigue, le bus scolaire qui passe me rappelle à l'heure de ma routine. Je décide de rebrousser chemin, le voisin de quartier qui m'a salué à l'aller m'interpelle. Je m'arrête. Il m'apprend que la femme de son fils a accouché, des jumelles, je le félicite. Il m'explique que sa femme est partie pour un mois aider à la tache. Je m'exclame :"Alors vous voilà tout seul!". Il baisse la tête, un peu penaud, l'on discute quelques minutes encore du défi d'avoir des jumeaux et je reprends ma route. Rares sont les voitures qui passent sur la route principale.

Le bus scolaire dépose Cricri et Patri qui se font garder chez leur grand-mère. M'zelle Soleil leur fait la fête. Je discute avec leur grand-mère du temps qu'il fait et de mon voisin fantôme, propriétaire du chalet le plus proche de ma maison. Un petit truand de seconde zone qui n'est jamais le bienvenu les rares fois où il se présente dans le quartier. L'on en vient évidement à parler de la neige sur son toit qui fait tourner toutes les têtes du quartier. L'on s'étonne que cela ne ce soit pas encore écroulé!

Deux jours plus tard, au petit déjeuner, Juan s'exclame: "Ah ben ça y est le porche du Tony s'est écroulé!". Bon, l'évidence s'est produite. Plus personne ne s'étonne et plusieurs rigolent. Aujourd'hui, je sors prendre l'air avec ma puce de maison, je croise Yolande ma voisine d'en face, Yolande presque quatre vingt ans et un sourire de jeune fille. Évidemment la conversation tourne vite autour de ce qui nous fait face, le dégât causé par l'hiver à ce chalet quasi déserté qui me sert de voisin immédiat. L'autre voisine a déjà appelé la ville. Tout le monde est plus ou moins curieux de la chose et personne n'a de peine pour ce Tony qui n'a guère sa place sur cette rue mémère à saveur familiale. Les citadins ne se rendent pas compte à leur arrivée que derrière la tranquillité de l'endroit se cachent des regards habitués au calme, des regards qui surveillent le calme dont ils se repaissent...

Le fameux Tony, la quarantaine bien bronzée, le sourire colgate, le petit capri blanc sur les fesses rebondies et la chaine en or dans les poils. Le fameux Tony qui arrive sur les chapeaux de roues dans sa décapotable immaculée et qui se croit soudainement le maitre de la rue. Oyez, oyez, Tony est arrivé, prosternez vous devant sa majesté! Le fameux Tony, parasite de lac, qui passe quatre fois dans l'été pour ne faire que du bateau mais qui a finalement compris qu'il est ici sous haute surveillance. Les locaux l'ont a l'œil et... dans le collimateur. Il se trouve dans une position inconfortable. En quelques visites, il s'est arrangé pour insulter ou irriter la majorité des gens qui vivent ici à l'année. Nous sommes une douzaine d'âmes dans cette situation. Une douzaine d'âmes qui vivent à l'année sur cette rue qui longe la forêt. Le lac est à quelques centaines de mètres, plusieurs chalets d'été sont parsemés entre nos résidences. Tony possède l'un de ces chalets si peu habités. Une des rares fois où il est venu profiter de son nouveau chalet, il est arrivé avec la police aux trousses pour une quelconque infraction mineure et à une autre occasion, c'est un automobiliste en rage qui l'a suivit jusque là. Le Tony lui avait fait une queue de poisson à l'entrée du village! Le bonhomme inconnu avait la haine. Ils se sont engueulés un bon coup. Le Tony s'agitait du haut de son balcon "Tsé à qui tu parles, mon gars, tsé à qui tu parles?!?". Du bout de mon balcon, j'ai observé la scène les sourcils assez froncés pour attraper une ride. Je n'ai pas choisi d'habiter pas en ce coin de brousse pour assister à de telles scènes débiles! Il s'est ensuite arrangé pour se taper deux jeunes filles en une nuit de pleine lune. Deux jeunes filles en talons aiguilles et pantalons moulants qui ont débarquées à 3 heures du matin d'une voiture sombre pour y rembarquer trois heures plus tard alors que l'aube s'apprêtait à poindre.

Le lendemain le petit gnome à l'égo de géant s'est permis le bon gout de dire sur son balcon "Ah! J'ai encore le gout de petites filles!". Son compagnon d'infortune a grommelé une réponse que le vent a emporté. Yerk, mon grand, j'crois ben qu't'es pas à la bonne place icitte! La frontière existentielle qui me sépare de ce fameux Tony a l'allure d'un gouffre. Petit chose qui m'a assez tapé sur les nerfs pour que je fasse venir un très gentil monsieur agent de l'environnement ( que j'ai lancé à ses basques sur les conseils de mes sources municipales) pour qu'enfin il se débarrasse de sa vieille "tank à huile" qui polluait le sous bois derrière chez nous. Il ne l'a pas aimé celle-là. Il a dû s'y plier. C'était le début de l'automne dernier. C'est la dernière fois où il est passé et c'est là que l'on a eu droit à notre lot d'insultes. Des insultes racistes comme je n'en avais encore jamais entendues depuis vingt ans que je vis en Nouvelle France! Stoïque, ses menaces m'ont laissée de marbre, en fait il me fait plus pitié qu'il ne peut blesser. Je ne vis pas dans la même dimension que lui. D'autres voisins sont aussi passés par ces colères et ceux qui l'ont évité font de leur mieux pour l'ignorer. Je me fous de sa petite existence. Je tiens juste à ne pas en subir les conséquences. Et puis c'est pas comme si j'avais pas toute la rue pour surveiller mes arrières!

Durant cet hiver qui a craché des tonnes de neige, la rue a pris des paris sur l'état de sa toiture. Et puis les nouvelles provinciales ont commencé à parler des maisons effondrées et toute la rue s'est mise à regarder du coté de ce chalet quasi abandonné. J'ai même aperçu des motoneiges égarées s'arrêter devant pour pointer du doigt son toit. Comme je ne désire pas souhaiter du malheur à autrui aussi con soit-il, j'ai essayé d'y penser le moins possible. À force, j'ai même fini par ne plus y faire attention. Et puis un soir, crack, la neige a finalement gagné son combat, le toit qui recouvrait sa terrasse s'est effondré. Juan a entendu quelque chose, moi je n'ai rien remarqué. La neige a absorbé le choc mais sa galerie est foutue, sa façade aussi. Yolande s'inquiète des fils électriques qui ont un air de Pise. Je lui apprends que de ma fenêtre, j'ai une vue imprenable sur son toit de tôle tout cabossé. Elle pointe le doigt vers ces fils électriques qui la préoccupent. Elle craint le feu. Les frayeurs de la vieille dame mettent des doutes dans mon mal de tête qui persiste. Manquerait plus que ça! J'éloigne les angoisses. Ah! Si on ne pouvait plus lui revoir la face cela serait le paradis Cependant je soupçonne qu'on va entendre crier le fameux Tony dès que reviendront les beaux jours. Je prépare mon sabre et mon bouclier...

écroulé-IIIécroulé

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