jeudi, janvier 11, 2007

En quelques mots, je définis la Poésie des mots comme Création rythmique de la Beauté. Son seul juge est le Goût.
Edgar Allan Poe
(Extrait de The poetic principle)


De part et d'autre de votre présent si fragile, le passé et l'avenir sont des monstres assoiffés de temps.
Jean d'Ormesson
(Extrait de La Création du monde)


Le doute est père de la création.
Galilée

...

mercredi, janvier 10, 2007

Expression bien connue à laquelle j'ai toujours plus ou moins préféré celle de la St-Glinglin que je trouve plus rigolote à l'oreille. En mon livre personnel la St-Glinglin est voisine de "perpète les ouilles"...

EXPRESSION
« La semaine des quatre jeudis »

SIGNIFICATION
Jamais.

ORIGINE
Cette expression existait dès la fin du XVe siècle, sous la forme 'la semaine à deux (à trois) jeudis'. Au XVIe, elle est devenue 'la semaine des trois jeudis' avant de prendre la forme d'aujourd'hui au XIXe. Elle fait allusion à une semaine, aussi impossible ou inexistante que la Saint-Glinglin, qui contiendrait deux, trois ou quatre jours identiques. Pendant la période où les enfants avaient leur jour de repos scolaire le jeudi, on y a aussi attaché le sens d'une semaine utopique, car pleine de jours de loisirs.

La semaine des quatre jeudis

S’abstenir ou voter?

Une petite remarque de Moukmouk rappelle à ma mémoire le fait que je me suis inscrite à ceci. Je n’avais pas, en m’inscrivant, pleinement percuté que dans ce petit jeu de virtualité, il fallait encourager ceux qui nous lisent à voter. Je ne suis pas très à l’aise avec ce principe de « Votez pour moi ». C’est un concept qui m’insécurise la moelle épinière. De toute façon, vu le peuple qui s'y est inscrit pourquoi ne pas se laisser couler dans la foule? Ainsi, j’avais mis de coté ce concept déstabilisant, je l'avais bien rangé dans un recoin de ma cervelle rouillée jusqu’à ce commentaire de Moukmouk qui vient me gratouiller le scalp hérissé…

Me voici les idées prisent entre deux chaises, inconfortable, je me remue les fesses. D’un coté je me suis inscrite au truc (assume ma vieille!!!), et de l’autre l’idée de me promouvoir m’indispose profondément! Un petit génie qui passe par là s’arrête sur l’un des fils de mes pensées électriques. Il me dit : « Whoua, ces cordes sont bien épaisses! Y'a du super jus! Super confo! Mais dis, tu devrais pas un peu t’alléger les neurones, c'est pas un peu trop lourd ton truc là? »

Happiness

S’abstenir ou voter?

Humeur vidéo du jour


Music video "Special Cases" by Massive Attack.
Cette chanson se retrouve sur l'album "100th Window"

Humeur vidéo du jour

lundi, janvier 08, 2007

Hiver où te caches tu?

Les jours de la semaine dernière se sont confondus dans une brume fantomatique née d’une fonte précoce. Les températures anormalement hautes pour un mois de janvier rivalisent de records. Les ours deviennent insomniaques, ils se réveillent et ils errent. Les rivières ne gèlent pas et le paysage se déshabille de ses habits d’hiver pour nous entraîner dans une humide danse. Strip-tease de saison qui déçoit les touristes avides de sensations sibériennes et d'étendues polaires.

Quelque chose ne tourne pas rond. L’hiver se fait la malle, il emporte avec lui sa magie et ses complaintes, sa rudesse et ses blancheurs. Dimanche après-midi, il fait un peu plus frais, il ne pleut plus, le soleil fait une incursion inattendue et un petit gel recommence à emprisonner l’atmosphère trempée. Le lac se solidifie un peu même si personne n’ose s’aventurer sur sa traître surface. L’on annonce un retour sous zéro pour la semaine prochaine…

L’hôtel de glace
, pas encore en péril, doit ralentir sa cadence de construction. Les sculpteurs sont en congés forcés, la charpente tient le choc même si elle dégouline un petit peu sur les cotés. Durant les fêtes je suis allée signer mon nouveau contrat. À l'accueil, je découvre (avec grand plaisir) mes photos agencées en posters sous verre. Comme par le passé, je poursuis ma fonction officielle d’ambassadrice en profitant de plusieurs entrées gratuites et d’une future nuitée de glace entre autres petits privilèges de saisons, ceci en échange de mes services photographiques. C'est une belle collaboration qui anime mes hivers tranquilles.

Cette année, des produits dérivés de mes photos se retrouvent sur les tablettes de la boutique. Des crayons et des tasses décorées de mes images. Ainsi, durant une autre saison, je mettrai mon œil numérique au service de cet étrange palace. Peut-être que cette année-ci j'arriverai à aussi trouver l'inspiration glacée pour y écrire une histoire givrée. Jusqu'à sa fonte, je vais aller me plonger le coeur et les idées en ce château des merveilles hivernales qui réveille l’imaginaire gelé.

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Ces jours derniers j’étais cependant bien inquiète pour la place. Je regardais tomber la pluie avec chagrin en priant pour que cela s’arrête avant que l’hiver ne disparaisse et ne dissolve de son dépit cet hôtel qui divertit ma saison. Je grommelais dans mon coin sans oser aller voir sur place les dégâts. En ce dimanche, les rayons du soleil et le petit air frais encourage ma curiosité. J’entraîne mon homme et mon lutin pour une première visite…

Ice Kingdom

Érigé sur un océan de glace, il faut faire des petits pas prudents pour accéder à ses portes. Comme l'on a ni poussette, ni luge, l’on nous prête une sorte de petit traîneau qui rappelle ceux tirés par les chiens pour balader la petite à l'intérieur. Juan s’amuse comme un petit fou et Lily-Soleil règne dans son drôle d'engin. Les yeux bien ouverts, elle examine sagement cet étrange univers...

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La construction est encore bien inachevée. Cinq suites sont finies et une petite dizaine de chambres de base, le hall et le lounge sont ouverts, tout le reste est en attente de froid. La chapelle n’est pas accessible, le bar et la discothèque sont encore inexistants. Bref, tout n’est pas foutu, loin de là, mais un certain retard se fait sentir. L’inauguration officielle est prévue pour le 25 janvier.

Espérons que d’ici cette date, l’hiver aura repris des forces! Que ferait le carnaval sans neige? L’année dernière déjà, l’hiver faisait la gueule, ici il faisait déjà trop chaud et l’inauguration de l’hôtel avait dû être repoussée d’une semaine pour que tout soit prêt à temps. Ce serait quand même étonnant de se dire que l’on ne peut plus compter sur l’hiver au Québec! D'ailleurs en ce lundi voilé la neige n'en finit plus de tomber...

En attendant la suite givrée de janvier, un petit aperçu du royaume des glaces qui se cache de l’autre coté du grand lac…

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Hiver où te caches tu?

dimanche, janvier 07, 2007

Zeste des fêtes au village

Snowy

Zeste des fêtes au village

Au petit jour...

Je me réveille la première. Je me décolle les paupières lourdes de sommeil pour aller me chercher un verre d’eau. En entrant dans la cuisine, je crois distinguer un mouvement près de la fenêtre. Je me secoue les puces. Un autre matin blafard pointe derrière la vitre. Depuis quelques jours, une épaisse brume embrouille les paysages. Je baille. Je crois voir quelque chose bouger dans le salon. Sûrement un chat qui s’étire. Je sors un verre du placard. Furtivement, il me semble apercevoir une silhouette se déplacer sur le balcon. Je fronce des sourcils et m’approche de la fenêtre. Dehors, le brouillard alourdit l’atmosphère, tout est calme et silencieux.

Je me frotte les yeux et tourne le robinet pour laisser couler l’eau fraîche dans mon verre. J’entends l’homme ronfler dans la chambre. Le bébé dort encore. Alors que je prends une gorgée d’eau fraîche, quelque chose remue à ma droite. Je tourne la tête juste à temps pour distinguer une bouffée de brume s’effacer de la chaise. Je fronce les sourcils, indécise, est-ce que je suis moins bien réveillée que j’en ai l’impression? La brume existe dehors jamais à l’intérieur! Je m’approche de la baie vitrée pour examiner les environs. Une purée de pois recouvre la rue. Elle lèche le balcon de sa grisaille. Quelque chose bouge sur les escaliers. Quelque chose qui se fond rapidement dans la brume. Dans le salon, un chat siffle et grogne.

J’entre dans la pièce pour y découvrir une masse informe sur le divan. Une entité de vapeur flotte sur le tissu. J’avale de travers et m’arrête net. Gelée dans mes mouvements, je me colle le dos contre le mur. La masse se forme et déforme jusqu’à ressembler à une personne. Mon cœur bat la chamade. Sans me prêter attention, la chose sans consistance s’approche de la fenêtre. Elle la traverse sans un bruit et paraît marcher vers le brouillard. Elle y disparaît en deux secondes. J’ose prendre une grande respiration. Peut-être que je dors encore et que je suis en train de rêver que je suis réveillée? J’entends battre mon cœur dans mes veines. L’instant présent possède la texture du réel mais je n’en comprends pas la saveur. J’ai à peine repris mes esprits que je distingue une autre de ces formes assise sur une chaise de jardin oubliée dans un coin de balcon. Elle tourne sa tête sans visage en ma direction. Je manque de défaillir. Un cri s’étouffe entre mes lèvres. Je traverse la cuisine au pas de course pour me réfugier dans la chaleur de mes draps…

Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire? Et bien voilà, c’est juste cela! Juste une minuscule histoire de vapeur matinale, rien qu’un soupçon de fiction jaillit d’un concept confus: Et si les lecteurs de blogues pouvaient, grâce au pouvoir des mots, se matérialiser dans notre réel? Et si les esprits inconnus qui lisent ces phrases offertes aux regards de tous pouvaient se téléporter l’essence en nos maisons cachées? À quoi ressembleraient nos petits matins embrumés si l’on avait le pouvoir de croiser ces personnes invisibles qui viennent butiner notre virtualité?

Embuée

jeudi, janvier 04, 2007

Texture d'hiver

Coup de fil.

Le téléphone sonne. Juan donne le bain à Lilou, je réponds.

- Allo?
- Étolane, vous avez laissé un message pour le service de garde?
- Heu, oui, je voulais avoir un peu plus d’information, j’ai une petite fille de 14 mois et j’ai vu trouvé l’une de vos cartes, j’habite sur la « … », j’ai vu que vous n’étiez pas loin…
- Oh! Mais je vous reconnais, l’on s’est déjà rencontré, je crois que l’on s’était parlé à la plage, on était toutes les deux enceintes…
- Ah! Oui? Heu, c’est possible…


Mais qu’est-ce que je rencontre de personnes à la plage!!! Et bien sur comme ce sont à chaque fois des rencontres furtivement amicales, je ne me souviens jamais des gens. C’est que j’en rencontre des gens dans ma vie! J'ai besoin de voir plusieurs fois un visage avant de me le rentrer dans la tête. Ceci mon plus grand paradoxe, je suis instinctivement solitaire mais dès que je sors le nez de ma tanière je butine à qui mieux mieux l’humanité que je croise! à mesure que l’on se parle, la dame me replace. C’est sympathique, ceci amène un ton bien cordial même si je n’ai personnellement aucun souvenir de cette dame. Plus je lui parle et plus je me rends compte qu’elle semble parfaite...

Elle habite à quelques centaines de mètres de chez moi. Mère de deux enfants âgés de trois et un an, elle est en train de monter une petite garderie familiale accréditée par le gouvernement. Elle travaille déjà dans une grosse garderie en ville. Pour l’instant elle n’est disponible que deux jours par semaine mais est prête à prendre Lily-Soleil selon ma convenance que ce soit une heure ou une journée. Étonnement flexible et compréhensive, elle possède une expérience professionnelle adéquate et l’envie donner un service qui n’existe pas au lac. Il faut dire que nous sommes à peine 500 habitants à l’année, même si l’on passe à cinq mille l’été, l’été ne dure que trois mois par année! Pour l’instant à part ses deux enfants, elle garde occasionnellement une autre petite fille. Comme elle désire être accréditée par le gouvernement pour offrir des places à 7 dollars la journée, elle doit prouver qu’elle peut avoir une clientèle.

Elle aimerait quitter sa job en ville pour ouvrir à temps plein son service de garde en septembre. Il paraît qu’il y a pas mal de femmes enceintes dans les environs, elle a bon espoir que cela marche. Le Québec connaît un mini baby boom qui est en train de bousculer les mœurs des dernières années, c’est le miracle inattendu des nouvelles naissances. Elle m’explique même que si je décide d’envoyer Lily durant une journée entière, son tarif privé de 26 dollars ne me coûtera que 11$ car je peux être remboursée par le gouvernement et qu’elle a, en sa possession, les papiers pour que j’applique à ce remboursement. Bref, elle est parfaite. Mon cœur se serre, mon estomac fait des noeuds. Je lui propose de passer la voir la semaine prochaine avec le bébé, juste pour voir…

Elle me rassure et m’explique combien il est normal que je ne désire pas me détacher de mon enfant, en plus c'est le premier me dit-elle! Elle-même se lance dans l’aventure pour rester près de ses enfants et leur donner l’occasion de socialiser avec d’autres. Oh! Ironie quand tu nous tiens! Son fils n’a que deux mois de différence avec Lily-Soleil. Je raccroche en promettant de passer la semaine prochaine. Je pose l’appareil sur son socle et je prends ma toute petite fille dans mes bras. Je la serre fort. Elle se laisse faire. Juan est fier. Il sait combien cela m’a coûté que de faire ces premiers pas. Dans un tout petit coin de ma cervelle, une petite ampoule éclaire une aire de traduction. L’idée fait son chemin, insidieuse, elle me prépare les fesses à reprendre des contrats l’automne prochain…

Allo?

mercredi, janvier 03, 2007

Conjuguer la femme et la mère n'est pas une mince affaire! Depuis la sortie de cet essai, un nouveau débat prend forme...

Extrait via cet article: "Le point de vue de Nathalie Collard sur...

Le féminisme: « Le féminisme aborde rarement la maternité. Lorsqu'il le fait, c'est pour parler d’avortement et du droit à disposer de son corps. Je crois qu'il est grand temps de se questionner sur notre rôle de femme et de mère, et de cesser de percevoir la maternité comme un piège. La maternité vient avec des responsabilités et un retrait de la vie active. Les premiers mois, c’est la maman qui s’occupe du bébé, que l'on soit féministe ou pas. Il est faux de croire que la journée suivant l'accouchement, on peut retourner travailler et continuer sa vie comme si de rien n’était. C'est certain que mettre son enfant trop tôt en garderie entraîne des impacts négatifs. Pourtant, on refuse de regarder cette réalité en face et d’envisager des solutions. Le sacrifice même pour la mère de rester avec son enfant durant la première année ? et pour le papa les six mois suivants ? apparaît insurmontable. Si nous ne sommes pas prêts à cela, alors n’ayons pas d’enfant !

La génération X, celle dont je fais partie, est éloquente : nous étions certaines de pouvoir tout réaliser ? des études poussées, une brillante carrière, une vie de couple épanouie hors mariage... Jamais personne ne nous a dit que le fait d'avoir des enfants impliquerait un arrêt de travail temporaire, une perte de repères. Nous éprouvons toutes les misères du monde à réconcilier notre vie de femme autonome et notre maternité. Il existe actuellement une compétition malsaine entre les femmes qui travaillent et celles qui font le choix de rester à la maison pour s'occuper de leurs enfants. Les secondes sont souvent méprisées par les premières. Tant mieux si ces femmes peuvent se le permettre ! S’il y a un échec dans le féminisme, il se situe à ce niveau, bien plus que dans le phénomène de l’hypersexualisation des fillettes.

Tout ce que l'on fait maintenant, c’est de rassurer notre employeur et notre entourage en leur disant : “Je n’ai pas changé parce que j’ai eu des enfants”. Sur le plan physique, on va se dépêcher de retrouver sa taille. C'est comme si c’était une tare d’avoir des enfants. »"

Conjuguer la femme et la mère

Brouillon mental

Premiers mots de 2007. Retour devant la machine infernale. Avec bonheur, je me suis éloignée de la bête informatique. Laissant rejaillir à la surface de mes souvenirs ces années d’existence sans la Toile invisible pour nous emporter les heures. J’ai dévoré quelques livres. Et surtout, je me suis baignée dans cette lumière amoureuse qui s’allume tendrement lorsque nous sommes ensemble. Cela faisait si longtemps que je n’avais pas passé autant de temps avec lui...

Son emploi à l’université ne lui offre pour l’instant qu’un simple salaire, pas de congés payés, pas de congés maladie, pas d’assurances, juste l’occasion de faire ses preuves. Huit jours fériés par année et au bout de deux à trois ans, l’opportunité de décrocher une permanence avec congés payés et ribambelle de conditions sociales. En attendant, il pointe au bureau et travaille sans relâche. De mon coté, j’apprivoise mon rôle de mère au quotidien et plusieurs soirs par semaine alors qu’il rentre du bureau et prend le relais parental, je vais fouetter ce corps ingrat qui m’a si lâchement laissé tomber en le torturant vigoureusement dans une salle d’entraînement uniquement peuplée de femelles en sueurs.

Nous ne nous voyons plus que les fins de semaines. En bientôt sept ans de cohabitation, c’est la première fois que nous nous voyons si peu. Nous en sommes conscients, nous en discutons régulièrement. Le secret de la réussite présente de notre couple tient dans cette communication fluide qui nous balance. Car comme dans tout couple, parfois les regards grincent, parfois les portes claquent, parfois les mots piquent. Les courants des humeurs qui nous parcourent s’entrechoquent, s’emboîtent, s’adaptent et puis s’harmonisent. En sa compagnie, chacune de mes émotions est valide, nul besoin de les cacher, nul besoin de faire semblant, avec lui, je suis entière. Malgré cela, il nous aura fallu deux trois jours pour retrouver nos repères, deux trois jours pour rééquilibrer ce quotidien qui d’habitude nous fait défaut. Comme toujours le pouvoir de communiquer le fond de nos pensées nous a sauvé du pire pour nous guider vers ces voies de compréhensions mutuelles essentielles à notre bonne entente. Nous sommes sortis chez des amis, nous avons reçu la famille, nous nous sommes reposés, nous sommes partis pour de longues ballades sur le lac, dans la poudreuse qui scintillait de mille feux sous un soleil polaire. Même le temps s’est accordé avec les beautés de l’hiver pour nous offrir une symbolique bordée de neige le 26 décembre. De la neige douce, aérienne, qui s'est offerte à de merveilleuses journées, bien froides mais si ensoleillées!

La petite était ravie de passer du temps avec nous deux. Les trois, ensemble. Si jolie à voir grandir, elle a commencé l’année avec un moral nullement affecté par ce premier rhume attrapé à Noël ou par cette petite larme qui lui gela un minuscule bout de peau exposée à l'hiver retrouvé. Sans trop comprendre le principe des fêtes, ses grands yeux bleus ont brillé à mesure que les jouets lui pleuvaient entre les mains. Petite boule de sourire, de plus en plus rigolote, de plus en plus coquine. Les premiers jours, Juan a dû subir le « papa-scotchage » qui consiste à ce qu’elle le colle avec tant d’ardeur et de volonté qu’il ne peut faire deux pas sans l’avoir accrochée à une jambe. Elle ne semble pas souffrir de ce problème avec ma pomme qu’elle voit à satiété. Au bout d’une semaine ensemble, ce symptôme à saveur « Œdipienne » semblait être passé. Il rejaillira sûrement au cours des prochaines semaines. C’est le revers de la médaille du père qui fait de son mieux pour s’occuper de sa toute petite fille tout en continuant le dur labeur de sa vie professionnelle. Au détour d’une conversation, l’on remarque comment les circonstances de la vie rendent la paternité si empreinte d’absences.

Pour Lily-Soleil qui adore son père, les heures en sa présence sont trop courtes, trop rares, elle en veut plus. Il le sent, je le vois, elle l’exprime. C’est ainsi. Presque étrange pour moi qui n'ai pas de souvenirs paternels. Je trouve que Juan est bien présent dans la vie de son enfant. Cela me cicatrise de l’intérieur. Je n’ai pas grandi avec le manque paternel, mais j’ai connu ce manque maternel qui m'a construite. Je suis issue d'une famille dysfonctionnelle. Au fond, tout ce que je désire c'est savourer le bon fonctionnement de cette jeune famille que nous construisons au fil des années qui s'effacent. Je suis le fruit insouciant du mariage éclair de deux adolescents en rut. Ma mère, une femme de sa génération avec des ambitions d’indépendance exacerbées a mené sa vie tambour battant. Élevée dans les jupons de ma grand-mère, je voyais tourbillonner ma mère, jeune, belle, libre et je sentais cet insaisissable manque me grignoter le fond du ventre. Ainsi était ma vie. Désormais, je dois confronter ce traumatisme d’enfance en acceptant en mon cœur que je ne peux passer chaque seconde de mes jours avec Lily même si j'en ressens le devoir. Que je dois aussi vivre une vie qui est mienne. C’est une réalité qui me déchire. Je suis capable de l’envoyer passer une journée ou une nuit chez ma mère car c’est sa grand-mère et qu'à travers elle, j’y retrouve peut-être ce que je n’ai pas connu.

L’idée de la gardienne me fout à l’envers. Je bloque sec. Depuis des semaines, Juan essaie de planter des graines de raisons dans ma petite tête pour me décoller de ces puissantes émotions internes, je le laisse faire, je les laisse germer. J’apprivoise sans joie l’idée de la garderie. Viscéralement, je veux la garder encore un temps près de moi. Je veux continuer d'apprendre à la connaitre. Je me rebelle. Est-ce si grave de laisser mon individualité de coté pour encadrer ses jeunes jours? Est-ce si grave si notre pouvoir d'achat est faible? Parfois je ne fais que la regarder grandir et le temps s'arrête. Je fonds de bonheur. Je suis là où je dois être. Je me sens riche. Je la guide. Chaque jour davantage, j'aime être sa maman...

Je sais que le jour viendra où elle ira à l’école. J’ai d’ailleurs laissé tomber le fantasme de lui faire l’école à la maison, car soyons franche, j’aime quand même bien l’idée d’avoir une vie indépendante de mon rôle de mère et si j'avais dû être institutrice, j'aurais passé ces portes qui se sont ouvertes maintes fois vers cette voie alors que je piétinais le chemin de mes destinées. Je sais que pour reprendre les rennes d’une certaine individualité, je dois laisser d’autres personnes s’occuper de mon enfant vu que je n’ai pas les huit bras, quatre bouches et trois cerveaux qui me permettraient de tout faire à la fois. J'ai du mal à accepter cette idée...

J’envisage malgré tout avec cette nouvelle année l’option de la laisser quelques heures par semaine en garderie familiale. C’est à reculons que j’envisage cette option, poussée dans le dos par mon homme qui, je le sais, ne veut que le meilleur pour ma pomme. Mais encore faut-il trouver LA garderie! Je suis en paix avec l’idée qu’elle passe une journée par semaine chez sa grand-mère, je suis heureuse qu’elle ait ainsi l’occasion de développer une relation approfondie avec l’un de ses grands-parents. Mais sa grand-mère n'est pas toujours disponible alors il faut aussi avoir un plan B. Je comprends le principe.

Pour faire preuve de bonne foi ou est-ce les graines de l'homme plantées dans mon cerveau? Le fait est que je n’ai pas tourné la tête lorsque j’ai vu sur les babillards des commerces du village voisin les cartes pour la promotion d’une garderie familiale à trois rues de chez moi. J'ai pris l'un de ces cartes dans ma poche. Malgré mon estomac serré en des nœuds bien raides, ce matin, j’ai appelé et laissé un message pour avoir plus d’informations. Rien qu'écrire ceci m’inonde d’angoisses sombres. Je suis bloquée à la gorge. C’est une évidence. Plus je passe de temps avec ma fille, plus il m'est difficile de m'en détacher. Elle m'accroche le coeur. J'aime tant ces moments privilégiés que nous passons ensemble.Du coin de l'oeil, j’observe de loin le débat qui entoure ce livre (que je n'ai pas lu par crainte de m'y perdre!) qui me conforte dans mon « blocage ». Je me sais incapable de l’envoyer en garderie avant ses 18 mois. Je sais cependant qu’elle va bientôt avoir besoin de socialiser avec d’autres enfants, c’est l'unique point qui fait pencher ma balance. Je ne tiens pas à l'enfermer dans un vase clos en ma seule compagnie. Elle aura 14 mois dans quelques jours…

Si je pouvais me contenter de n’être qu’une mère au foyer, je serais au paradis des femmes comblées. Mais je ne me rends compte que je ne peux désirer n’être qu’une mère pour le restant de ma vie. J’ai aussi besoin d’exister en tant que femme, en tant que personne individuelle. Même si je m'en écarte souvent, je vis dans une société enrobée de consommations, une société basée sur des règles individualistes. Il est difficile de renier le monde qui m'entoure. Je réalise la profondeur des dilemmes qui affligent la "femme-mère". De nos jours, les femmes sont libres d'être ce qu'elles désirent être. Nos mères ont repoussé les limites permises, elles se sont battues pour l'égalité des sexes et c'est pour le mieux! Les réalités féminines se sont, au fil des générations, doucement transformées de façon à laisser éclore les individualités. Maintenant, chacune d'entre nous doit trouver son propre équilibre au sein de ces nouvelles libertés. En cet équilibre se cachent bien des défis...

Faire un enfant a changé bien des choses dans ma vie, dans mon esprit, dans mon corps et dans mon cœur mais mon âme est restée intacte. Et mon âme se nourrit de mots et de langues, elle en a besoin tout comme l'humain a besoin d’air pour respirer. Il est temps avec cette nouvelle année de retrouver le chemin des mots disciplinés et de discipliner les émotions embrouillées…

Brouillon mental

Étincelles humaines

Après s'être levée de fort mauvaise humeur, elle s'est réfugiée au creux de ses draps tandis qu'il adoucissait son monde extérieur d'attentions aimantes. Pas de cadeau à déballer juste un homme pour l'aimer. Elle s'occupe de l'enfant enjouée pour essayer de souffler la morosité de son humeur. Il l'entoure de petits soins. Elle se laisse amadouer. Il réchauffe ses idées glaciales. La journée se passe dans le calme.

Tombe la première nuit de la nouvelle année. L’enfant s’est sagement endormi. Une douce quiétude règne dans la petite maison située à la lisière de la grande forêt assoupie par les forces de Janvier.

Il grignote au coin de la table, elle lève le nez de son livre et pénètre l’atmosphère tranquille pour lui demander :

- Pis pour toi la nouvelle année ça t’inspire quoi finalement?

Il réfléchit quelques secondes avant de répondre

- Ben, la vie c’est pas ce que l’on croit…
- Hum? Hein?!?
- Oui, dans le fond on est rien que des étincelles de néant dans l’éternité…
- Aaaah! Hummm…

Elle croque ses mots et sourit sans mot dire. Elle tourne une page qui bruisse entre ses doigts et poursuit sa lecture. En son cœur de femme, une étincelle de passion fait briller la pénombre de ses silences. Après tout, avoir 34 ans, cela ne veut pas dire grand chose! Ce qui compte c'est le coeur qui palpite de bonheur et la vie qui s'écoule en nos veines...

Étincelles...