vendredi, février 17, 2012

Apprendre le respect de l'écrit...

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Apprendre le respect de l'écrit...


À 15 ans, j'écrivais des conneries en classe avec mes amis. On rigolait comme des tordus dans le dos du prof à s'échanger des petits bouts de papiers déchirés avec du contenu délirant. Un contenu qui nous faisait délirer car l'on en connaissaient les dangers. Le plus con, le plus fou, le plus drôle...

Je ne me souviens plus de quel cours il s'agissait mais il était d'un ennui tel que c'était la façon qu'un petit groupe d'entre-nous avait choisi pour s'en divertir. Une fois le cours fini, l'on avait tous, en notre possession, plusieurs petits papiers remplis de données compromettantes, toutes aussi fausses les unes que les autres.

Je rangeais ma collection de petits papiers dans mon portefeuille, persuadée que c'était l'endroit le plus safe vu qu'il ne me quittait jamais. Mais c'était sans compter sur mon côté nouille qui faisait que je perdais souvent des trucs, dont mon portefeuille! Perdu dans les couloirs de l'école...

Un portefeuille qui a atterri sur le bureau du directeur. Qui a lu mes petits papiers. J'étais foutue! "Cuite comme des toasts" selon l'expression de ma progéniture. Dans la mierda...

Convoquée j'ai vite compris ma douleur. J'étais dans une école privée avec des règles strictes et aucun humour. Impossible pour moi d'expliquer que les comportements écrits était une pure fiction à laquelle l'on s'adonnait en groupe pour combler l'ennui d'un cours mortel...

À ce moment précis, ébouillantée, j'ai appris à respecter l'écrit. Depuis toujours ma grand-mère me disait qu'il fallait toujours faire attention à ce que l'on écrivait car une fois écrit, c'était inscrit comme dans la pierre. Les paroles s'envolent, les écrits restent ma fille. Me disait-elle souvent...

Et si j'en comprenais le principe, ce jour là, me sentant bien conne dans le bureau du directeur, j'en ai appris toute la portée. Ce jour là, je n'ai rien appris des adultes qui me révoltaient la vie par leur étroitesse d'esprit mais j'ai beaucoup appris de l'écrit.

Les mots que j'avais écrits sur le papier m'incriminaient sans équivoque. Et en plus comme c'était mon portefeuille perdu, ils incriminaient aussi mes amis. Non seulement j'étais grillée mais les copains aussi.

S'ajoute alors la culpabilité à l'humiliation. Et c'est sans parler de la punition à venir qui ne pourrait être que disproportionnée puisqu'elle se baserait sur les écrits. Le faux devenait vrai juste parce c'était écrit. Sur des petits bouts de papiers déchirés...

J'ai pris ma claque dans la gueule comme une grande. Après avoir essayé d'expliquer le fond de la chose sans être crue, j'ai continué à n'avoir guère confiance dans le jugement des adultes autour de moi.

En mon fort intérieur, je trouvais même que c'était une faille de l'école. Après tout le cours aurait été moins nul on aurait moins eu l'envie d'y échapper mentalement! Les souvenirs remontent avec ces mots. Le pouvoir de l'écrit... Et cela me revient maintenant, c'était un cours d'histoire-géo, une matière qui avait le potentiel de m’intéresser. En silence j'ai ragé. J'ai serré fort des dents et j'ai pris ma claque.

Lorsque l'on se fait prendre sur le vif d'une connerie, il faut l'assumer, cela fait partie des risques de la chose. Et il faut quand même avouer que l'on jouait aux petits cons dans la classe...

L'on s'est serré les coudes avec les amis. Personne ne m'en a voulu. Je leur en ai été reconnaissante. J'ai aussi été surprise par le fait que mon quota de popularité en a profité pour augmenter à l'école. J'ai assumé l'incompréhension adulte et la punition. Et la leçon que j'ai apprise n'a certainement pas été de respecter davantage l'adultitude environnante mais certainement de respecter l'écrit à jamais...

J'ai si bien appris la leçon que je n'ai plus jamais posé de conneries à l'écrit. J'ai appris à toujours peser ma plume, toujours penser aux conséquences de l'écrit sur ma vie. Cette leçon s'est conjuguée à la maturité des années. Désormais, il est bien possible que je dise une connerie mais pour que je l'écrive il faudra que j'aie perdu la raison...

Lorsque le Web est entré dans ma vie au début de la vingtaine, la leçon était déjà bien assimilée. C'est sûrement pour cela que je peux dire que je n'ai jamais rien regretté de tout ce que j'ai pu inscrire sur le Web.

Mais cette leçon, apprise chèrement à 15 ans, je l'ai vu souvent passer sur le Web depuis que j'y erre. Bien des internautes tombent dans le panneau. L'écrit n'est pas la parole, l'écrit reste et sur le Web, il s'incruste...

Aussi j'ai une certaine compassion pour les ados d'aujourd'hui qui vivent avec l'écrit sur le Web. Un écrit qui prend en puissance. Sur le Web le potentiel de l'écrit est phénoménal. S'il devient viral, c'est presque démentiel.

On est plus aux temps heureux des petits papiers déchirés...

À notre époque ce qui est écrit sur le Web s'inscrit vraiment dans la pierre du temps. Impossible de le brûler ou de le déchirer en mille morceaux. De nos jours il faut respecter l'écrit plus que jamais. Tant que régnera le Web, il ne faudra pas oublier la puissance de l'écrit. (et aussi du vidéo mais c'est un autre sujet)

Et pour ceux qui doivent apprendre la leçon du respect de l'écrit en 2012, cela peut faire très mal et causer du tort à grande échelle. Chaque humain est unique et si le contexte est toujours plus ou moins différent, la leçon, quant à elle, est universelle.

Aujourd'hui je ne suis plus une ado révoltée, je suis une mère mûre qui désire élever sagement sa fille. Une mère qui prend le parti d'apprendre des leçons de sa vie. Une mère qui se souvient de ses souffrances d'enfance, d'adolescence et qui espère le meilleur pour sa fille.

Être parent n'est pas facile. Peut-être bien parce-que c'est une fonction si importante. Avec énormément de responsabilités. Et que personne n'est parfait...

Le schéma dans lequel grandit ma fille n'est pas celui dans lequel j'ai grandi. J'espère qu'il en continuera ainsi. Présentement ma puce désire lire et écrire, elle y arrivera sous peu.

Je l'encourage sans la pousser. J'aime respecter son rythme d'enfance. Je la regarde progresser avec fierté et en même temps je sens peser le poids de la responsabilité parentale. Avec l'écrit qu'elle apprivoisera viendra toute une nouvelle dimension parentale à explorer. Finies les couches, bonjour la morale!

Et en ce qui la concerne, elle vivra surement l'écrit avec le Web. Et j'aurai du pain sur la planche pour essayer de l'éduquer là au milieu! Ma période de grâce s'achève. Je sais que la vie a encore bien à m'apprendre si je veux finir aussi sage que ridée. Et je sais que je vais énormément apprendre de la parentitude dans les prochaines années.

Après tout, c'est ce qui fait la beauté de l'intelligence humaine, apprendre, comprendre. Le corps décrépit et l'esprit s'épanouit.

À 15 ans on a tous les droits d'être con, à soixante on les a tous perdus, être con devient une fin en soi.

Pour l'instant Miss Soleil nous adore sans pareil. La chose la plus importante à ses yeux est ses parents. Lorsqu'elle nous en parle,le coeur nous fond comme de la guimauve en plein feu.

J'espère que lorsqu'elle aura 15 ans, l'on saura affronter ses conneries avec sagesse et compréhensions et qu'elle ne nous trouvera pas trop cons. Car autant son avis compte beaucoup à mon coeur aujourd'hui encore plus il comptera dans 10 ans...

5 commentaires:

Unknown a dit…

Voilà une bien belle réflexion Etolane... merci de nous l'avoir partagée :)

vieux bandit a dit…

Pour le Web et l'écrit, en tout cas... comme pour le Web et la lecture, le Web et la recherche, n'attends pas que l'école le fasse. Dans bien des cas... la limite, celle des connaissances du prof... est vite atteinte.

(C'est pas pour "descendre" les profs: jeunes ou vieux ils n'ont pas été formés pour gérer le mélange enfants et Web (on leur en demande déjà beaucoup; malheureusement le Web est entré dans leurs classes sans les outils que j'aurais trouvés... minimaux!), et je vois le Coco grandir et je constate que PERSONNE ne lui a appris comment chercher, jauger, évaluer. Toutes les sources se valent, et la vérité c'est... n'importe quoi. Souvent, ses profs ne savent pas pse débrouiller lus que lui (alors autant ne pas lui montrer, merci!). L'esprit critique, c'est rarement l'école qui le forme, hein! Ou alors... oui, mais par des leçons comme celle que tu décris!)

Anonyme a dit…

Très belle réflexion, en effet. Moi, c'est à 10 ans que "l'écrit" m'est retourné dans les dents... Je m'en souviens encore. Et ça a l'avantage de "vacciner" pendant un bon moment. Je pense que certaines personnes ont besoin d'expériences de ce genre pour se rendre compte de la puissance des mots et de l'indélébilité de l'écrit. C'est aussi comme ça qu'on apprend...

mum a dit…

ces mots là "les paroles s'envolent les écrits restent" ma mère me les a seriné lorsque j'étais petite..je ne mesurais pas alors l'impact de cette pensée..et ces mots prennent encore plus de puissance avec l'importance des réseaux sociaux, du web, des blogs..Je suis parfois consternée de constater la naïveté de certains jeunes (et moins jeunes..)qui peuvent écrire n'importe quoi sur leur mur et s'étonner ensuite des répercussions de leurs écrits...ou même de leurs photos!! de surcroit une photo n'engage pas que nous mais aussi les personnes qui sont avec nous sur le papier sont-elles toujours d'accord pour qu'on les expose??actuellement dans n'importe quelle association ici on fait signer une acceptation des personnes pour qu'elle soient photographiées ou filmées et que cela puisse paraitre dans la presse..par contre l'ami d'un ami d'un ami peut faire des photos d'une soirée où je suis et me placarder sur face -book sans même que je le sache!! n'est ce pas bizarre aussi??

Etolane a dit…

Céline, il y a des ces inspirations qu'il faut laisser couler... ;)

VieuxBandit, en fait je m'attends à ce que l'école lui enseigne des connaissances mais pour ce qui est du techno, je compte bien enseigner sur le coté! ;) Cette année, ce qui est drôle c'est qu'elle a la maitresse techno des maternelles. Mais le chemin est long et laborieux... Cela dit je pense qu'il est du rôle du parait d'enseigner les bases du bon sens, et la tâche est monumentale avec le Web dans l'équation...

ElPadawan, toi aussi... "la puissance des mots et de l'indélébilité de l'écrit"... et avec le web, cela prend encore une toute autre dimension...

Mum, seriner est bien le mot, c'est aussi ce qu'à fait ma grand-mère ;) Aujourd'hui, avec le web, il y a aussi les photos et vidéos... Plus que jamais le bon sens est utile pour apprivoiser le numérique. C'est pour cela qu'il faudrait beaucoup plus d'éducation Web à l'école. Mais pour l'instant l'on est encore à défricher la jungle...