vendredi, avril 17, 2009

Dans la salle d'attente

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Dans la salle d'attente...

Depuis Pâques dernier, M'zelle Soleil est aux prises avec un virus qui lui rend les nuits fiévreuses et les jours grognons. L'enfant ramollit sous les assauts de la maladie. Le souci m'envahit à mesure qu'elle s'affaiblit...

Hier matin, après une ultime nuit douloureuse, avant même que les portes de la clinique ne soient ouvertes, je suis (ma puce sur les talons), dans la file qui est déjà formée.

M'zelle Soleil me chuchote à l'oreille: "On fait la file hein maman?". Je la serre tendrement dans mes bras. Les portes s'ouvrent. Il est huit heures du matin. Dix personnes sont devant nous. Nous commençons l'attente...

Dans la salle, deux petits vieux se font la conversation. Il est question de cette soldate de vingt et un ans qui a trouvé la mort en Afghanistan. Une nouvelle a fait les manchettes de la veille. Je les écoute sans trop y faire attention lorsqu'une phrase m'interpelle l'esprit:

- Pis après tu te demandes pourquoi les américains ont utilisé la bombe à Hiroshima! N'empêche ils ont gagné, ça a arrêté la guerre!
- Oui, c'est sur. Mais maintenant tu peux plus faire ça. On est plus civilisé, tu peux pas tuer autant d'innocents. Parce-que y'avait beaucoup d'innocents à Hiroshima...
- Oui, t'as raison on tue plus les innocents. En Irak y pourrait pas faire ça. Mais quand même à Hiroshima ça a marché...

Dans les vapeurs de ma fatigue (la nuit précédente aura été bien courte) je grognasse. D'abord, la jeune fille a été tuée en Afghanistan. Pis si on revient à la mode de s'envoyer des bombes atomiques sur la gueule, cela va surement pas arranger la face du monde! Je soupire. Il n'ya vraiment pas d'âge pour raconter des conneries...

Je tourne la tête et croise le regard d'un homme mûr. La cinquantaine. Une veste en cuir style pilote d'avion. Des yeux bleus perçants. Il m'observe. Je fronce des sourcils. Je rabats mon attention sur mon brin de fille. Le front bouillant, elle attend sagement sur mes genoux. Elle observe une jeune mère et son nourrisson. Je lui ai demandé de ne pas approcher le bébé vu sa toux et sa condition. La mère m'en remercie du regard. Je lui envoie un sourire furtif. M'zelle Soleil, grognonne, garde ses distances mais fixe son regard sur le bébé. Je tourne la tête et fait un "double check". Mais oui. L'homme a changé de chaise. Subtil. Il s'est rapproché. Je croise son attention qui essaie de m'accrocher.

Grognonne, je bougonne en mes idées. Bon, j'ai trente six ans. Je dois accepter ma féminité assumée. Maintenant, je suis de la chair fraîche pour les hommes grisonnants! Ceci ne me réjouit pas particulièrement. Je me souviens avec une douce nostalgie de la gloire de mes vingt ans. Je regarde l'homme qui me regarde. Mon air n'est guère avenant. Il se contente de soutenir mon regard d'oursonne mal léchée. Plus que cinq personnes avant nous. M'zelle Soleil est étonnamment calme, la fièvre ralentit son naturel bavard. Je soupire. Je flotte dans un petit nuage de fatigue qui embrume mes pensées. Sur une chaise, non loin, une jolie femme dans la trentaine accroche mon regard. Elle me sourit. Sans même y réfléchir je lui souris aussi. Solidarité féminine silencieuse.

Je berce mon enfant en lui chantonnant un air de comptine. Les minutes s'écoulent. Je sors de ma torpeur et réalise que l'homme s'est encore approché. Il s'est assis sur une chaise à quelques pas de la mienne. J'hésite entre me sentir flattée ou menacée. Il n'a pas trop l'air d'un prédateur. Il a plutôt l'air d'un solitaire en chaleur. Je ne suis pas d'humeur. Je l'ignore royalement. Plus que trois personnes avant nous. Les chaises n'arrêtent pas de se remplir. Un flot régulier d'individus s'installe dans la salle. Un père et son fils pré-ado. Des étudiants. Une mère et un bambin. Un vieux monsieur bedonnant. L'homme d'à coté qui chasse ma féminité. Dans l'ennui qui me passe sur la peau, je me résous à sortir de mon humeur "bitchy" et je le regarde de nouveau. Il a fini par se refroidir au givre de mon indifférence. C'est bien. Je lui esquive un sourire et tourne la tête. C'est enfin notre tour. L'on suit le médecin avec bonheur. Enfin, c'est plutôt moi qui est contente car M'Zelle Soleil n'a pas vraiment hâte de se retrouver entre ses mains expertes...

La visite médicale est pourtant moins difficile qu'elle ne se l'était imaginée. Elle passe au travers sans que cela ne soit bien compliqué. Le verdict sonne l'heure des antibiotiques, le soupçon d'une pharyngite à streptocoque est entré en notre foyer...

4 commentaires:

Katy a dit…

Il y a bien longtemps... que je ne suis pas venue te rendre visite.
Un grand plaisir de te lire à nouveau !

Ms J. a dit…

le mien aussi est malade, entre 38 et 39 depuis la nuit dernière. Je n'arrive pas la faire baisser en dessous... tu vois même quand le printemps est installé.... bon rétablissement par chez vous

Véro a dit…

Toujours triste de devoir se rendre là...

Etolane a dit…

Kathy, heureuse de te revoir en mes eaux virtuelles! :) Merci du signe de vie...

Minute, moi la fiévre m'angoisse, je n'aime pas la sentir, menacer mon enfant, c'est viscéral. Bon rétablissement par chez toi aussi...

Vero, oui et toujours aussi heureuse je suis de vivre dans un pays où existent les antibios qui nous évitent le pire...