D'hiver et d'enfance...
Première accalmie en cette vague de froid devenue marée dans laquelle on baigne depuis des semaines. J’en avais presque oublié la sensation que c’était d’ouvrir ma porte sans recevoir une bouffée d’air polaire dans la face! Ce matin, en ouvrant ma porte d’entrée, pour la première fois depuis ce qui me semble une éternité, je ne pas vu le froid onduler dans l’atmosphère. J’ai fait un pas dehors sans que ma peau ne se fasse agresser par une petite gifle d’hiver. J’inspire, expire, inspire, quelques odeurs m’effleurent les narines, sourire.
Ce matin, j’ai ressenti une impression de douceur. -5 degrés sous « mes tropiques ». Pas un pet de vent. Ils annonceraient même de la pluie! J’en connais une qui va être contente! Serions-nous passés de l’autre coté de l’hiver? Du coté qui appelle le printemps? Je sais bien qu’il est encore trop tôt pour s’emballer. La semaine prochaine revient la neige. Mais il fait bon rêver. Le jour est plus gris qu’il ne l’a été depuis des mois, ombrageux, il a un peu l’air de faire la gueule. Il souffle en son humeur lourde une brume épaisse. La neige s’évapore en nuages humides. Le temps a un petit air de fonte. Je m'accorde avec lui en suant comme une bête sur le tapis qui donne des fesses d'enfer...
Cette semaine nous offre un vendredi treize. La Saint Valentin s'en vient. Elle ne sera point romantique pour nos pommes qui accueilleront, ce jour précis, le père de mon homme en vacances chez nous pour trois semaines, mais passons...
Dimanche dernier, nous avions eu droit à une petite neige verglaçante, M’zelle Soleil en jetant un œil par la fenêtre s’est, en une seconde, enthousiasmée.
- Maman, maman, la pluie, oui, la pluie, moi z’aime la pluie…
- Ben comment ça, t’aimes plus la neige?
- Non, moi ze veux plus de neige, z’aime la pluie et z’aime me promener dehors avec mon parapluie, oui, de la pluie….
Elle aura vite été déçue car l’air s’est rapidement chargé de neige et c’était toujours l’hiver…
Hier soir, sans nous en rendre vraiment compte, nous avons eu avec la demoiselle notre première conversation sérieuse de parents. Ce n’est qu’une fois passé au travers que nous avons réalisé ce que nous venions de vivre. Une nouvelle sensation venait de naître en ma parentitude. Sur le coup, je n’ai pas mis le doigt dessus et puis soudain une ampoule s’est s’allumée entre deux neurones. Je dis :
- Whoooo, on viens-tu de vivre notre première conversation sérieuse avec elle?
- Yep, je crois bien que c’est cela et je pense que c’était la première d’une longue série, on a pas fini d’en voir…
- Hummm, weird quand même…
Ma fille n’a plus rien d’un bébé, même si elle garde encore un peu de rondeur en ses joues, son corps en entier s’est affiné. Bavarde comme une pie, elle s'est transformée en une petite liane dansante toujours en manque d’acrobaties. Fillette elle est devenue, petite gamine en devenir, femme un jour elle sera. Mois après mois, j’apprends à comprendre ce petit bout de fille qui est le nombril de mon quotidien.
Lorsqu’un bébé naît, tout le monde dit qu’il faut en profiter car cela passe si vite. Tout le monde a raison. L’enfance lorsqu’on la regarde se dérouler d’un point de vue adulte est comme un train à grande vitesse qui file plus vite que la musique. Pourtant si mes souvenirs sont exacts, l’enfance lorsqu’on la vit semble bien longue à traverser. La vie est une suite de paradoxes sans fin.
Mais revenons à notre demoiselle qui, du haut de ses trois ans, en impose pas mal. Toujours elle me fascine et m'hypnotise. La voir grandir est un merveilleux processus humain. Vive comme l’éclair, elle illumine nos jours. Elle nous fait grandir par la force de son caractère. La puissance des émotions qu'elle fait jaillir en mes sens est indescriptible.
En rentrant à la maison, Juan me dit qu’elle a, le matin même, fait une petite crise à la garderie lorsque fut venu le temps de se quitter. J’engage la conversation avec l’enfant qui fait semblant de ne rien entendre.
- Mais voyons Liloo pourquoi tu as fait une crise, tu es une grande fille maintenant, tu sais que papa ou maman va revenir te chercher…
L’enfant marmonne dans sa barbe. Juan s’assoit sur le sofa. Côte à côte nous examinons la situation. M’zelle Soleil rechigne à s’exprimer. Elle évite nos regards entendus. Elle profite d’un moment d’inattention de notre part pour filer vers sa chambre. Je regarde Juan et m’exclame :
- Ben là!
Il la rappelle prestement à l’ordre.
- Hé ho, Lily-Soleil veux-tu bien revenir ici s’il te plait!
Je la vois qui arrive à reculons. Elle lève les bras au ciel et s’exclame :
- Qu’est ce ky ya!?!
Je prends la parole.
- Reste ici s’il te plait, nous voulons te parler, reviens ici….
Elle lève les yeux au ciel.
- Mais ké ce passe!?!
Je retiens un sourire devant son effronterie pour garder mon sérieux maternel. Je suis de l’autre coté du miroir. M’zelle Soleil soupire et se pose devant nous, le menton levé, le regard ferme. L’on échange avec son père un regard consterné. Déjà! Nous en sommes déjà rendus là! C’est vrai que cela a passé bien vite! Nous n’en sommes plus à discipliner une petite poupée qui dit non. Nous avons devant nous une petite personne bien dans sa peau qui nous tient tête...
Je reprends la conversation appuyée par Juan, nous formons une équipe parentale, nous avons encore le contrôle de la situation. Malgré elle, elle finit par nous expliquer ses troubles. Elle nous avoue qu’elle aimerait que quelqu’un (l’un d'entre nous) reste avec elle à la garderie, ou encore qu’elle aimerait mieux rester à la maison. Elle s'ouvre. Nous raisonnons avec elle sur une base égalitaire. Nous la respectons. Avec attention, nous l'écoutons. Nous ne sommes point des êtres supérieurs (même si nous en savons un peu plus qu'elle). L'autorité parentale est quand même un sapré exercice adulte! Je pense que j'ai trop souvent écouté et fredonné la chanson d'Harmonium étant jeune. " On a mis quelqu'un au monde, on devrait peut être l'écouter, tiliddidammm...". À l'époque, j'écoutais cette chanson avec des lubies de bébé dans le cœur, confite d'idéaux, je ne faisais alors que fantasmer à l'idée d'être un jour maman...
À notre enfant présent, charmante rebelle, nous faisons notre possible pour expliquer les raisons qui font que la vie est ce qu’elle est. Le dialogue s'enclenche. Elle semble finalement accepter le tout. Elle nous regarde droit dans les yeux. Une toile de compréhension se tisse. Nous la laissons filer. Je regarde Juan et c’est alors que se pointe l’étrange réalisation parentale…
À sa naissance, j’ai vite senti que je venais de franchir l’envers du miroir. J’ai vite senti que mes perspectives ne seraient plus jamais les mêmes. Adulte. Plus moyen de faire marche arrière. Mère j’étais devenue. Responsabilité. Devoir. Guider. Assumer. Ces notions se confondaient en un même ensemble. Sur le coup, c’était encore vague. À m’occuper du petit bébé en plein éveil, je n’avais pas encore réalisé ce que c’était que de regarder la vie de ce coté là des choses. J’ai profité au maximum de sa petite enfance. Présente à chacune de ces étapes qui font que le bébé s’efface et que de sa chrysalide jaillit une petite fillette. Aujourd’hui je ressens pour cet enfant une sorte de dévotion viscérale, une affection profonde, une responsabilité intense. Maintenant, je commence à me sentir plus que maman, je commence à me sentir mère. Je suis parent. Avec tout le bien et le mal que cela comprend.
L’enfant apprend de ce qu’il vit. J'ai lu quelque part que la discipline parentale vise à aider l'enfant à maitriser le contrôle de soi. Je crois que le parent prêche d’abord par l’exemple ensuite la parole vient expliquer, comprendre, enseigner. Passé trois ans, le parent devient éducateur. C’est là, je crois, son rôle le plus important. Un rôle qui dure une quinzaine d’année. Éduquer un enfant c’est aussi l’aider à s’épanouir, lui donner les moyens d’atteindre le meilleur de lui même. C’est un travail à longue haleine. D’ailleurs c’est sûrement à l’adolescence que l’on doit avoir besoin de trouver le second souffle pour arriver à terminer la course en beauté. À suivre...
8 commentaires:
Un bien beau billet, Etolane !
Et je confirme : à l'adolescence, le besoin de retrouver un second souffle...
Et je m'aperçois que je m'empêche énormément d'en parler, je me demande bien pourquoi, de ce souffle qui me manque, parce que pétrie de doutes sur les efforts que j'ai peut-être gaspillé dans les années qui ont précédé et qui m'ont si mal préparée ?
Parent, le plus beau et le plus difficile métier qu'il nous soit donné à vivre.
Le plus passionnant et le plus harrassant également.
C'est très beau ce que tu écris! Alex et moi avons de la difficulté à imaginer que notre petite poupée de chiffon va devenir une petite fille qui court partout et qui parle!
On profite au maximum de chaque minute, de son odeur, de sa chaleur, de sa douceur, même si des fois, ses petits cris nous arrachent la patience!
Désolée, mais j'ai un peu ri en imaginant votre souper de Saint-Valentin en tête-à-tête avec le beau-père!
Merci Otir. Ton commentaire m'intrigue. Je ne voudrais point forcer la porte mais je me demande bien ce que tu exprimes entre les lignes. J'imagine que rendu à 12-13 ans, la donne de parent change énormément, il doit falloir s'adapter à de nouveaux paramètres. Je peux imaginer que le souffle manque par moments. Parfois je trouve que la parentitude à des allures de marathon...
Namfarang, oui aussi passionnant qu'harassant. D'ailleurs j'ai failli insérer un paragraphe sur les familles monoparentales et finalement je me suis abstenue car je n'en ai que l'expérience en tant qu'enfant et que lorsque je m'y plonge jy retrouve la petite fille en moi qui me trouble encore. Cela dit, je crois que devoir élever un petit plus souvent seul qu'à deux est un sacré défi. Et je sais que cela demande une force monumentale...
Anouchka, oh oui profites en au max car c'est fou comment cela s'efface. Ouais, moi le souper de St-Valentin avec Michou me fait un peu grimacer,mais bon... À la place on est supposé aller voir la parade du Carnaval, à condition qu'il n'arrive pas trop tard à Québec....
Dès que j'en ai la possibilité, je viens faire un petit tour dans ton univers. Une fois de plus ce soir je ne suis pas déçue...
Belle histoire de parentitude
15 ans d'éducation? je ne pense pas que ce soit si long. Bien sûr nous avons pour plus longtemps de l'influence sur nos rejetons, mais après 13 ou 14 ans, l'essentiel du travail est fait, surtout chez les filles. Ils ont un monde où nous avons assez peu accès. Leurs vie...
Merci Katy! :) Toujours un plaisir de te voir passer...
Moukmouk, ouf moi je dirais plus 15-16. À seize ans, en mon idéal, je me sens capable de lui faire confiance et de la laisser expérimenter sa vie. Mais avant cela, je me sens bien responsable... Quant à son père, je pense que c'est à ce moment là qu'un petit bout de son coeur se brisera... L'idée qu'elle puisse en aimer un autre que lui le rend tout chose...
Très beau billet en effet!
Les conversations sérieuses montrent tellement le caractère de l'enfant qui s'affirme parce qu'il existe depuis la naissance hein ;)
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