M’zelle Soleil fait de la résistance...
Il y a de ces moments où c’est la bataille, tous les parents y passent, certains enfants hurlent, d’autres boudent, la mienne ignore. Ceci a tendance à m'amuser et à m'énerver en un seul sentiment.
Lorsque M’zelle Soleil teste mes limites, elle le fait d’une manière qui m'use les jours. D’une volonté de fer, elle aime explorer sa nouvelle autonomie. Elle adore courir en sens inverse lorsque je l'appelle, elle fait le contraire de ce que je lui demande tout en se fendant la poire. Je ris beaucoup moins qu'elle à ce sujet. Elle ne veut plus jamais se faire aider par un parent bien attentionné! « Non maman! Ze veux faire toute seule! Noooon! » . Depuis quelques semaines je remarque qu’elle exprime le « Ze ne veux pas. » Avec bien sûr un accent d’affirmation sur le pas. Avant elle ne savait que ce qu’elle voulait maintenant elle sait aussi ce qu’elle ne veut pas. Je crois que c’est là que commence une autre étape d’enfance.
La demoiselle ne se laisse pas désarçonner facilement, c'est une petite tigresse. Maintenant qu’elle parle et qu’elle sait faire de vraies phrases, sa volonté n’en devient que de plus en plus maitrisée. Souvent elle cherche à débattre lorsque nous lui imposons notre volonté parentale. Elle veut débattre même s’il lui manque encore bien du vocabulaire pour y arriver. Viendra vite le jours où elle nous clouera le bec en deux phrases bien tournées! Elle n'est pas une adepte des crises mais c'est une experte de l'indifférence. Elle aime aussi le ralenti. Ce qui peut être pas mal drôle à observer si l'on était pas le parent de la situation! Lorsqu'elle ne veut pas faire ce qu'on lui demande et qu'elle n'a plus les mots pour se rebeller, elle choisit de nous ignorer avec le plus grand sérieux. Ce qui peut être légèrement énervant sur les nerfs du parent en charge de la petite bête...
Lorsqu’elle décide de tester le concept de la sieste. Plutôt que de s’endormir comme à son habitude, elle me fait un coup de sioux. Une demie heure passe en silence, je la crois endormie lorsque je l’entends papoter. Je la laisse macérer dans son jus. Elle ne pleure pas, elle ne crie pas, elle papote avec entrain. Je finis par intervenir. Je rentre dans sa chambre. Elle fait mine de ne pas voir mon air sévère et me parle de « Flochette » (la fée clochette) qui décore son mur. Elle m’explique ce qu’elle aime dans sa chambre, je résiste au charme dont elle m’enrobe pour lui expliquer que c’est l’heure de la sieste. Elle me répond :
- Mais z’ai fé la ciescte zé mamie!
- Oui mais c’était hier, et aujourd’hui c’est l’heure de faire quoi?
- Heeuuuu, dodo?
- Oui c’est l’heure de la sieste.
- Mais, ze fé dodo ce soir…
- Oui tu fais dodo ce soir et la sieste maintenant!
Elle se situe de mieux en mieux dans le temps. Elle me relance sur "Flochette", je joue deux minutes à son petit jeu avant de revenir sur le sujet principal qui m’intéresse. Un sujet qu’elle fait mine d’oublier pour converser le plus sérieusement du monde avec ma pomme patiente. Elle fait de son mieux pour étirer sa langue dans toutes les directions. Elle me sort régulièrement des mots qui me laissent une seconde sur le carreau. Elle sait combien je m’émerveille de ces conversations que nous pouvons désormais avoir. Elle sait très bien comment s’y prendre pour m’adoucir.
Je me reprends en main, j’hausse le ton. Je deviens cette mère chiante qui ne veut rien entendre. Elle teste encore un peu plus loin mes limites. Je la laisse voguer sur sa vague d'indiscipline quelques minutes avant de reprendre la barque d’une main ferme. Elle finit par capituler avec juste quelques protestations, sans un cri, sans un hurlement. Elle se plie la volonté jusqu’à la prochaine fois où elle essayera de tester une autre de mes latitudes.
Elle est sans pitié. Il paraît que c’est cela l’âge terrible des deux-trois ans. Je sais pas si je trouve cela infernal mais je ne me trouve pas drôle à faire le gendarme de maison. Je n’aime pas du tout ce nouveau habit que je dois endosser. Le gendarme en moi me fatigue lorsqu'il ne me déprime pas tout simplement le bourrichon. Je comprends alors le principe de facilité qui serait de laisser passer ses impertinences, qui serait de ne pas enfiler l’uniforme de police maternelle qui sert à faire régner un certain ordre. Mais ne pas gendarmer laisse la porte ouverte à l’enfant roi. Je veux bien d’une princesse dans ma maison mais pas d’une reine...
Pour essayer de ne pas devenir trop autoritaire lorsqu’elle exagère, j’utilise le plus possible son potentiel de compréhension. Hurler ne sert pas à grand chose si ce n’est à lui apprendre un comportement indésirable. Gueuler est un échec. Je ne suis pas parfaite, parfois je pousse une gueulante et à chaque fois que cela m'arrive, je sais combien je suis dans mon tort. Je suis l'adulte, c'est donc à moi de montrer l'exemple, aussi tannée que je puisse être, je dois rester calme. Parler me semble donc la seule solution raisonnable. Ce n'est pas la plus facile! Trouver les mots justes. Expliquer avec patience et fermeté la situation. Rester solide sur ses positions. Se mettre au niveau de l’enfant et lui donner une certaine attention pour mieux désamorcer ses volontés explosives.
Rester tendre dans la fermeté, en voilà tout un principe en soi! L'enfant a besoin de limites et d'amour conjugués. Un cocktail pas toujours facile à concocter. L'effort intérieur est un ingrédient important au contexte présent. Alors que j’essaie de la coucher, elle me dit:
- Z’ai envie de zauter!
- Tu pourras sauter après le dodo. Tu veux que je te chante une chanson?
- Vooouuuiiii…
Et voilà que je chante « Au pays de Candy » qu’elle fredonne en même temps que moi. Une chanson comme compromis. C’est pas si terrible que cela et j’ai un peu moins l’impression d’être la police de service. Plus elle grandit, plus elle résiste. Plus elle résiste, plus je deviens ce gendarme qui m’insupporte. J'essaie de trouver les solutions alternatives. Je fais mon possible pour lui donner quelques responsabilités, je ne la prends plus pour un bébé. Je respecte ses nouvelles autonomies tout en posant les barrières nécessaires à son bien-être. Dieu merci, pour l'instant en public, c'est un vrai charme, il n'y a qu'en privé qu'elle résiste. Elle évolue et je m'affirme.
Maintenant qu’elle parle, le défi est réel, la discipline se resserre autour de notre "parentitude". Nous devons faire front. Accorder nos violons sur la même chanson. Juan doit aussi trouver le gendarme en lui. Comme il est moins confronté que ma pomme aux accents rebelles de la demoiselle, il a moins le loisir de pratiquer l'habit! Je remarque qu'il est plus rigide, avec le père lorsque l'on ne rigole plus, l'on file!!! Cela me fait un peu sourire. Lui qui qui aime tant en faire à sa tête! D'un autre coté, selon son humeur, il peut devenir aussi flexible qu'il était rigide le jour d'avant! Et là je m'arrache quelques cheveux blancs! Il faut dire que dans le genre rebelle, de lui à moi elle a de quoi tenir! En tant que couple, nous découvrons le parent qui se cache en l'autre, c'est un nouvel aspect de notre relation. Nous devons ajuster cette nouvelle dimension à notre équation amoureuse. Avec lui qui devient père, je découvre le concept d'un paternel en ma maison. Ensemble nous cultivons la petite graine qu'il a planté en ma chair. Une petite graine qui pousse comme un haricot magique...
De plus en plus tendre, M'zelle Soleil m'offre des gestes d'affection conscients qui sont comme du bonbon pour mon coeur de maman. Depuis quelques semaines elle conjugue et développe un mode interrogatif qui se limite souvent à mettre « que » à toutes les sauces : « Que allez deyors? Que donner de l’eau? Que on va? Que donner la main? ». Elle articule ses mots de mieux en mieux et elle me fascine :
- Lily descend de là tout de suite! Lily! Descend! Lily…
- Maman, ze souis descendue! Regarde…
En ce moment elle adore insérer des « en plus », des « aprés ça », des « alors» et des « ensuite » dans son langage en pleine expansion. Mais le « en plus » est à la mode de la semaine, elle le dit tellement de fois que mes oreilles en sifflent. « Ah! C'est shô en plus!!!». Je me demande si c'est de moi qu'elle a attrapé ce tic verbal. Il me semble qu'elle s'approprie des détails de ma langue et s'amuse ensuite à m'en tartiner le quotidien! C’est une vraie pipelette, elle bavarde, elle bavarde et elle bavarde encore! Toute la réalité passe par le moulinet de ses mots! Et parfois elle me sort ces petites perles que j'accroche à ma mémoire:
- Lily, tu veux que je t'aide à descendre les marches?
- Non maman, regarde, ze m'akroshe à la faurêt!!!
Je la regarde s'accrocher à la branche du sapin et je souris. Elle aime ses animaux de maison. Elle fait pleuvoir les « Oh! Ze l'ème mon chien! Ze l'éme, ze l'ème, ze l'ème! » sur Chanelle placide qui se laisse faire. La chienne apprécie le petit être qui partage la plupart de ses repas avec elle. Les chats en ont aussi pour leur grade. Zouzou, la plus facile de la tribu est aussi la préférée de la Miss qui lui chantonne des petits airs qui font: « Oh! Mon zouzou, ze l'ème, il a de bô yeux mon minou. Ô mon zouzou, ze l'ème, lalalaloulou, mon minou zouzou, toutcoutcout. É bô mon zouzou, nounounou... ».
Comme nous vivons présentement dans une"chatonerie" familiale, M'zelle Soleil est au paradis de la "félinitude". Je n'ai pas encore osé lui avouer le destin des chatons qui partiront bientôt vers d'autres foyers. Je sens que l'on va passer un mauvais quart d'heure quand viendra le temps de s'en séparer...
Au fur et à mesure qu'elle grandit, elle prend conscience de ses peurs et commence à me raconter ses cauchemars « Maman, z’ai vu une madame au chien, z’ai peur de la madame avec le chien, mais elle m’a pas accrapée! ». Ses peurs prennent phrases et de gendarme je deviens guerrière : « La madame voulait croquer maman! Ben voyons! C’est maman qui va croquer la madame! Je vais en faire de la purée de cette madame et je vais la donner à manger à son chien! Non mais!». L'enfant écarquille les yeux, un sourire rassuré se dessine sur sa petite face angélique. À ce stade-ci de l'enfance une maman peut encore enfiler cet habit de superhéros qui fait se dissiper les peurs tout en faisant briller les yeux des petits...
3 commentaires:
Je suis aussi dans cette période avec Bianca. Cependant, elle est forte dans les crises :) C'est pas simple dans les magasins. Mais j'ai pas le choix de jouer le rôle de la maman pas fine :) et de la laisser faire de temps en temps.
C,est le terrible two :)
Mais c'est tellement adorable, dur d'y résister, hein? Chapeau, en tout cas, pour avoir réussi à faire la maman gendarme devant un aussi jolie trogne qui doit être bien convaincante quand elle le veut ;)
Looange, pour le moment on est chanceux, elle ne résiste pas dans les lieux publics! Mais elle sait bien comment user sa mère! :lol:
Elpadawan, oui c'est bien dure de résister sur le coup mais à la longue cela paye! Parce-que si toi tu résistes pas, tu risques vite de te faire marcher sur la tête! :lol: Mais je dois dire qu'elle a tendance à faire tourner son père autour de son petit doigt quand elle y met du coeur! ;)
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