Quand j'étais enceinte, l'homme voulait que je lui ponde une révolutionnaire, une rebelle comme moi. J'avais quand même certains doutes sur son envie. De mon coté, je voulais un bébé aussi beau que lui!
Bref, on a fait un beau bébé, j'ai failli y laisser ma peau. Cette maternité m'a mise au pas comme personne n'avait réussi à le faire. J'imagine que c'est en cet espace brumeux où la mort est venue me chercher que je me suis inclinée. À sa vie.
J'ai fusionné avec ce bébé durant des années. Convertie à son bien être. Je savais que je n'étais qu'un conduit, qu'un guide. Ce bébé ne m'appartenait pas. Il appartenait au grand cycle de la vie. Je n'en étais que le gardien.
Le beau bébé a grandi. C'est devenu une jolie fillette. Élever un enfant c'est pas de la tarte. Mais je suis incapable de m'en plaindre. Trop reconnaissante de la voir grandir en santé et beauté. Trop reconnaissante d'avoir la chance de savoir ce que c'est d'être sa maman.
Si le bébé a enchaîné la mère que je fus, la fillette offre quelques bribes de liberté à la mère que je suis. Le contrat étant une libération de la femme progressive, puis complète, une fois que le bébé aurait atteint l'âge adulte.
La fillette est en train de se transformer en jeune fille. Subtilement mais sûrement. La sensation d'embarquer dans l'avant-dernière clause du contrat se dessine.
Et en cette clause de gardiennage existentiel vient la culture de conscience. On sort des féeries de l'innocence bambine, des découvertes constantes, on met un pied dans la vraie vie. Celle qui perd de ses magies pour gagner en sarcasmes.
Elle aussi, peu à peu, se rapproche de ce moment crucial où elle devra se libérer de ses parents pour embrasser son individualité. Son unicité. Ce qui fera d'elle une femme à part entière. Pour voler de ses propres ailes.
Alors seulement on saura si on a réussi le pari parental. Si l'on a élevé un humain équilibré, prête à exploiter son plein potentiel, et si on a su tisser une saine relation avec lui.
Presque la moitié de fait. Presque 9 ans. Et je ne peux pas m'empêcher de penser que le plus ardu reste à venir. En ce royaume de difficultés qui fait l'aventure parentale, l'adolescence a bien mauvaise réputation...
J'observe les premiers signes de pré-adolescence avec curiosité, vigilance et effroi. Je sais que l'un des grands obstacles parental est d'accepter la croissance de l'enfance. D'en respecter les rythmes tout en y déposant ces limites qui deviennent des phares dans les tempêtes hormonales qui ravagent l'adolescence.
Je la regarde grandir, emplie de fierté et frémissante d'angoisse...
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