Chroniques d'enfance au commissariat parental...
À chaque fois que j'entends des critiques sur les enfants, mon poil s'hérisse. Et je sens grogner la louve en ma peau.
Un enfant n'est que rarement responsable de ses actes. Il est responsable de ses bêtises mais celles-ci sont universelles et font partie d'un certain apprentissage. Il n'est jamais responsable de son éducation. Celle-ci lui est toujours imposée. Et il en devient le fruit malgré lui.
De l'autre coté de cette médaille, les adultes sont responsables de leurs actes et lorsqu'ils deviennent parents, ils deviennent aussi responsables des enfants. Qu'ils le veuillent ou non...
Aussi à chaque fois que je suis en compagnie d'adultes qui se plaignent des enfants, je me rebelle. C'est plus fort que moi. Je crispe.
Comme ce fut le cas au dernier Webcamp où je suis allée. Lorsque un homme dans la quarantaine, bien sous toute couture, a commencé à critiquer les enfants qui sont collés aux écrans, je n'ai pu m'empêcher de riposter. J'ai alors amené sur le tapis le sensible sujet de la responsabilité parentale. Ce qui a eu pour effet de rapidement clore le sujet!
Soyons francs, si un enfant passe des heures devant son écran, ne critiquons pas l'enfant mais regardons le parent! Cela me semble beaucoup plus logique dans le contexte. Attention, je ne dis pas qu'être parent est facile, oh que non! C'est une tâche aussi ardue que délicate.
Être parent est une sorte de boulot qui comporte maintes facettes. Le seul salaire étant de voir son enfant grandir, s'épanouir, puis voler des ses propres ailes pour vivre sa vie au meilleur de ses capacités. Et ensuite pouvoir entretenir une belle relation avec lui et sa progéniture. À mon sens, c'est là qu'est la véritable richesse humaine.
Être parent, c'est aussi avoir un impact réel sur le futur. Les enfants représentent l'avenir. Si l'on arrive à leur offrir les outils pour qu'ils atteignent leur meilleur possible alors ils ne pourront que rendre l'humanité meilleure. Ainsi à chaque fois que je lis en gros titre un article qui dénigre les enfants, je n'y vois que lâcheté adulte. De celle qui refuse de se regarder en face...
Suis-je sévère en tant que mère? Un peu, plus ferme que sévère, disons que j'aime avoir une main de fer dans un gant de velours.
Nul doute que je suis en charge du commissariat parental. Juan est mon adjoint en chef. L'on forme cette équipe de flics que sont tous bons parents qui se respectent. Malheureusement j'écope souvent du rôle du "bad cop". Cela ne me plait pas tous les jours!
D'un autre coté, je suis celle qui réfléchit le plus sur le sujet de la discipline. C'est un processus qui a commencé alors que M'zelle Soleil avait autour de 18 mois. Cela a commencé tout doucement et au fil des années, cela s'affirme.
Je reconnais que j'apprécie un enfant "bien élevé". Je ne suis pas du tout fan de l'enfant "cassé". Celui qui est rendu automate par la crainte. Celui-là me fait tellement de peine que j'ai juste envie de lui donner une bonne dose de douceur maternelle. Je crois en une discipline qui tourne davantage autour de la récompense que de la punition. Je trouve le principe plus facile à vivre.
Mais comme beaucoup, l'enfant intenable a tendance à me tomber sur les nerfs. Le mien autant que celui des autres. Et c'est pour cela que j'ai accepté le rôle de commissaire. Car un enfant qui n'est pas tenu est vite intenable. C'est la nature de l'enfant, pousser les limites, expérimenter les frontières, apprendre à tout prix et désirer une structure qui le rassure. Et c'est au parent d'appliquer la loi pour faire régner la paix dans la maisonnée...
Mais Dieu sait qu'il n'est pas facile de faire de la discipline! La maudite discipline. Je dis souvent que c'est le coté obscur de la parentitude. Personnellement, je l'admets je n'aime pas faire de discipline. Je m'y force. J'essaie de ne jamais abuser de mon autorité et d'être juste. Avec le temps une certaine habitude se prend.
La chose la plus intéressante est que la discipline est en perpétuelle évolution, elle doit continuellement s'adapter à l'enfant qui grandit. Ce défi là me plait. Présentement j'avoue être fière de mon service avec une nouvelle implémentation d'un système de points iPad. Un système qui marche à merveille.
Je me suis inspirée des bons points que je recevais à l'école quand j'étais petite. J'ai ensuite adapté le concept à un niveau domestique. Le bon point d'antan se transforme aujourd'hui en point iPad. Chaque point dure 5 minutes. L'enfant doit les accumuler en faisant des tâches (ou des comportements) où il doit se forcer. Ainsi jouer sur le iPad devient une récompense que l'enfant gagne et qui n'a rien d'acquise. Ce qui est bien c'est que Miss Soleil apprend en même temps le principe d'économie sans qu'il soit question d'argent. Car à 5 minutes le point, elle a tout intérêt à les accumuler si elle veut s'amuser un bon coup.
Une fois le système installé, le plus difficile est souvent de l'appliquer et c'est là qu'embarque la responsabilité parentale. Il faut gérer le système, savoir ce qui se mérite, ne pas en lâcher la routine, être cohérent tout le temps. Cela peut être fatiguant juste à y penser! J'en discute beaucoup avec mon adjoint en chef et l'on s'accorde toujours avant de mettre en place les détails.
Ainsi l'autre soir, après avoir pédalé pendant 7 kilomètres, la Miss s'est bien essayée. Elle est venue me voir en me demandant très gentiment:
- Maman, j'ai quand même bien pédalé aujourd'hui, même si j'avais mal aux jambes, est-ce que je pourrais avoir un point?
- Hummm, pas sure ma fille, je vais en discuter avec ton père mais hummm...
Dilemme intérieur. En mon coeur je suis tentée de lui donner. En ma raison, je sais que ce n'est pas cohérent. Le point iPad n'est pas un bonbon. Cela ne doit pas être non plus une carotte pour faire fonctionner l'enfant à sa guise. Surtout il faut faire attention de ne pas en abuser! Il faut une règle de fond tangible pour que le point ne se dévalue pas. Mais quand même! C'est vrai qu'elle a super bien pédalé et que j'étais très fière d'elle...
Je vais voir son père, je sais que dans ce temps là, je ne suis plus le "bad cop". J'ai des élans guimauves. Pour lui, c'est clair comme de l'eau de roche. C'est tout à fait normal de bien pédaler et si on peut la féliciter sincèrement, cela ne vaut pas un point. Je surfe son autorité en place. Et j'en profite pour lui donner un zeste d'espoir en lui expliquant que si elle fait son lit tous les matins par elle-même, je lui donne un point pour l'effort discipliné.
Elle prend la perche tendue. À mon agréable surprise, depuis quelques jours, elle gagne régulièrement des points en faisant son lit par elle-même sans que je n'aie même à y penser.
Ce faisant, comme je ne fais pas le mien tous les jours, je réalise que son effort m'inspire à mieux faire. L'éducation est à double voie. On essaie d'apprendre la vie à nos enfants et au final, ils nous en apprennent tout autant. C'est la beauté de la chose.
Ceci dit, l'art de parentitude est toujours à polir. Et je me compte chanceuse du duo que nous formons avec Juan. L'on essaie de se compléter pour former un ensemble digne de ce nom. L'on s'épaule. Ce n'est pas tous les jours évident, c'est un cheminement.
L'on marche de concert. Lorsque l'un est à bout, immédiatement l'autre prend le relais. Et l'on s'assure de toujours être sur la même longueur d'ondes en ce qui concerne le bien-être de notre enfant. Cela aide beaucoup à traverser les difficultés de la parentitude...
Car les difficultés sont multiples. La vie n'est pas simple. Être parent est un phénomène complexe. Et il n'y a pas plus énergivore qu'en enfant! C'est un être en pleine ébullition qui apprend et évolue à la vitesse du son. Cela me fascine. C'est le coté lumineux de la médaille.
L'autre jour, je discute du sujet des enfants rois avec une amie qui n'a pas encore d'enfant, elle me dit:
- Franchement, je comprends pas les parents qui ne font pas de discipline! Cela me dépasse...
Et c'est là où je réalise que, de mon coté, je comprends parfaitement. Je comprends presque trop bien! Je comprends tout à fait comment il peut être facile de laisser aller les rennes de la discipline. Comment l'on peut aimer et avoir du mal à éduquer. Comment il peut être dur d'éduquer parce-que l'on aime. Mais aussi parce-que c'est exigeant. Cela demande de puiser dans sa propre discipline pour y arriver. Cela demande une rigueur de fond et un don de soi. En fait, c'est beaucoup plus facile de lâcher prise avec la discipline que de la tenir...
9 commentaires:
Wow! Un gros bravo pour ce billet!
Quelle belle réflexion sur l'éducation des enfants! Elle me rejoint énormément!
Idem pour moi même si je n'ai pas d'enfants, j'en ai gardé beaucoup et à temps plein et je partage entièrement ton opinion sur le sujet. ;)
Tes efforts paient tu sais parce que Lily-Soleil est vraiment bien élevée et adorable aussi. Tu lui feras un gros bisou de ma part, elle me manque déjà !
j'adore venir lire ton blog Etolane à tel point que j'ai l'impression de te connaitre, je suis souvent d'accord avec ce que tu écris et là encore sur l'éducation j'adhère complètement à tes propos... en tant qu'orthophoniste dans un centre de soins j'ai vu au cours des années les parents perdre toutes leurs capacités éducatives...Lorsqu'un enfant me dit bonjour ou merci ou au revoir(ces petites marques de politesse qui font le lien social voire même le liant) je suis presque étonnée,il y a 10 ans de ça c'était le contraire..effectivement un enfant demande beaucoup d'énergie et certains des parents que je vois abandonnent très vite devant la force d'inertie de leurs enfants,éduquer c'est aussi ne pas avoir peur de répéter sempiternellement, de rester ferme même lorsque notre cœur de maman crie de céder devant un désir de l'enfant,c'est aussi continuer selon la ligne que l'on s'est fixée même lorsqu'on est envahi de fatigue par une journée trop dure trop lourde... dans mon centre nous avons créé des groupes de mamans ( les papas sont souvent..loin) les mamans peuvent venir avec leurs enfants pris en charge par une psychomotricienne et dans la même pièce elles peuvent dialoguer entre elles et avec la psychologue et l'assistance sociale pour parler de ce qui est difficile avec leur enfant... sommeil , alimentation, éducation...C'est un travail de longue haleine mais qui porte ses fruits peu à peu...
Un très bel article. Et tellement vrai...
Maman à bord, merci de ton commentaire, je suis heureuse de savoir que je ne suis pas seule en cette réflexion :)
Céline, j'ai la chance d'avoir une petite fille qui se développe bien et en santé. Cela facilite la tâche ;)
Audrey, merci cela me touche! :) C'est une bonne petite fille et l'on essaie d'être des bons parents. C'est pas tous les jours évident mais je pense que c'est un investissement. Je lui fera un gros bec de ta part! Elle en sera surement ravie :)
Mum, merci de ce message qui me permet aussi de faire connaissance avec toi :) C'est dur d'être parent et c'est aussi tellement enrichissant. Mais c'est tellement facile de lâcher prise. Socialement j'ai même parfois l'impression que c'est presque cool. Je sais pas. Souvent cela me trouble. Mais je suis intriguée, les papas sont où? Est-ce que tu es en France? Car au Québec, je vois tellement de papas s'impliquer dans la vie de leur enfant que j'en suis souvent émue...
El Padawan, merci :) En te souhaitant une belle fin de semaine :D
Etolane ,oui je suis en France à Roanne une petite ville pas très loin de Lyon... et j'aime beaucoup te lire... et j'ai un peu l'impression de voir grandir ta merveilleuse petite fille au travers de tes lignes,(et des photos) souvent cela me renvoie à ce que j'ai senti ou vécu avec ma propre fille, encore que, je pense qu'à l'époque je n'avais pas assez de recul pour analyser aussi justement les choses... mais bien des fois je me dis "c'est tout à fait ça!"
Tu me dis les papas sont où??? dans mon travail souvent s'ils sont absents c'est que les conditions sociales font qu'ils n'existent plus dans la vie de leur enfant... divorce, éloignement du fait du travail, inintéret,cela correspond à un certain milieu social que je côtoie dans le travail ce n'est pas la généralité, mon métier m'oriente vers toute une partie de la société parfois très défavorisée où les mères sont confrontées au fait d'élever seules leur enfant...solitude et misère...Mais bien sur ce n'est heureusement pas la généralité et je vois aussi beaucoup de familles où le père a réellement sa place, tout comme au Québec ,je pense.Les générations des années 80 ont vu naitre ce qu'on a appelé "les papas poules"... actuellement les pères arrivent dans l'éducation de leur enfant au même titre que les mères...c'est plutôt sympa!!!!
Si bien écrit!
Avant d'être maman, ma mère m'a dit que c'était tellement plus facile de dire oui que non. Maintenant que je suis maman, je comprend tellement ce qu'elle voulait me dire.
La discipline, c'est difficile!
Et ta maman avait bien raison! :) Toujours contente de te voir passer belle amie :)
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