L’homme à la machine, la femme trépigne et se résigne. Elle attend son tour, sage comme une image de Pâques...
Demain mardi, ce blog aura un an! Juan me dit :
- Pour ta fête de blog, je te sors au resto ma belle!
- Heu, c’est gentil merci! Mais c’est pas un si big deal!
- Oui, je suis fier de toi, j’ai envie de te faire plaisir, j’aime ça que tu écrives...
L’écriture et ma vie, une drôle d’histoire qui me fait vivre des joies et des peines, des hauts et des bas, et qui mène ma vie en marge de cette norme qui fait la masse...
Je dois avouer traverser ces derniers temps une autre de ces phases de doutes qui m’avalent les idées pour les assombrir à foison...
J’ai ainsi réalisé ces dernières semaines toute l’ampleur de ce traumatisme que je trimballe au fond de mon cœur. Toute cette insécurité qui m’envahit lorsque je pense à l’écriture comme un tout dans ma vie. Je sais que les racines de ce malaise plongent jusqu'à ma dix-septième année. Alors que j'étais toute fraîche et naïve, je scellai mon destin. J’annonçai un jour à ma mère que je n’avais pas d’autre plan de carrière que celui d’écrire...
Cela faisait des semaines que je réfléchissais à une façon de sortir cette décision au grand jour. Une manière douce pour sortir ma condition du placard pas si secret qui la cachait...
Je m’attendais à une réaction. Je ne m’attendais pas à ce que le ciel me tombe sur la tête! Et pourtant...
Je ne pense pas que ma vie fut vraiment jamais la même ensuite. Ce fossé, qui allait avec les années noyer la mince relation que j’entretenais avec elle, commença à sérieusement se creuser à partir de cet instant, bien aidé par mon beau-père qui se faisait une joie de se mettre à l’ouvrage afin de l’approfondir au plus vite...
Ainsi commença la bataille des mots...
Cette perception alors subtile que jamais je ne deviendrais ce que l’on attendait de moi. Que le chemin qui me conduirait à devenir ce que j’étais au fond de moi-même serait long et bien escarpé. Que je devrais me battre corps et âme pour ne pas me faire écraser par cette masse qui trop souvent cherche à imposer ses normes futiles. Traîner cette mentalité parentale d’un autre temps, d'un autre continent, en ce nouveau monde rempli de liberté et d'ouverture ne fut pas une mince tâche...
Se battre dur comme fer jusqu'à devenir aussi dure que le fer...
Lutter telle une chienne enragée pour ne jamais lâcher le morceau malgré les privations, les menaces et tout ce qui s’ensuit de désagréable...
Entendre années après années : « Tu n’es pas normale! Tu ne feras jamais rien de ta vie comme ça! Prends l’écriture comme hobby cela suffit! L’écriture c’est pas un métier, c’est pas un travail. L’écriture ce n’est pas une situation!!! Tu n’arriveras jamais à rien, tu te bats dans le vide ma pauvre!!! L’écriture c’est du vent, cela ne fait pas manger! Je ferai tout pour casser cette idée stupide! Tu écris, tu écris, c’est comme ne rien faire écrire! Cela ne mène à rien! Tu veux écrire et c’est tout! Et bien alors débrouille toi! Et surtout ne compte pas sur moi!!! »
Des années de lutte, le cœur en peine, incompris, blessé, prisonnier de ce feu intérieur qui brûle tout sur son passage et qui ordonne sans pitié: « Tu écris ou tu crèves, c’est clair! Tu écris et tu ne te laisses pas faire!!! »
Écrire ce broyage de noir et s’isoler davantage. Écrire des histoires qui s’envolent et s’effacent dans cette vingtaine qui se passe...
Apprendre à vivre en marge de cette norme qui s’éloigne. Se consoler auprès de son Prince qui est venu nous chercher sur son magnifique cheval blanc et qui doucement nous murmure à l’oreille les soirs de désespoir : « Je suis là mon minou, je serais toujours là, je te protégerais de tout ceux qui veulent te faire du mal, je suis là pour toi, ne pleure pas... » ( si j’avais su dans ce temps là que ce serait toi qui me ferait le plus de mal, aurais-je ri ou hurlé?) Faire la tournée des châteaux, s’enivrer de voyages et de promesses maintes fois répétées pour mieux se retrouver en miettes, le cœur broyé et les mots étouffés...
Trouver un ange qui se prend d’affection pour ce phénomène de société qui frôle sa vie. Il se met en tête de le ramasser à la petite cuillère pour en recoller ensuite tendrement les morceaux...
Permettre aux mots de jaillir à nouveau, ressentir suinter la sève douce des phrases qui coulent, se relever et repartir en guerre...
Regarder arriver la trentaine légèrement étonnée d’être encore là. Prendre de l’âge et de la raison, accepter certaines de ces règles qui forment les normes de cette société qui m’héberge...
Se muer dans cette norme, y construire un nid, se rendre compte que finalement l’on possède certaines qualités et que celles-ci appartiennent au monde des mots...
Reprendre le fil des mots, reprendre pied, maîtriser ce feu intérieur encore trop dévastateur pour le transformer en instrument de chaleur et de sécurité...
Un jour, comme ça, sans trop savoir pourquoi, ouvrir un blog et sans trop le comprendre s’ouvrir au monde…
Trouver cette discipline d’écriture tant de fois attrapée et perdue, la retrouver pour s’en faire une amie avec un nom inventé dans mes rêves, un nom oublié du passé effacé…
Réaliser que des inconnus apprécient cette écriture enfin sortie du placard de la honte…
Comment expliquer la chaleur qui enrobe mon coeur lorsque ces mots envolés touchent un lecteur invisible qui s’exprime en quelques doux mots. Comment l’expliquer si ce n’est que par un tout petit mot : Gratitude…
Être troublée, laisser glisser les idées, constater avec les mois passés ce traumatisme qui émerge au grand jour de mes pensées…
Pourquoi ne puis-je jamais être vraiment contente, satisfaite de ce que j’écris? Pourquoi toujours cette voix qui n’est pas l’une des miennes et qui s’amuse à me narguer le cerveau?
À force de se poser des questions, l’on finit toujours par en percevoir quelques réponses. (La vérité est en nous disent les sages). Il n’est cependant pas toujours facile de les affronter sans avoir envie de prendre ses jambes à son cou. Et pourtant…
Pourtant demain Etolane aura un an, elle est tout contente, elle danse de joie au milieu d’un grand Pow-Wow imaginaire…
Cet anniversaire virtuel correspondra avec le jour du lancement de la nouvelle édition de la revue L’Écrit Primal, qui contient en ses centaines de pages, trois nouvelles qui sont les miennes…
Trois nouvelles qui ont d’abord été mâché par ce blog avant de se retrouver devant le comité de lecture qui décida de leur sort…
Ainsi Péché Salé, le premier texte qui trouva ici ses quartiers en aura bientôt de tout neuf en fibres végétales. La petite note de Fa, inspirée par Blogue ta musique de Jean-Luc et commanditée par Petite Clo qui me poussa à l’envoyer sera aussi de la partie, accompagnée d’un texte hybride nommé Pensées éparses, fruit de l’été qui se savoure…
L’écriture avance et prend forme, je vais essayer de soigner mon traumatisme lettré dans la prochaine année (cherche psy littéraire pour thérapie ciblée)…
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