jeudi, janvier 31, 2008
En vrac de jour
Aujourd'hui Juan a 28 ans. Je l'ai rencontré alors qu'il venait d'en avoir 19. Les années passent et les sentiments que je ressens pour lui s'approfondissent toujours davantage. Ils prennent racine en mon coeur, ils habitent mon âme, ils font partie intégrante de ma vie. Il m'aime comme personne avant lui n'avait su me le montrer. Il m'est unique. Son existence m'est plus précieuse que la mienne. Plus le temps passe et plus je réalise à quel point je l'aime. Tout simplement. Viscéralement. Dans le meilleur et le pire. En notre quotidien partagé je profite de cet amour qui nous unit, qui nous harmonise. J'aime et j'apprécie ses qualités tout comme je supporte et comprends ses défauts. J'accepte ses imperfections car je sais qu'il m'est parfait. J'espère continuer de vieillir encore longtemps à ses cotés...
Aujourd'hui c'est son anniversaire, je chasse ma mauvaise humeur matinale (j'ai les matins grognons, je fais la moue, je ronchonne mais jamais il ne m'en veut, dans tous mes états, il accepte de m'aimer) il est d'humeur coquine, je lui offre une gâterie amoureuse au réveil (en attendant le gâteau chocolat de ce soir). M'zelle Soleil émerge de sa chambre pour lui chanter sa fête. Il commence sa journée dans le bonheur et la tendresse. Il part pour son bureau le sourire au lèvres. Je commence la mienne sans elle qui va s'amuser à la piscine, en ville, avec sa grand-mère.
Aujourd'hui j'écris. Tiraillée entre deux histoires diamétralement opposées, je m'écartèle les idées entre un vaisseau spatial totalement fictif et un fantôme presque réel. Musiques et solitudes. Journées d’écriture sur fond monochrome d’hiver glacé. Retrouver des routines perdues entre deux élans maternels. Retrouver des barques de mots sur un lac d’éternité. Manquer l’enfant à s’en étouffer le cœur. Souffrir. Tension émotive. Se remettre à produire, saisir, contenir. Travailler. S’épanouir. Vivre. Être.
Au détour d’un chemin invisible, je découvre ce blogue qui donne la parole aux auteurs, je m’y perds quelques instants pertinents…
mercredi, janvier 30, 2008
Soir d’inauguration glacée…
Il fait -30 sous les étoiles. Nous nous habillons chaudement, couches par dessus couches, nous nous armons contre l’hiver. Nous sortons bien emmitouflés, ce n’est pas le genre de soirée où l’on se fait beau, c’est le genre de soirée où l’on se fait chaud. Dès que je mets un pied dehors et que je respire ma première bouffée d’air mes narines se givrent! L’homme marmonne. Je grogne. En quelques minutes de voiture, nous arrivons bien gelés devant cet igloo fantastique…
Il y a plus de monde que les autres années, l’endroit est bondé à pleine capacité, un amuseur de feu éclaire l’entrée. Cela grouille de partout. Un groupe de rock remue l’air de la discothèque. Il y a assez de monde pour que cela génère une chaleur humaine presque palpable. L’extérieur est glacial, l’intérieur est confortable...
C’est le temps des feux d’artifices, la foule se presse dans l’immense cour intérieure de ce palais arctique. Le spectacle est à couper le souffle, la foule réchauffe la nuit et les regards s’extasient…
Une fois les feux terminés, la foule migre de nouveau dans les entrailles de cette incroyable construction. Le groupe de rock n’est pas mauvais, il fait de bonnes reprises et le chanteur se prend tant pour Bono qu'il s’y croit assez pour faire lever la fête sous les voutes de neige. La musique nous enivre. L'on danse avec tout le bonheur d'avoir chaud...
L’on s’attarde au Lounge où l’on boit un verre de glace en amoureux. Moi qui ne tient d'habitude point l'alcool le supporte plutôt bien en ces murs d'hiver qui me rafraichissent l'esprit. Je sirote avec gourmandise mon amarula sur glace. L’endroit fait entièrement de neige absorbe les sons et les étouffent en une étrange ambiance fraiche et feutrée. L’on peut danser sur les tables de glace de la discothèque et parler paisiblement dans la salle voisine en oubliant complètement l’atmosphère survoltée qui s’éclate à deux pas, cela a un petit coté "romantico-magique". L'on se serre l'un contre l'autre...
L’on rencontre des connaissances, la soirée est belle, la lune brille dans un ciel d’encre, l’atmosphère est si aimable que l’on s’attarde plus longtemps que l’on ne l’avait prévu. Au final, cette soirée nous a enchanté malgré nous. Cette fois-ci encore, la féérie de l'endroit nous aura emporté les idées. Plein de bonne humeur, l’on rentre dans la nuit congelée le sourire givré sur les lèvres…
Jour de pluie
Après le froid qui brûle la peau, après la neige qui tombe à gros flocons, voici la pluie qui dégouline avec les températures qui oscillent.
Je n’aime pas la pluie qui dégouline en plein mois de janvier. Je n’adore pas les grands froids mais je les respecte tandis que cette pluie ne me dit rien de bon qui vaille. Elle ne fait que confirmer mes craintes en ce qui concerne la santé de la planète, mes craintes en ce qui concerne l’avenir de nos enfants…
Je ne crois pas que nous pouvons tuer la planète. La planète survivra bien après nous d’une façon ou d’une autre, la planète se remettra de toutes sortes de cataclysmes possibles, la nature n’a pas besoin de nous de survivre. Ce qui n’est pas notre cas, si nous déséquilibrons la planète sans nous préoccuper de ce qui pourrait nous arriver, méritons-nous vraiment les bienfaits qu’elle nous offre. Si nous pillons, détruisons, polluons sans jamais nous remettre en question ne méritons-nous pas une bonne leçon?
Je crois, tout comme les premiers habitants de ce continent, que la Terre est ma mère. Elle est la mère de toute l’humanité et si nous nous conduisions comme des moins que rien, elle a tous les droits de nous remettre dans le bon chemin. À chaque fois que je vois « Sauvez la planète » à chaque fois que j’entends cette phrase de plus en plus présente dans les conversations humaines, j’ai les poils qui se hérissent et les pensées qui maugréent « Mouais, c’est pas la planète qu’il faut sauvez bande d’abrutis, c’est nous même que nous devons sauver de notre propre connerie!!! »
L’homme m’explique sa théorie, il croit que l’humanité évolue au fil des générations car l’on veut toujours essayer de faire mieux que ses parents. C’est ainsi, d’après lui, que petit à petit mais à grande échelle, l’humain s’améliore, progresse, évolue. J’aime bien sa théorie de l’évolution humaine. J’aime cet optimisme qu’il porte en lui. Il possède une noblesse de cœur et d’esprit qui me donne espoir en ce monde meilleur auquel j’aspire…
En ce monde meilleur où nos enfants devront trouver les manières intelligentes pour vivre en harmonie avec leurs pairs et cette nature qui les protège, qui les nourrit, qui les fait vivre. Arriverons-nous un jour à vivre en accord avec cette si jolie planète bleue? Une planète exceptionnelle puisque du peu que l’on connaisse de la galaxie, nous savons qu’elle est de nature rare. Les planètes aussi agréables que la notre ne courent pas l’univers, une raison de plus pour en prendre soin. Je jette un œil dehors pour voir une poudrerie de neige remplacer la pluie liquide. La température redescend. L'air blanchit le paysage mouillé. Les flocons s'épaississent et dansent avec les vents fous. L'hiver revient à la charge...
lundi, janvier 28, 2008
En transition,
Le froid qui cryogène mes jours me pousse à une intime introspection. J’ai recommencé à écrire de la fiction, j’ai recommencé à regarder aller tout le « houpla » littéraire. Je n’ai pas encore décidé de reprendre la traduction. Je me détache avec peine de mon enfant sereine. Autonome, ma profession quelle qu’elle soit se doit d’être de la catégorie des travailleurs autonomes. Je suis pigiste dans l’âme et auteure de cœur. Ma liberté intérieure est plus puissante que toutes les tentations matérielles. J'ai la solitude comme fidèle collègue...
Depuis deux ans, je suis Maman (dans un premier temps en convalescence puis pleinement consciente de ce quotidien dédié à mon bébé, de cette vie de couches et de biberons qui élève le petit être vers une autonomie de fond). Deux ans tournés vers ma fille qui est désormais bien autonome. M'zelle Soleil a aussi besoin de se frotter aux autres. Vigilante, je la laisse aller expérimenter sa vie. Deux jours, avec d'autres enfants, chez Manon et depuis peu une journée chez sa grand-mère avec qui elle va à la piscine. Elle me manque plus que je ne lui manque. Même si pour la première fois de sa vie, elle commence à ressentir mon absence. Je le sens dans cette nouvelle affection dont elle me caresse tendrement, elle me serre plus fort, elle me câline plus souvent et l’on dirait bien qu’elle commence à apprécier ma compagnie plutôt que de la trouver acquise. Quant à moi, je dois désormais retrouver mon autonomie personnelle.
C’est avec des bouffées de froid arctique que je planifie mes mois à venir. Accompagnée de ce froid glacial, je me reconstruis. Ce froid incroyable, celui qui dépasse facilement la barre des -20 est une entité en soi. Connaitre ce type de froid est à mon avis une expérience terrienne qui renforce et humanise à la fois. Par une étrange circonstance que je ne comprends guère, l’intensité du froid m’éloigne de l’ordinateur. Plus il fait froid et moins j’ai envie de m’asseoir pour me « virtualiser » la pomme. L’écran me donne soudainement des boutons, je ne désire que l’éviter. Je ne supporte que « Word » et sa page blanche...
Les températures remontent, il fait -10 au soleil, c’est presque doux et c’est définitivement agréable. La fin de semaine à été superbe, une petite fête à la maison en soirée de samedi, beaucoup de chaleur humaine, des rires et de partage. Beaucoup d'amour entre lui et moi. Une petite fille pleine de bonheur et de caractère. Mon amie Dee s'exclame "Vive la vie" à chaque fois qu'elle passe du temps avec Lily. Cet enfant respire la joie de vivre qui émane de toutes les vibrations de son petit être. Je me sens honorée d'être sa mère. Lorsque je la regarde exister si joliment, je ressens l'envie de donner naissance à un autre petit être issu de notre amour consommé. Et puis je n'aime pas trop l'idée d'en faire une enfant unique...
Aujourd’hui j’ai décidé de prendre l’auto. Nous avons déposé l’enfant chez Manon, j’ai déposé l’homme à son bureau en ville. Sur le chemin du retour je me suis arrêté à ce centre où je sculpte les détails de ma chair. Commencer la semaine en se bottant bien les fesses de plus en plus dures, c’est une bonne manière de se prendre en main. Enfermée dans une bulle musicale, j’offre à mon corps le respect qu’il mérite en le malmenant volontairement. Après plus d’une année disciplinée à faire des poids et du cardio, je possède désormais une musculature de fond qui m’épate. Mon endurance grandit et mes douleurs changent de forme. Peu à peu je retrouve le goût d'être belle.
Contre toutes attentes, ces nouveaux muscles commencent à chuchoter sous ma peau. Ils aiment brûler la graisse qui les entoure, ils y prennent en malin plaisir que j’approuve. Entre mes muscles et ma tête, une nouvelle relation se développe. Désormais si je ne vais pas assez m’entraîner mes muscles me font la gueule, ils me minent subtilement le moral, ils réclament leur dû d’efforts et de sueur. Puis à ma grande surprise ils me remercient en accentuant mon bien-être lorsqu’ils sont satisfaits. Mon corps est en pleine transition. À ce rythme là il aura bientôt vaincu la bête de graisse qui l’a transformé en un coup de grossesse. Mon corps combattant s’en trouvera amélioré avec juste la peau du ventre un peu fripée. J’aperçois la lumière au bout du tunnel. Je vois se rapprocher le but sans trop savoir sur quel pied danser.
De plus en plus souvent, Juan me parle d’un petit frère ou d’une petite sœur pour M'zelle Soleil. Il sait qu’il est hors de question que je ne soumette mon corps à une nouvelle grossesse tant que celui-ci ne sera pas au top de sa forme. Plus l’homme voit que je m’en approche, plus son envie de bébé se fait ressentir. Plus je le trouve mignon et touchant, plus il me fait craquer et plus j’ai envie de féconder! Plus je m’approche de mon objectif santé et plus j’arrive à concevoir l’idée de me relancer dans une autre aventure de gestation. Je ne suis pas une bonne pondeuse, je doute que la prochaine grossesse passe comme une lettre à la poste. Et pourtant il semble que je fasse de jolis poussins! Certaines de mes copines se foutent un peu de moi, elles n’arrivent pas à croire que je peux m'entrainer de la sorte tout en sachant que c’est pour recommencer à grossir. Yep, l’ironie de la vie est un concept qui souvent me fascine…
Je ne veux même pas penser à ma carrière puisque l'idée d'un autre enfant met obligatoirement celle-ci en suspension. La traduction me glisse entre les doigts comme une anguille enduite d'huile d'olive! Heureusement que l'écriture vit dans une autre dimension d'existence qui cohabite sans trop de mal avec mes choix de vie. Enfin on va au moins essayer de garder la traduction vivante en mes sens, afin que je puisse la chevaucher de nouveau d'ici que "mes" enfants soient rendus à l'école. En ces mots l'avenir aspire mon présent, je me secoue les puces en délire.
Comme le soleil brille avec passion et que pour une fois je ne suis pas à pieds, je vais en profiter pour aller capturer des effets de jour et de glace en ce palais de froid qui me réconcilie avec les rudesses de l'hiver. À suivre…
jeudi, janvier 24, 2008
-28
Alors que l'hiver reprend de ses forces arctiques, la journée se déroule dans un froid mortel sous un soleil de glace. Je ne mets pas un pied dehors. Ce soir, c'est l'inauguration de l'hôtel de glace, ceci veut dire cérémonie et célébrations en plein air! J'en grelote d'avance. Comme si chaque inauguration devait se tenir durant les nuits les plus froides de l'hiver. Évidement c'est de circonstance...
Cela va être tout un défi photographique. À cette température là, le froid pince tant qu'il brûle! Je deviens une experte de la photographie en conditions extrêmes. Si la température ressentie dépasse le -30, je ne suis pas sure d'en ramener les meilleures prises! Enfin, il y a toujours l'hôtel où se réfugier puisqu'à l'intérieur il ne fera qu'un tout petit -5! Accompagnée de mon homme pour me réchauffer je vais courageusement aller mettre mes deux pieds dehors et essayer de ne pas perdre mes doigts sous les étoiles....
* T. ressentie: -28
* Vents: O 19km/h
* Humidité relative: 49%
* Pression: 101.91 kPa
* Visibilité: 24.0 km
* Plafond: illimité
mercredi, janvier 23, 2008
Grandir.
Il neige, il neige et il neige encore. Le ciel se voile d'ivoire. Le soleil lunaire éclaire les journées blanches qui se suivent et se ressemblent. Je vis en un monde monochrome. Par la magie de la Toile et d’envies féminines, je découvre une voisine de brousse. S'en suit une visite amicale qui illumine ma morosité matinale. Mon enfant sommeille, la solitude feutrée de la journée est à son comble…
Quelques instants de liberté pour accrocher quelques mots éparpillés. Depuis des semaines, j’ai cette impression partagée par mon homme que nous vivons des moments bénis avec notre brin de fille. La petite enfance est une période merveilleuse pleine de curiosités, de découvertes, d’émerveillements, d’apprentissages, de pureté et d’innocence. M’zelle Soleil habite la maison de ses vibrations angéliques, c'est ainsi qu'elle nous donne, au quotidien, des petits goûts de paradis humain. L'amour est au beau fixe. Elle nous fait rire, elle nous inspire, elle nous fait réfléchir. Bien-sur le revers de la médaille et que l’on doit sérieusement commencer à éduquer plutôt que poupouner. Éduquer c’est bien, c'est difficile, c 'est complexe (il n'y a pas de recette toute faite), c'est inspirant, c'est notre touche sur l'avenir. Par contre la discipline qui enrobe cet épineux concept est plus ou moins intéressante. Je n’aime pas me raffermir le ton pour le rendre net et tranchant, pour faire monter le nuage de menace en mes yeux et dire d’un ton sec :
- Lily-Soleil, veux-tu que je me fâche???
C’est présentement la phrase qui constitue ma limite. Une phrase qu’elle ne cherche pas souvent à dépasser. Je lui en sais gré. Je n’aimerais pas devoir me fâcher six fois par jour. Il y a donc cette discipline à conquérir, rester ferme et calme. Stimuler ses neurones, tisser le fil de ses réalités. Grande est l'influence du parent sur le petit enfant innocent! Lui offrir un environnement paisible et cohérent. Il y a cette stabilité à acquérir, cette routine à maîtriser pour que l’enfant ait des repères concrets, pour qu’il puisse se construire en un terrain vierge de mines. J’ai lu quelque part que l’enfant était comme un canevas blanc sur lequel les parents dessinaient leur futur. Tout cela pour dire que l’on récolte les graines que l’on sème! La petite enfance est un terreau fertile. Il ne faut pas se tromper dans la variété des graines que l’on y plante…
Pour l’instant je cultive des pousses de bonheur, de respect et de compréhensions. Cela ne lui fera certainement pas de mal si je lui offre un début de vie avec des moindres maux. Un début de vie ouatée par mes bons soins, sans violence et sans haine, sans méchanceté ni vulgarité. Je sais que cela ne correspond pas à certaines théories adultes mais c’est ainsi que j’ai décidé d’exercer ma mamamitude. Juan soutient ma cause. Je sais bien que la vie est amère et j’anticipe avec horreur le jour où son innocence enfantine s’effritera sous les compréhensions de la cruauté humaine. J’espère que l’éclatement de sa bulle se fera graduellement, sans heurt brutal. Je sais bien qu'un jour elle réalisera que certaines facettes de l'humanité ne sont pas belles à voir. D'ici là, j'aimerai lui donner le plus d'armes possibles. Je sais bien que la vie se chargera de lui mettre des obstacles sur son chemin, j’espère qu’elle aura la force de les dépasser sans gravement se blesser. J'utilise l'espérance pour mieux diminuer mes angoisses maternelles. J'espère (comme une prière), je cultive des jardins abstraits et je conjugue ma vie à la sienne, à la nôtre...
Je sais que nous vivons présentement une période bénie où le petit humain que l’on chérit éclot en une jolie personne autonome. Je m'égratigne le coeur à me détacher un peu, à me reculer pour ne point l'étouffer, pour laisser la vie faire ses propres leçons. Je sens que ce processus me sera douloureux. Je prie pour que la vie lui soit douce. M'zelle Soleil se découvre la personnalité à nos yeux emplis d’émotions. Je m’en gave les yeux et le cœur. Elle m'est exquise. L'homme la trouve si délicieuse que parfois après une séance d'enfance particulièrement affectueuse il s'exclame:
- Je sais pas comment je vais pouvoir faire...
- Quand elle va te quitter?
- Oui, je n'ai jamais été quitté...
- Cela va te briser le coeur...
- Arrêtes tu me fais mal rien qu'à y penser!
J'ai lu quelque part que l'on élevait nos enfants pour qu'ils nous quittent. Lorsque j'en ai parlé avec Juan, je l'ai vu pâlir devant cette vérité. L'homme et l'enfant s'aiment d'un amour teinté d'Oedipe qui me fascine. Je n'ai pas la même relation que lui avec ma fille, parfois je me sens un peu rejetée devant leur union en pleine fusion mais je ne le prends pas personnel. L'homme ne me laisse jamais longtemps dans le champ, de plus je ne crois pas que mon coeur se brisera le jour où elle vivra ses premiers amours...
Je vois son visage et son corps changer, je la vois grandir, sans trouble d'éveil, je la vois s’épanouir et s’affirmer. Je remercie le ciel de la santé qu’elle possède. C’est une enfant précieuse qui nous apporte en ses gestes gratuits des petites gouttes de paradis, des capsules de bonheur qui nous irradient l’esprit. À travers elle, je crois bien que nous grandissons aussi pas mal plus que nous nous en rendons compte…
mardi, janvier 22, 2008
brrrr...
Marilyn Monroe
Et le moindre moment d'un bonheur souhaité Vaut mieux qu'une si froide et vaine éternité.
Pierre Corneille
L'hiver, cette saison de silence froid, mais aussi d'attente féconde.
Danièle et Stefan Satrenkyi
lundi, janvier 21, 2008
Être nordique
Sensations frileuses au réveil, point de rosée -28 degrés. Le froid enserre la maison de ses griffes de givre qui recouvrent les fenêtres. Moins 41 dans le vent prévient la chaîne météo. L'hiver retrouve un soupçon de force.
Huit heures du matin, le ciel est pervenche. Le soleil se lève, éclatant, il fait étinceler le paysage immaculé de neige fraiche. Entre les arbres de la forêt j'observe peu de courants d’air. J'habille chaudement mon enfant enchantée tandis que l'homme en retard se prépare. M'zelle Soleil a bien hâte de revoir ses petits amis. Elle gazouille gaiement. Elle se fout du temps qu'il fait. L'homme prie pour que démarre son "char"...
Neuf heures du matin, l'homme et l'enfant ont ouvert la porte, le soleil s'est mélangé à la vague de froid qui a pénétré la maison. Mes amours se sont faufilés dans l'air frigorifié. La voiture a démarré. L’air fige le temps, tout est congelé sur place, il fait plus "frette" que "frette". Sensations de faiblesses. Travailler à ces concentrations personnelles qui font avancer l'esprit coincé sous une couche de givre. La matinée est superbe, traitresse, aussi belle que gelée.
Dix heures du matin, de légers vents viennent effleurer les cimes des arbres, ceci brise le charme de suspension temporelle qui m'hypnotisait subtilement. Un soleil glacé vibre dans la pureté du ciel. De légers vents s'éveillent. Ils soulèvent la poudrerie qui scintille dans les rayons de cette vive lumière qui m'éblouit. Ce n'est pas moi qui mettrai le nez dehors aujourd'hui! Lovée en une bulle de chaleur moderne, je m'exile les idées entre deux tâches quotidiennes...
dimanche, janvier 20, 2008
La fiction de Zélie
J’ai rattrouppé toutes les nouvelles qui traînaient en ce jardin virtuel. J’en ai trouvé presque vingt en son sein. Dix neuf en fait mais une vingtième a soudainement germé en mes idées durant la dernière semaine…
Certains de ces brouillons de nouvelles ne sont formés que de quelques centaines de mots alors que d’autres en comptent des milliers. J'ai laissé de coté les brouillons de nouvelles qui ont déjà été publiées sur papier même si certaines histoires seraient à explorer davantage.
De certaines je me souviens à peine alors que d'autres restent bien ancrées en mon esprit qui patiente. Mais qui se souvient de Goom, de Maria ou de Sarah? Il fut un temps où ce petit coin de toile se tissait les fils de mes diverses fictions. "Avec le temps va tout s'en va" dit la chanson d'antan mais avec la Toile va tout s'archive! D'ailleurs la version en pâte à modeler que fit Julie de mon Goom est désormais sur YouTube...
Cependant il m’est impossible de me « recueillir » car ces histoires sont de tous genres, de la sorcière perdue dans une clairière à une jeune femme rebelle sous le régime nazi, il y a trop de pas à franchir pour pouvoir les lier en un même ouvrage. Ce sera donc une histoire à la fois que je reprendrai du service...
Évidemment il m’est venu l'inspiration de commencer par celle qui était la plus inachevée du lot! C'est aussi la dernière archivée ici. Depuis quelques semaines, j’ai commencé à la triturer pour mieux l'absorber. C'est une bonne histoire pour me remettre la main à la pâte. J'ai bien avancé sur ce sujet, cette fiction se développe avec facilité en mes idées. Elle déroule son histoire sur mon clavier qui caquète de nouveau sous les élans de mon imagination. Elle prend doucement forme même si elle n’a pas encore de titre précis. En voici un bref extrait...
« (…) Ses doigts s’agitent dans le vide. Elle se laisse porter par cette fatigue qui l’enrobe toute entière. En son sommeil tourmenté, Zélie explore un monde qu’elle ne comprend pas. Des couleurs irisées l’éblouissent. Des sons distortionnés l’intriguent. Elle cherche des repères dans cet univers inconnu. Elle sombre. D'étranges créatures auscultent son corps. Une trouble frayeur s’empare de ses sens. Zélie cherche le contact de son homme mais ne le trouve pas. Elle se tourne et retourne, elle le cherche, elle s’étonne de cette absence sans arriver à franchir la frontière du réveil. Elle frissonne de la tête aux pieds. Elle a froid. Trop fatiguée pour s’inquiéter davantage, elle se laisse bercer par ce vrombissement qui l’assoupit inexorablement. Le temps se fige. Elle dérive.
Elle sent pointer ses mamelons durcis. Elle sent monter le lait en ses seins gonflés. Une douleur sourde lui vrille la poitrine. D’un coup, l’impression de se faire téter lui parcoure la chair. Elle se cambre, elle résiste, elle essaie de repousser cette bouche frigide. Elle n’arrive pas à se réveiller. Son esprit se débat mais son corps ne répond plus. Sa volonté fond comme neige au soleil. La fatigue, tentaculaire, l'emporte. Elle n’a plus la force de se débattre. Trop épuisée pour batailler, elle imagine que son homme a pris le petit affamé. Elle plonge encore plus profondément dans cet incompréhensible songe. Il l’aura emmené dans leur lit pour qu’elle puisse l’allaiter sans bouger. Elle est si fatiguée. Elle se rassure. Elle se détend. Toujours ce même vrombissement pour bercer ces sensations étranges qu’elle n’arrive pas à déchiffrer. Elle essaie de décrypter ce qu’elle ressent sans y parvenir. Elle s'inquiète. Sa peau nue se couvre de frissons. (…) »
samedi, janvier 19, 2008
bourrichon...
Mon enfance a été bercé par cette expression, ma grand-mère aimait beaucoup l'utiliser, ma grand-mère était, je crois, très bavarde. C'est une expression que j'ai toujours trouvée "drolette", bourrichon était l'un de ces mots qui, petite fille, me faisaient sourire à chaque fois. En mon présent, je ne l'entends plus, je ne la pratique pas non plus mais lorsque je la lis, c'est la voix de ma grand-mère que j'entends résonner en mon coeur...
EXPRESSION via Expressio.fr
« Se monter le bourrichon / Monter le bourrichon (à quelqu'un) »
SIGNIFICATION
Se faire des illusions / Exciter l'imagination (de quelqu'un), monter une personne contre une autre.
ORIGINE
'Bourrichon' est un mot apparu pour la première fois en 1860 chez Gustave Flaubert. Il vient de la 'bourriche' qui désignait autrefois un panier sans anses servant à transporter du gibier, du poissons, des fruits ou même des huîtres (ce qui explique notre "bourriche d'huîtres" actuelle). En argot, en effet, il est fréquent que la tête soit appelée par le nom d'un récipient comme la carafe, la tirelire, la fiole ou la cafetière. Et c'est encore ce que désigne ici la bourriche ou le bourrichon. Cette expression n'est donc qu'une variante argotique de "se monter la tête" ou de "monter la tête à quelqu'un", le verbe monter ayant ici le sens de "accroître la valeur, la force, l'intensité, la consistance de quelque chose".
EXEMPLE
« Oh ! comme il faut se monter le bourrichon pour faire de la littérature et que bienheureux sont les épiciers ! »
Gustave Flaubert - Correspondance
« Et surtout on ne se livre pas à ce que j'appellerai ces acrobaties de sensibilité, huit jours avant de se présenter au Cercle ! Elle est un peu roide ! Non, c'est probablement sa petite grue qui lui aura monté le bourrichon. »
Marcel Proust - Du côté de Guermantes
vendredi, janvier 18, 2008
Zénitude mère-fille
Chaque relation humaine se travaille. Toutes les formes d’amour doivent se cultiver si l’on veut en récolter les fruits…
Matinée de neige, ambiance moelleuse, M’zelle Soleil, sage comme une image d’Épinal joue à mes cotés. Chacune profite à sa façon de la présence de l’autre. En phase nous sommes. Je plie mon linge. Elle me tourne autour sans me déranger. Comme je suis souple à la tâche, elle peut m’interrompre à volonté. Elle m’amène l’une de ses poupées de porcelaine chinoise. J’arrête de plier. L’on joue ensemble et j’apprécie ces moments complices qui sont de l’engrais pour notre relation en pleine croissance. Elle me laisse à ma pile d’habits. Elle file dans le salon. Je reprends mon ennuyante tâche. J’ai les mains pleines de culottes. Je plie et je réfléchis.
Elle joue de plus en plus souvent seule, dans sa chambre, comme une grande. Parfois, elle ferme même la porte pour être encore plus tranquille. Je l’entends qui papote, qui déménage ses trucs, qui fout son petit bordel bambin. Je peux enfin mettre de l’ordre dans la maison sans qu’elle ne soit en travers de mes pattes. Une nouvelle étape d’autonomie est franchie. Une parmi tant d'autres. Elle est quasiment propre, sans que nous ayons besoin de rien faire, elle apprend presque seule à aller aux toilettes. Sa gardienne n'en revient pas. Je suis fière de mon petit brin de fille. Dehors tombe la neige à gros flocons. L’atmosphère cotonneuse nous enrobe de ses silences. Sérénité.
Elle ouvre la porte d’entrée pour faire sortir les animaux. Elle le fait « toute seule » et s’exclame en pointant son petit nez dans le froid :
- Y neize, dade! Maman, y neize deyors…
- Oui, je vois ma Liloo…
- Y neize beaucoup, dade maman…
Je souris. « Dade » pour dire regarde est le nouveau truc de la semaine. Elle l’utilise toutes les deux minutes. Toujours plus elle parle et s’exprime. Ce langage que j’aide à façonner me fascine. J'aime tant ces petites conversations que l'on partage au fil des jours. Nos intonations s'accordent en un même quotidien. J'ai parfois l'impression que nous nous fondons l'une dans l'autre. Je la vois copier mes façons de parler et, malgré moi, je réalise que j'imite aussi ses expressions enfantines.
Je nous ai ramené du quartier chinois deux jolis petits porte-monnaies en pseudo soierie. Je lui donne le sien. Son visage s’illumine. Je retourne à ma pile qui froisse. Une fois mon linge plié, je la retrouve, debout sur une chaise devant le comptoir de cuisine, les deux mains dans le bol de sous. Je la regarde faire avec un tendre sourire. Elle a de la suite dans les idées cette petite. Elle passe un long moment à jouer avec son porte monnaie, à le remplir, à le vider, à l’ouvrir et le fermer, c’est la fête. Je finis mes tâches ménagères sans problème. La matinée se passe comme un charme. La douceur du jour est papable. L'on bavarde. L'on joue un peu. M'zelle Soleil trotte dans la cuisine. La laveuse qui essore fait vibrer les fenêtres. Un chat somnole dans l’encadrement d’une porte. Chanelle ronfle sur un coin de tapis. L'enfant chantonne.
Le ciel s’éclaircit un peu sur le coup de midi. La neige se dissipe dans la grisaille du jour qui se dévoile. M’zelle Soleil papote gaiement tout en jouant avec ses poupées. Elle s’en occupe avec zèle sans que j’ai besoin d’y accorder mon attention. Elle vient me voir et me dit :
- Maman, le bébé il est tanné…
- Il est tanné le bébé???
- Oui…
- Mais pourquoi?
- Au lit, é au lit.
- Tu l’as mis au lit?
- Oui. É tanné Lily
- Lily est tannée? Mais pourquoi?
- Ben… heu... Ch’sais pas!
- Est-ce que tu as fait manger le bébé?
- Non. Pas mangé. É malade le bébé…
J'oublie que dans sa petite bouche "tanné" et "tannant" c'est du pareil au même (tout comme "c'est dur" et "c'est lourd "mélangent leur sens en ses pensées) mais je ne le réalise qu'après coup (lorsqu'elle me ramène le même concept d'idées avec le chat qui refuse d'obéir à ses envies). Je mets le linge propre dans la sécheuse. Elle me tourne le dos et retourne dans sa chambre. Elle ferme sa porte derrière elle. Un ange passe. Il ne me reste plus qu’à préparer à manger…
Une fois passée la sieste, M'zelle Soleil réclame son papa à grandes phrases. Elle lui explique ses désirs au téléphone. Il lui explique les choses de la vie. Elle finit par se résoudre au fait qu'il est au bureau et ne se téléportera pas sur le champ pour la combler! Un percée de lumière perce la couverture blanche qui couvre le ciel, quelques nuages apparaissent à l'horizon. Le ciel se découvre juste assez pour que je puisse l'apercevoir furtivement. Peu avant que ne rentre son père, l'on se retrouve toutes les deux sur le sofa pour une tendre séance de câlins et de chatouilles. Elle me papouille et cherche à m'embêter pour que je la chatouille jusqu'à ce qu'elle en pleure de rire. J'essaie de restaurer un soupçon de calme, elle fait des grimaces et me dit:
- Lily pleure, ouuuiiinnnnn...
Elle fait tellement semblant que je ne peux qu'en rire et répondre...
- Lily pleure ou Lily fait un caprice? Si Lily fait un caprice alors c'est où qu'elle va?
- À salle deu bain...
À la maison, la punition ultime consiste à passer deux minutes à la salle de bain la porte fermée (sans pouvoir en sortir). Cela ne lui est pas arrivé souvent, à date nous sommes chanceux car elle dépasse rarement les limites qui l'y conduirait. Exercer l'autorité parentale, pas aussi facile à faire qu'à dire! Il faut être juste et ferme à la fois sans compter stable. Mmmmm... Bref, M'zelle Soleil a un bon petit caractère mais n'est pas adepte des crises. Elle connait peu les disputes et s'offusque de toutes formes de violence extérieure. Elle est très dynamique mais jamais hystérique. Je profite de l'ouverture pour creuser le sujet:
- Mais c'est quoi faire un caprice? C'est quand que Lily fait des caprices?
Elle se lève, fait quelques pas et me dit en se retournant vers moi
- Cé ye pleure rien
- Lorsque tu pleures pour rien!?!
- Oui, ouuuiioooiinnnn...
Son père arrive sur ces entrefaites. Elle se précipite vers lui les bras ouvert, elle se colle entre ses cuisses. Il la prend dans ses bras et le soir nous emporte...
Montréal 24 heures Chronos
Nous devions passer trois jours à Montréal, Juan devait faire plusieurs formations durant le jour. Nous nous serions retrouvés les soirs pour voir des amis ou en amoureux. Il avait tout organisé. Quelques jours avant la date de départ deux journées de formation sont annulées. Nos trois jours se transforme alors en 24 heures chronos. Malgré tout, nous décidons d’apprécier chacun de ces moments passés ensemble, en couple, sans devoirs parentaux, ni taches ménagères. Mardi soir nous déposons la petite chez sa grand-mère. Elle y est si heureuse que c’est à peine si elle ne nous pousse pas vers la porte. La nuit est belle, la route est sèche, en deux heures et demie nous sommes arrivés à bon port.
Dans un hôtel au coin du quartier chinois, une chambre nous attend. La vue est intéressante. La ville s’étale à l’infini. Au loin se dessine le pont Jacques Cartier. L’air est glacial. L’on s’installe. Je l’aguiche du coin de l’œil. Il ne flotte pas un seul nuage dans le ciel urbain. Nous deux. Ensemble. Seuls. Collés l’un contre l’autre dans un lit immense, l’on réchauffe sensuellement la nuit qui se glace. On laisse les rideaux ouverts pour mieux voir les lumières nocturnes.
Le téléphone sonne avec le lever du jour. Durant quelques secondes, j’erre entre deux états sans plus trop savoir où je suis. J’ouvre un œil pour apercevoir les lueurs de Montréal assoupie. Ma mémoire s’éclaircit. La ville est encore immobile. Elle oscille elle aussi entre deux états. Elle s’extirpe de son sommeil citadin à mesure que le jour se lève. En quelques caresses expertes, j’aide le réveil de mon homme qui grogne et me colle. Je file prendre une douche rapide tandis qu’il s’étire de tout son long. L’on déjeune au milieu des chinoiseries qui nous dépaysent. Il part. J’ai la ville pour moi toute seule. Je n’ai plus le temps de voir les personnes que je voulais voir, alors du coup, je décide de faire ma touriste. La journée est magnifique, le soleil brille de pleins feux et l’air est presque doux. Je décide de partir en safari photos. Je ne connais pas du tout le quartier chinois, je profite donc de l’occasion pour l’explorer de fond en comble…
Dans un petit magasin, un commerçant très courtois me libère de la prison de la fermeture éclair de mon manteau sans que j’ai besoin de la casser. Étrange anecdote. Étonnant échange humain. Un bel exemple de service gratuit. En sortant de cette boutique, un mendiant me tend la main, je rends la pareille en me délestant d’une pièce. Plongée au cœur de ce quartier aux étranges odeurs j’ai l’impression de m’être téléportée en une autre dimension. Cela grouille de toutes parts. L’anglais est aussi rare que haché, le français est presque inexistant et les sonorités asiatiques font bourdonner mes oreilles qui s’y perdent. Et puis il y a toutes ces saveurs bizarres qui me chatouillent les narines sans rien évoquer à ma mémoire. Je m'imprègne des atmosphères que je capte de tous mes sens. Je me fonds dans le décor. Durant quelques secondes, par ci par là, j’oublie presque que je suis à Montréal. Je voyage dans ma tête.
Tout en parcourant cette rue bondée, je regarde vivre les passants aux yeux bridés. J’observe avec attention toutes ces boutiques remplies à ras bord de toutes sortes de cochonneries inutiles. Au bout de trois magasins, je n’en peux plus de toutes ces bebelles sans âme. C’est vraiment le royaume de la cochonnerie! Produits grossièrement fabriqués qui se vendent en gros, la quantité qui prime sur la qualité, le raffinement quasi inexistant. Je n’y trouve pas grand chose qui me plait. Je déniche d’adorables petits chaussons de bébé pour une amie qui est enceinte et un habit joli pour ma Lily. Je sature.
Je m’arrête pour manger. Je me fais griller le visage au soleil de midi. Je goûte, bien installée sur une terrasse à un truc pas vraiment bon. Non loin de moi, un vieil homme fait bruisser une étrange boite de fer. À ses pieds, un carton explique qu’il découvrira votre futur. Il m’intrigue mais je doute fort qu’il puisse me parler de mon avenir. Et puis je n’ai pas vraiment envie de connaître mon futur. Le vivre me suffira. L’on se sourit de loin. Tandis qu’il attend je ne sais quoi en faisant bruisser son étrange boite, je fais le test de la pâtisserie chinoise avec ses gâteaux au lotus. Tout est dans le fourrage. C’est bizarre et très sucré. Mes papilles ne sont pas renversées par la subtilité des saveurs. Le soleil guide mes pas. Je m’habille de mon silence. Il y a des sourires dans l’air. Je découvre ces thés qui consistent en une fleur séchée qui éclot durant l’infusion. Je m’en procure quelques unes. Ma curiosité continue de pousser mes pieds et je me tourne vers les épiceries. Là je suis tellement dépaysée que j’oublie carrément où je suis! Tout est si différent que je me croirais presque en Chine!
J’effleure l’atmosphère citadine sans m’en imprégner. Il me reste deux heures à perdre avant de retrouver Juan. Je quitte le quartier chinois pour retrouver Montréal qui se fait toute belle au soleil. La journée est superbe. Je décide de marcher là où les trottoirs me guideront. Je fais une escapade dans le vieux mais je n’y trouve pas l’inspiration. Trop de souvenirs m’assaillent. Je rebrousse chemin pour monter St-Laurent, bifurquer sur Ontario, retrouver St-Denis. Je passe devant cette bâtisse où j’eus mon premier appartement. Cela n’a pas beaucoup changé malgré les années accumulées sur ma peau. Je continue mon périple vers Berri, je bifurque sur Sainte Catherine, une jeune fille oubliée attire mon regard. Je me déleste d’une autre pièce. Je marche, je flâne devant quelques vitrines, je marche, j’entre dans un magasin, je flâne, je marche. Mes bottes pseudo galactiques avalent le bitume qui défile sous mes pas. Les heures passent. Je sens mes muscles chauffer, je sens mes jambes travailler, je suis heureuse de ressentir ces sensations physiques qui m’ont tant échappées durant les longs mois qui suivirent ma grossesse. Je profite de ma forme revenue. Solitaire, le cœur léger, je parcoure la ville gargantuesque sans me joindre à ses courants urbains (que je ne fais qu'effleurer en coup de vent)...
Le soleil commence à descendre le long des buildings qui ombragent l'horizon. Je regarde le ciel et reprends la direction du quartier chinois. Mon homme m’y attend devant un gros building. Nos yeux pétillent lorsqu'ils se croisent. L’on flâne encore un peu, main dans la main, avant d’aller manger dans un petit resto local que j’avais repéré durant mes explorations. L’on est bien, tout les deux, en amoureux. Je savoure ces moments devenus rares depuis que nous sommes parents. L’on reprendra bientôt la route. Notre maison plongée dans la nuit étoilée nous attend. Comme toujours, il fait bon rentrer chez soi, là où le silence est roi…
mardi, janvier 15, 2008
Fondue de maman
Avec la semaine qui recommence s’enclenche le processus de gardiennage qui nous étire le cordon deux jours par semaine. Je n’ai plus les malaises des premières fois où nous nous quittions. M'zelle Soleil adore aller jouer chez Manon et celle-ci fait un très bon travail. Je ne peux qu'apprécier la qualité de ses services. Alors je m’y fais. Mais encore, j’ai le cœur qui grince lorsque je la sens partir. Je me force à la raison et me bâillonne les émotions récalcitrantes. Mes journées sans elle trouvent de nouveaux rythmes. J'avance.
D’un autre coté, je commence enfin à reconquérir mon individualité, je recommence à écrire, j'ai des fictions qui me titillent, je m’organise, je concrétise, je reviens à la vie adulte. Cela fait aussi du bien de penser un peu plus à ma pomme. Mais je m’y fais sans trop m’y faire. Il arrive de ces lundis matins où je la regarde partir le cœur lourd. Je fais mes affaires quotidiennes comme je me dois de les faire mais je traîne mon pauvre cœur qui se languit d’elle. Je me botte les fesses. Je reprends mon intellect en main tout en trimballant une petite peine maternelle. Mon intellect s'en réjouit et mon coeur fait la moue.
Le soir arrive, je n’ai jamais eu le temps de faire tout ce que je voulais faire, j’avale mes petites frustrations adultes. J’enfile mon habit de mère pour retrouver mon brin de fille. Elle est toujours satisfaite du temps passé avec ses petits amis. Elle est toujours contente de retrouver sa maison. Je suis heureuse de la voir si bien s’épanouir. Mon cœur s’allége et retrouve son équilibre.
M'zelle Soleil se fiche pas mal des tourbillons d’émotions qui tourmentent sa mère. C'est tant mieux. J'espère bien arriver à ne jamais lui faire porter le fardeau de mes peines. Mais la vie est longue et rien n'est jamais acquis. "Tout est toujours à refaire" disait souvent ma grand-mère de son vivant. Ma mère-grand me manque tant, son absence est un poids avec lequel j'apprends à vivre. Je garde en moi ces petits mots d'elle qui me soutiennent l'esprit. Je m'approche de mon petit soleil qui illumine ma bulle de salon. Je lui pose des questions, elle me répond du mieux qu'elle peut. J'apprécie sa présence qui m'enchante. Je la câline et je lui dis :
- Tu n’as pas fait de bisous à maman aujourd’hui…
Elle lève la tête de ce qui pique sa curiosité, elle me regarde et ouvre grand les bras pour me serrer fort de ses petites mains. Elle s’exclame de sa petite voix toute pure :
- T’aimes maman!
Je la serre fort en retour tandis que mon cœur n’est plus qu’une flaque de sentiments dans laquelle je patauge. Je lui souris tendrement. Elle retourne jouer. Elle m’échappe tout autant qu’elle s’attache. Je suis si émue que je n’ose bouger. Je reste quelques instants figée sous le choc de l’émotion qui me parcoure l'être tout entier. Je la regarde les yeux pleins d’amour. J'ai les pensées qui pétillent de bonheur et je me dis que la vie ne peut pas être plus belle…
lundi, janvier 14, 2008
... de glace
Gérard de Nerval
La gloire amène toujours la solitude. Le succès est aussi glacé et isolé que le pôle Nord.
Vicki Baum
Le fer se rouille, faute de s'en servir, l'eau stagnante perd de sa pureté et se glace par le froid. De même, l'inaction sape la vigueur de l'esprit.
Léonard de Vinci
dimanche, janvier 13, 2008
Maison d'hiver
M'zelle Soleil adopte l'hotel de glace avec des furieuses envies de "Zocola Shau". Elle semble tout à fait consciente de la magie qui imprègne ce lieu fait de neige et de glace. En son monde de merveilles, elle observe avec attention cet endroit surréel. Sage comme une image (si on oublie la petite fixation sur le chocolat chaud), elle pénètre avec charme ce palais d'hiver incroyable. Elle s'en délecte les impressions bambines. Elle palpe, elle léchouille, elle regarde, elle couraille...
M'zelle Soleil adore l'atmosphère musicale du bar d'hiver, elle danse sur un socle de glace et fait fondre les passants. C'est là que l'idée du chocolat chaud émerge dans sa tête et ne veut plus en sortir. Elle trouve l'objectif d'une camera de télévision qui vient rassurer la population que malgré le temps doux l'édifice glacé reste stable. La nouvelle est d'actualité. La petite fille s'amuse sous l'œil des medias en quête d'images fortes. Tout est sous contrôle. L'hôtel ne s'effondra pas sur la tête des curieux qui l'habitent le temps d'une visite féérique...
Je découvre à la boutique les nouvelles tasses de la saison qui exposent mes photos "made in quebec". Je suppose que la tasse de base est "made in China" (comme tout ce qui nous matérialise mais c'est un autre sujet moins léger) malgré tout les images sont bien locales et la finition du produit aussi. J'ai travaillé avec la graphiste de l'entreprise qui personnalise ces tasses durant l'automne afin de concocter deux mosaïques qui ornent désormais cet objet à l'effigie de l'hotel de glace. C'est mon produit dérivé vedette. L'année dernière, ce fut le plus vendeur et à moitié de saison, les stocks étaient à sec. Du coup, la direction en a commandé davantage, si cette année suit les tendances passées, j'ai bon espoir qu'elles partiront dans les bagages de toutes sortes de monde. Les touristes sont ici comme des abeilles dans une ruche. "Mes tasses" s'écoulent comme du miel. Je soupçonne même que plusieurs de celles-ci retrouveront le chemin de la Chine! J'ai une pensée en forme de sourire pour celles qui offriront des cafés et des thés en Amérique du Sud, qui serviront en une maison tropicale...
L'hôtel de glace subit les affronts de la saison avec patience. Sa construction va bon train entre deux caprices de la météo! Il est à moitié achevé, encore quelques semaines et la chapelle devrait accueillir les mariages à saveur arctiques. Le lounge fera concurrence au N'Ice Bar et j'irai m'y réfugier comme à mes habitudes. Une énorme glissade est aussi prévue pour accentuer l'effet de l'entrée cathédrale. Il ne reste plus qu'à espérer que l'hiver tiendra ses promesses de "froidures"...
vendredi, janvier 11, 2008
... inspiration, expiration, respiration
Tout comme l’on peut entraîner son corps en huilant les bons muscles qui feront du bien au reste de la vie, l’on peut aussi programmer sa tête à utiliser les bons neurones. Tout comme le corps, l’esprit se muscle…
Je suis issue d’une famille de dépressifs, j'ai l'angoisse en héritage et je compte bien faire tout ce qui est en mon pouvoir pour ne pas le transmettre à ma fille. La dépression est un état que je fuis comme la peste. Un état qui me poursuit et que je déteste. Au début de la vingtaine j’y ai succombé plusieurs fois. Je suis tombée bien bas. Dans ma famille, le suicide est presque banal, l’envie de mourir rampe au fond de nos veines. J’ai moi-même déjà ressenti l’appel sanglant qui traîne en mes gènes.
Je me suis soignée et j'ai beaucoup réfléchi. J'ai décidé de faire face et depuis je combats, je bataille, je repousse, je me rebelle. Je me muscle la cervelle pour mieux traverser mes souffrances. Juan est le chevalier de mes batailles, son amour me porte et me renforce, son amour m'aide à éloigner les dépressions. Avec le temps qui cicatrise, je me sens mieux. Encore et toujours, je me recule pour mieux voir, pour mieux comprendre, pour mieux apprendre. Tout doucement, je m'équilibre.
Je connais mes noirceurs intérieures et j’ai le désir profond de les voir inondées de lumière, d’en fracasser les murs qui m’oppressent. Je sais que si l’on entraîne son cerveau à penser positivement, il sera alors plus facile de contrer les pensées négatives qui polluent l'esprit et le coeur. Je carbure à la force de la lumière. Tout comme un corps en forme peut se mouvoir avec aisance et longévité, un esprit lumineux connait l'essence du bonheur et de la paix. Rien ne se fait tout seul, il faut y ajouter de la bonne volonté. L'humain et le chaos vont trop souvent de pair. Rien n'est facile mais tout est possible...
Garder foi en ses rêves et pourvoir à leurs réalisations. L'effort récompense les peines. Rester pur et intègre. Aimer sans juger. Le bien attire le bien. C’est un principe archi-connu, un peu comme "Le Secret" mais en moins glamour, c’est du bon sens en tranches de pain sur la planche de sa vie. Etolane m’aide à la tâche. Depuis que je lui ai donné naissance, je conserve la même ligne éditoriale. C’est ce qui me permet de voir passer les années avec sérénité dans l’infernale blogosphère qui n'en finit plus de s'emmêler et se démêler les cervelles.
J'ai troqué le balai pour ma langue maternelle. Etolane est une sorcière virtuelle, une sorcière moderne qui ne s’en vante pas, une solitaire qui toujours cherche cette lumière qui réchauffe l’âme. De son petit coin d'invisible, elle en étudie les blanches magies. Elle s’en accroche les idées. Etolane n’aime pas ce qui est glauque. Elle est allergique à la connerie à grosse dose. Etolane se concentre sur les petits bonheurs pour mieux combattre le malheur. Non pas parce-qu’elle est parfaite et vit dans une bulle de coton rose, mais parce-qu’elle combat l’obscurité, tous les jours que le bon Dieu fait, elle se bat. Etolane est virtuelle et je suis bien réelle. Etolane c’est tout moi, même si je ne suis pas entièrement elle….
jeudi, janvier 10, 2008
Mamamitude
Elle se réveille. À moitié assoupie, elle se colle contre moi. Je la câline comme le bébé qu’elle était il n’y a pas si longtemps. Je voudrais accrocher en ma mémoire chacun de ses instants précieux . je la berce contre mon sein. Son innocence me transperce. Tendresse. Je m’imprègne de son odeur de bambin, de la douceur de sa peau, je sens qu’elle s’impatiente. Je la serre fort contre mon cœur et je lui demande :
- Mais il est rendu où mon bébé?
- Au magzzin! Me répond-t-elle d’un ton certain.
- Au magasin!?!
- Oui maman…
Prestement elle se faufile d’entre mes bras pour aller vaquer à ses occupations de petites filles. Bouche bée, j'avale le temps qui me trépasse.
mardi, janvier 08, 2008
Palais glacé
Œuvre éphémère qui surgit des rigueurs de l'hiver pour fondre dans les redoux du printemps. Cette année encore j'errerai dans ses couloirs de neige pour essayer d'attraper quelques images gelées.
L'inauguration officielle aura lieu à la fin du mois de janvier mais les portes sont ouvertes depuis le début de l'année. Il reste quelques finitions et détails à achever, plus les années passent et plus mon regard se fait critique, j'observe les réactions des visiteurs de passage. Les « Oh! » fusent des lèvres inconnues, les regards s'extasient, toujours cette même sensation d'émerveillement. Cet étonnant palais de glace ne laisse personne indifférent. Il dépasse les limites de l'imaginaire...
La pluie et les températures douces qui nous accablent ces jours ci en mettent pas en danger la structure de l'édifice. La pluie laissera quelques taches sur la blancheur des murs de neige mais les parties non terminées n'en seront pas affectées. Cet endroit surréaliste fait d'éphémère est à la merci du temps qui le génère. Cette année encore, je m'imprègnerai de ce palace d'hiver pour essayer d'en immortaliser les atmosphères givrées.
Brin de fille
M’zelle Soleil bavarde à tout vent et je reste stupéfaite de la rapidité avec laquelle son langage évolue. Semaine après semaine elle progresse, une petite fille déterminée se dessine sous nos traits conjugués. Ce petit brin de fille qui nous fait face me fascine. L'amour que je ressens pour cet enfant est si puissant. Il m'enrobe toute entière. Le bébé qu'elle était il y a encore quelques mois s'efface perceptiblement. L'amour qu'elle porte à son père est incroyable. Il me rappelle combien je n'ai jamais connu de sensations paternelles. Cette petite famille que nous formons désormais est un baume qui guérit mes douleurs intérieures.
De plus en plus souvent, Juan évoque l'idée d'autre bébé alors que je commence seulement à reprendre conscience de mon individualité, de ma féminité. Je me sens mère de la racine de mes cheveux blancs à mes talons retrouvés!
Mon enfant parle. Une communication à deux voies est désormais possible. Je ne parlerai pas des notions de discipline qui surgissent en même temps que ses réparties! Notre relation ne se résume plus à cet espèce de monologue entre une maman gaga et un bébé qui gazouille. Maintenant j’ai devant moi une fillette qui papote et me demande à toutes les deux minutes :
- C’est qui maman ?
Je soupçonne d’ailleurs son « qui » de s’associer à l’idée de « c’est quoi » et je pressens que le « pourquoi » est au coin du chemin. La répétition est aussi à la mode de chez nous, répéter une même question à l’infini semble l’amuser énormément, répéter les nouveaux mots qu'elle entend, répéter pour mieux assimiler…
Sur le chemin du retour de Montréal, M'zelle Soleil nous explique (de Trois-Rivières à notre maisonnée) combien elle désire un sac d'école comme ses amies de la rue et bien-sur comme la fameuse poupée Dora! Elle nous dit:
- Maman, il est où sac d'école à Lily?
- Il est au magasin ma chérie. Tu es encore trop petite pour aller à l'école. Ce sont les grandes filles qui vont à l'école
- Lily veut sac école. Lily pas petite. Lily é grande. Lily veut sac d'école!
- J'irai t'en trouver un au magasin alors...
- Crouvé magzin sac école? Lily prête!
- Lily est prête à aller à l'école???
- Oui, Lily école, pareil filles, Lily prête!
- Mais tu sais pour aller à l'école, il ne faut plus avoir de couches...
La conversation se poursuit sur la même lancée alors que Juan pose une main rassurante sur ma cuisse, il perçoit cette émotion qui vient me serrer le coeur. L'on échange un regard complice. Je laisse glisser ma mélancolie dans le creux de sa paume qui me réchauffe. Je sens la volonté de grandir de mon brin de fille. Je sais que je dois respecter ses rythmes d'enfance et la laisser se détacher de mes jupes. Je vieillis, elle grandit, c'est dans l'ordre des choses.
Le « non » bien volontaire a fait son apparition avec vigueur durant la période des fêtes. Le « pas » fait désormais bien partie de son vocabulaire (pas dodo, pas manger, pas ceci ou pas cela, pas vouloir faire ce que les parents veulent!). Le « veux » s'est incrusté en ses multiples demandes (veux voir, veux faire, veux prendre, veux toute seule). Elle dit : « Aé domi tarrrrr (j’ai dormi tard) » lorsqu’elle se réveille toute fraîche d’une longue sieste ou « Il é guéri le bobo à Shanie » lorsqu’elle câline le chien de la maison. Elle maîtrise de mieux en mieux les conjugaisons du passé même si le futur lui échappe encore. Juan n’en revient pas de l’entendre raconter ses petites histoires de mieux en mieux construites.
Je me doute que tout le monde n’est pas encore en mesure de déchiffrer l’intégralité de ses bavardages, parfois même son père me demande de l’aide. Il faut dire que l’on peut facilement avoir l’impression que ses phrases ne sont qu’un seul mot, comme un gigantesque terme bambin qui n’en finit plus de s’articuler! Étonnement sa langue m’est rarement mystérieuse comme si mon oreille était sur la même longue d’onde que ses idées…
lundi, janvier 07, 2008
Jour de pluie et expression
Après l’atmosphère fantomatique d’hier, la brume s’est effacée pour laisser place à la pluie. Une pluie hors contexte qui se fait bruine humide. Beurk! C’est vraiment un temps à la mords moi le nœud! Ce qui m’amène à l’expression de la semaine qui débute cette autre année.
C'est d'ailleurs l’une de mes expressions favorites, je l’emploie souvent à tours de bras dès que l'occasion se présente. Pour moi elle possède aussi l’idée de désorganisation et d'embrouilles. Par contre si j’utilise la variante « jonc » à la place de « nœud » alors j’y ajuste un soupçon de vulgarité dont je suis pleinement consciente. Je n’avais cependant jamais réalisé le coté sexuel de cette expression, un angle qui ne m’étonne guère après reflexions…
EXPRESSION via Expressio.fr
« A la mords-moi le noeud (le doigt, le jonc, le pif...) »
SIGNIFICATION
Peu sérieux, mal fait, sur lequel on ne peut pas compter.
ORIGINE
L'origine de cette expression n'est pas vraiment connue. "À la mords-moi le jonc" est une expression attestée au début du XXe siècle. À cette époque, en argot, le jonc désignait l'or. Faut-il voir un lien avec ces fausses pièces d'or (mal faites, sans valeur) qu'il fallait mordre pour en faire sauter le placage ?
Actuellement, le jonc désigne le pénis ('peler le jonc' pour 'importuner', 'se peler le jonc' pour 'avoir froid'). Alors du 'jonc' au nœud, autre dénomination argotique du pénis ou du gland (qui date du XIXe siècle), il n'y a qu'un pas qui a été franchi, semble-t-il, dans la seconde moitié du XXe siècle où l'expression apparaît. Certains disent qu'elle viendrait de la fellation. En effet, s'il y a morsure du gland ou du noeud pendant la petite gâterie, c'est qu'elle est très mal faite. Mais rien ne confirme cette hypothèse. Le doigt qu'on trouve aussi à la place du noeud pourrait être vu comme une atténuation 'politiquement correcte' du deuxième terme, mais il semble que son usage soit très antérieur.
dimanche, janvier 06, 2008
...
Je discute avec lui de ces concepts abstraits qui font rouler mes idées sauvages. Il m'écoute d'une oreille distraite avant de me répondre avec assurance.
- L'équilibre est un effort. Le déséquilibre est un état...
- Oh! Hummm....
La justesse de sa répartie me laisse sans voix. Je l'observe du coin de l'œil. Je médite quelques secondes sur ce point qui m'accroche la cervelle. En silence j'apprécie sa présence. Il possède cette sagesse intérieure qui le rend si beau à mon coeur. Je sens vibrer les raisons de mon amour en ma tête, j'en savoure la sensation. L'aimer est un état qui me demande bien peu d'efforts...
jeudi, janvier 03, 2008
Vrac de Montréalités
Alors que l’homme se dépayse les idées en ce quartier urbain à la jonction d’un autre, je retrouve ces repères d’antan. Au fil des jours qui passent je me rends compte que j’apprécie ce quartier que je trouvais si « plate » lorsque j’étais ado. Je vieillis, c’est indiscutable. Mon ado de Clo profite d'une visite chez son père pour venir nous visiter, elle confirme mes impressions. M'zelle Soleil adore son ado de tante. C'est toujours un plaisir que de les voir ensemble, si complices. Cela débute bien un séjour urbain. L’appartement de Ro est un délice « cosy and design ». Nous y installons nos pénates sans peine, la petite y fait le party! Sa routine prend le bord, elle se couche plus tard, se lève plus tard, ses siestes partent dans tous les sens, on mange n’importe quoi n’importe quand. L’on profite de la ville et de ses multiples services, l'on se la coule douce.
Ves pense que je suis un « solo act with a big heart ». En vingt ans d’amitié, elle aura toujours su me cerner avec une étonnante justesse.
Nous sommes en un petit quartier tranquille, dans une vielle bâtisse qui engloutit le bruit des voisins. Les murs étouffent l'existence des autres. L’on se love en ce petit nid douillet. L’on fait notre devoir parental en passant une demie journée au biodôme rempli à craquer de familles multicolores. Ouf! C’est une leçon à plusieurs angles pour M’zelle Soleil souvent perchée sur les épaules de son père. Au fil des jours qui défilent, l’on s’installe une sorte de routine citadine.
Ves accompagne mon escapade urbaine. L’on retrouve une copine d’antan devenue maman pour un brunch du dimanche. Les femmes que nous sommes bavardent à bâtons rompus. Les enfants s’amusent entre nos jambes. J'ai le coeur qui se gonfle. Tout ceci est bien étrange. Ves devient gardienne d’un soir pour que l’on puisse passer une soirée en couple, l’on en profite pour se faire un cinéma au cœur de la ville. Rares sont ces moments pour les parents que nous sommes maintenant. Je lèche les vitrines sous le regard amusé de mon homme. Le film est divertissant à souhait, juste comme je les aime: science-fiction apocalyptique avec spécimen mâle à déguster! Juan se divertit de mes angoisses de fin du monde et les innombrables lumières de la ville réchauffent la nuit glaciale. Vite, l'on rejoint Ves et notre enfant sagement endormie. Je la retrouve le lendemain, au coin de la rue non loin, pour aller à ce YMCA aux vitres givrées, ce YMCA qui lança toutes sortes de polémiques politiques à saveurs d'accommodements raisonnables. Nous sommes là en contrée Hassidin. C'est presque exotique. La première journée l'homme s'exclame:
- Ouf! Y'en a tellement que je regardais mes pieds pour ne pas fixer les boucles!
De mon coté je les observe sans gêne. Ils m'intriguent. Nous allons au YMCA pour un cours de pilates qui m'oxygène le corps tout entier. Cela fait trois ans que je n'ai pas fait de "pilates". J'en redécouvre les bienfaits, j'en reconnais les poses. Je vais m'y remettre par chez moi (si j'arrive par remettre la main sur ces vieilles cassettes que j'aimais tant, c'est là mon plus grand défi), cette décision n'est même pas une résolution de nouvelle année, juste une constatation physique. Je me sens enfin prête. J'habite de nouveau ce corps qui me malmène, et plus je l'habite, plus je le contrôle....
Je retrouve mon amie au coin de la rue, non loin de l'appart où l'on réside. Lorsque je l'aperçois au loin je ressens cette subtile sensation d'habiter la ville de nouveau, comme avant, durant quelques secondes s'effacent les années comme si rien n'avait changé. Montréal me rattrape les pensées. Le jour de mon anniversaire (qui comme à son habitude tombe avec la nouvelle année), nous passons voir Caro et son sympathique barbu de mari. Jasette improvisée autour de quelques tasses de thé et M'zelle Soleil qui papote, je suis heureuse de découvrir leur nouveau nid urbain, ils y sont bien. Je n'arrive pas à trouver le temps de voir tous ceux que j'aurais aimé saluer. Je profite en premier lieu de mon homme, de ma fille, de nous, ensemble, en vacances pour la première fois.
La nouvelle année est au coin du jour. Nous la passons d'abord en trio de famille en allant manger dans un petit resto indien aux atmosphères locales et aux saveurs succulentes. L'on se ballade à pied entre deux quartiers. Nous sommes dans une fourmilière juive, les "Hassidin" me fascinent (mais c'est le sujet d'un autre billet). M'zelle Soleil apprivoise la ville de ses petits pas bambins. Elle nous fascine et c'est le sujet de plusieurs de mes billets bloguesques. Le petit resto est sympa, la bouffe y est succulente. L'on revient coucher notre brin de fille et nos amis citadins nous retrouvent en nos confortables pénates pour quelques verres de champagne. L'humeur est belle. Minuit se passe.
À l'ombre de deux heures du matin, un soupçon d'aventure prend forme, la chose sombre nommée diabète, cette maudite qui habite le sang de mon homme se réveille. Alors qu'elle se manifeste, il prend subitement conscience qu'il a oublié sa tête au restaurant en y laissant son sac et "son kit de piques"! Le sucre monte dans son sang tandis qu'il déniche une pharmacie de garde de l'autre coté de la montagne. Nous avons tous trop bu de champagne pour conduire, sauf Ké qui ne boit plus. Ce qui tombe à pic. Si ce n'est que Ké, japonnais de son état, n'a conduit qu'une fois depuis les sept ans qu'il habite la grande ville! Au Japon, c'est comme en Angleterre, tout est de l'autre coté. Ah bon! J'oublie toujours ce détail. Ké frisonne et ce n'est ni le froid ni le champagne qui lui font cet effet là! Je trépigne un peu devant l'aventure qui se dessine. Juan doit être présent pour expliquer son probléme de diabétique, quelqu'un doit rester à l'appart pour garder la petite au royaume des songes. Et je suis la seule qui connait le chemin! Ves a toute sa vie parcouru la ville en bus, métro ou taxi. Je suis toujours étonnée par son manque d'orientation une fois en voiture. Alors que nous allons retrouver notre amie Liz, je prends un chemin qui mène à ce quartier qui s'étale du sommet de la montagne à ses pieds baignés d'anglophones. Alors que nous arrivons d'un coté de la montagne, elle me dit:
- Heu en fait, c'est genre pas trop loin de Sherbrooke, vers chez Leila....
- Mais tu m'as dit que c'était à Wesmount, pis là on est rendu à l'oratoire!
- Ben, on est loin de Sherbrooke?
- Ves... On est genre de l'autre coté!!! Bon ben on a plus qu'à traverser la montagne...
Je tourne en ce coin de rue qui me ramène à une autre époque. Je dépasse sa rue, celle de l'Autre qui habita mon coeur durant dix ans. Un fond de nausée se fait sentir. Je l'avale. Je ne peux m'empêcher de constater.
- Tiens on vient de passer la rue des parents de l'Autre...
Je traverse la montagne guidée par ce radar d'un autre temps. Ves admire les magnifiques demeures que je regarde à peine, trop concentrée à me rappeler pour mieux oublier. En quelques minutes, nous voilà sur le bon chemin. Je m'amuse un peu du manque d'orientation de mon amie urbaine jusqu'à la moelle. Elle m'indique la rue et le numéro. Voilà plus de dix ans que je n'ai pas vue Liz. Facebook nous a reconnectées et du virtuel approuvé, le réel prend le relais. Elle n'a guère changé, juste évolué en beauté intérieure. Elle trouve que je suis pareille même si je me trouve quand même bien plus vieille que la dernière fois que l'on s'est parlées. Zoé, la plus jeune de ses deux petites filles n'a que quelques mois de différence avec M'zelle Soleil. Les enfants s'harmonisent et l'on sympathisent de nouveau...
Mais j'en reviens à mon mouton de Nouvel An. Ves garde le fort, l'homme est sur le coté passager, Ké est au volant et je me fais petite souris à l'arrière. Il est presque trois heures du matin et la ville est déserte (ce qui rassure considérablement notre conducteur en herbe). La route n'est pas trop enneigée et l'on grimpe facilement la montagne qui nous offre cette magnifique vue sur la ville qui s'étale à l'infini. L'on dépasse le cimetière ancré sur l'un des flancs de cette montagne qui domine l'ile de Montréal et l'on arrive à bon port sans trouble aucun. Ké reprend confiance en lui, l'homme coure se chercher une "pique" et encore une fois les souvenirs m'assaillent. Encore une fois, je suis en territoire vécu. Les souvenirs m'effleurent sans altérer la saveur du présent, ils se font glissements de peau. J'en apprécie l'aspect indolore. Juan revient avec un nouveau stylo à insuline dans sa paume, il soupire. Il dégrise. L'on reprend la route qui se déroule devant nous. L'on retrouve Ves à l'appartement. L'homme est soulagé. L'on récupèrera son sac le lendemain. En une expédition nocturne sous la neige folle, nous récupèrerons son testeur et ce kit qui lui permet de vivre comme tout le monde...
La ville me rematérialise subtilement, je me laisse faire tout en sachant que c'est temporaire. Je réalise que je me préoccupe davantage de mon apparence. Je sors le mascara quotidiennement. L'homme remarque mon léger maquillage. Il approuve. Je grimace un peu. La ville est un royaume de tentations. La ville nous éloigne subtilement de la nature. Je ne peux en apprécier les délires sans me sentir un peu coupable. D'ailleurs sans l'épanouissement grandiose des villes, est-ce que la nature serait si piteuse à grande échelle? Et c'est sans entrer dans le débat du réchauffement de la planète. En ville règne le superficiel et les tentations matérielles sont légion. Je sens l'influence urbaine sur mes perceptions internes. Je cherche l'équilibre dans l'abstraction de ces sensations qui m'envahissent. J'ai les idées qui fusionnent.
Je fêterai le mien de façon urbaine, calme et tranquille, sans excès (si ce n'est de gourmandise), en bonne compagnie, je fêterai ce passage d'une autre année humaine. En ce milieu citadin, je me sens évoluer à contre courant de la norme. Je vis à l'année longue en un lieu où les gens viennent principalement en vacances et je vais en vacances là où les gens vivent à l'année longue, si j'étais un poisson, sûr, je serai un saumon...
Voilà, mes trente cinq ans ont sonné avec la nouvelle année qui me découvre sereine et philosophe. Il est bientôt temps de quitter la grande ville pour retrouver mon coin de forêt congelée. Les jours auront joliment défiler. Nous aurons mangé plus de pâtisseries en quelques jours qu'en plusieurs mois. Nous avons fêté sucré, les tentations étaient irrésistibles, nous avons péché! Nous avons gouté à des pâtisseries de plusieurs cultures, notre gourmandise n'en peut plus! Pas plus malin l'un que l'autre, nous nous sommes lâchés! Je suis prête pour une semaine de soupe et légumes et beaucoup de cardio. Je suis prête à expier mes faiblesses. Nous retrouvons nos équilibres. Juan est reposé, la petite est déréglée mais en pleine forme et je suis plus vieille d'une année. Mais je m'en fous un peu même si je regarde de près ces rides qui se dessinent. L'important est ailleurs. L'important est dans les battements de nos coeurs qui se conjuguent à l'unisson...
Ainsi va...
Revenue de la grande ville en mon coin de brousse où règne le silence et la quiétude. Dans la paix qui m’entoure, je retrouve mes obligations de maison, les courriels à répondre, les correspondances à nourrir, les projets à avancer, les trucs à signer et organiser, les idées à épanouir…
À notre retour, une fois la petite couchée, alors que les sacs encombrent la cuisine, nous nous asseyons côte à côte dans le salon. Quelques minutes passent avant qu’il ne s’exclame :
- Whao, la sainte paix….
J’acquiesce avec un sourire, il poursuit :
- J’avais presque oublié la puissance du silence. N’empêche lorsque tout ce que tu entends, c’est le bourdonnement sourd de tes oreilles, c’est que c’est silencieux à fond...
J’éclate de rire. Mon rire se répercute dans la profondeur du silence qui nous enrobe. La conversation s’emballe. La nuit glaciale nous enserre de ses forces gelées. Il fera plus de -25 selon les experts. Juan va se coucher. Je traîne entre mes quatre murs. Je me pousse les fesses au coin de minuit et je prends une douche bien méritée. J’y découvre quelques idées coquines. Je les attrape sans mot dire. Je le rejoins sous la couette. Il dort, sensuelle, je le cherche. Il chuchote :
- Je ne t’attendais plus…
Il m’embrasse et les étoiles nous embrasent. Le petit matin se lève dans le givre des fenêtres et des rayons du soleil qui allument un ciel pur. L’on reprend nos habitudes matinales. L’enfant couraille, je baille, l’homme se force la vie malgré ce diabète qui l’accompagne depuis ses 15 ans, cette chose sombre qui insiste de sa présence au fur et à mesure que les années passent. Je sens l’angoisse et l’amour former un cocktail d’émotions alors que je le regarde déjeuner…
Il reprend ses routines de bureau. M’zelle Soleil est chez sa grand-mère pour la journée. Il ne me reste plus qu’à vaquer à mes diverses occupations, à trancher ces différentes miches de pain qui m’attendent sur mes planches de travail. L’année recommence une fois encore, elle se déguise d’un autre chiffre qui nous vieillit (particulièrement ma pomme givrée de 35 années) et la vie s’en fout. Un jour d’hiver est un jour d’hiver, la nature ne compte pas le cours de ses journées. Le soleil éclaire les vagues de froid qui se suspendent au dessus de la neige scintillante. Je me calfeutre et me dissous dans le temps qui s'efface.