mercredi, août 27, 2008

Passer l'obstacle

...

Horizon bleuté

Encore deux jours d’immobilisme à tirer. Mon attelle de plâtre fait désormais partie de mon quotidien invalide. J’apprends à vivre avec cet inconfort réel qui m’handicape les pas. Voilà quatre jours que je suis alitée. Confinée. M’zelle Soleil me manque mais je sais qu’elle ne s’ennuie pas de moi. Elle profite, par cette occasion, d’une escapade au royaume de Mamie où je la sais choyée. Alors qu’elle virevolte de ses petites ailes, impatiente de s'envoler, je prends mon mal en patience. Comme ma mère parraine une famille de réfugiés dont les parents ont commencé l’école cette semaine, elle se retrouve, un peu malgré elle, à garder les deux enfants Apo et Ana qui ne commenceront l’école que la semaine prochaine. M'zelle Soleil adore Apo et Ana qui lui rendent bien, elle les prépare au français d'une mignonne manière qui me touche l'âme. Pendant ce temps mon ado de sœur commence le Cegep, elle est amoureuse, elle bulle en son aquarium et s'occupe gentiment de ma fille qui l'aime avec dévotion. M’zelle Soleil rêve d’aller à l’école. Plusieurs fois par heure elle est capable de relancer le sujet :

- Moi quand ze vais être crande, ze vais aller à l’école. Hein Maman?
- Oui quand tu auras cinq ans.
- Moi z’ai cinq ans!
- Non tu as deux ans et demi.
- Non moi z’ai cinq ans et ze peux aller à l’école!

Ainsi nous faisons des rondes d’un même manège qui n'arrête pas de tourner. La coquine me fait doucement sourire lorsque je la surprends à souffler une bougie en chantant : « Bonne fête Lily, bonne fête Lily-Soleil, bonne fête Lily cinq ans. » Tout en levant ses cinq doigts bien écartés dans les airs pour mieux démontrer la force de ces cinq ans tant désirés. Cette enfant me bouleverse. De l'extérieur je souris mais à l’intérieur je soupire. Elle a autant hâte de grandir que je n’ai pas hâte de vieillir. Elle voudrait autant accélérer le temps que je voudrais le ralentir! Ainsi va la vie. Ainsi se construit le présent qui conjugue parents et enfants.

Voilà cinq jours que je ne l’avais pas vue. En nos trois ans d’existence commune (comptant le temps de gestation), c’est la première fois que je me sépare si longtemps d’elle. Ainsi va la vie. Pendant ce temps, Juan en profite pour refaire la céramique de la salle de bains. Il en arrache le pauvre. Comme son assistante de service est alitée, il progresse plus lentement. Vu que les évènements de la fin de semaine ont mis des bâtons dans la roue de rénovation, il doit poser ses carreaux après ses heures de bureau. Il est fort mon homme. De plus je dois avouer que je ne suis pas mécontente de le voir enfiler son mini short de travail! Comme nous n’avions pas encore complètement réemmenagé avant mon stupide accident, je n’avais pas encore fini de remplir tous les tiroirs et placards. Du coup ses habits habituels de travail ont disparu et il n’a pu mettre la main que sur un mini short de plage « Labbats blue» qui lui dévoile les cuisses et qui lui moule les fesses de manière fort charmante! Le regarder travailler dans son petit short bleu, les muscles bandés, la sueur au bout de la tempe, me rend tout chose. J’en mangerai bien de ce garçon! Ah! Cela tombe bien c’est le mien! Trop con que je ne puisse rien me mettre sous la dent en mon état présent! D’un coup l’absence de l’enfant prend une autre dimension. Petit à petit je me souviens comment nous étions avant, beaux, libres et insouciants. C'est une sensation confuse qui rejaillit de mes entrailles noyées en ma maternité consommée. L'individu qui se rappelle à lui-même. Étrange sensation. Hier soir, passent Phil et Alex qui viennent donner un peu de renfort moral à Juan. Phil met le doigt dans ma plaie. Alors que je constate les jours qui défilent sans ma fille, il me dit en pointant mon plâtre du menton: « Ben c'est sur, il fallait au moins cela pour que tu puisses t'en séparer!». Oui, bon, je sais, je suis collée à cet enfant qui m'émerveille.

Aujourd’hui je me réveille avec un poids dans le cœur. J’ai mal, j’suis pognée, j’suis tannée, cela commence à me gratouiller la chair dans le plâtre, j’suis ben tannée et tout aussi pognée! Dehors le soleil brille de plein feux, la journée est glorieuse, cela me fout le bourdon. Heureusement, aujourd'hui je vois ma fille. Depuis deux jours, nous nous étions organisées avec mon amie Dee afin qu’elle aille chercher ma fille chez ma mère, pour ensuite venir me chercher, pour ensuite aller voir Equinoxe son cheval chéri. Juste au moment où mon moral se crashe entre deux branches d’arbres, du renfort est en chemin. Je me pousse les fesses qui s'ankylosent lorsque je les vois arriver en milieu de matinée. Prendre ma fille dans mes bras me remonte le moral d'un coup. M’zelle Soleil ouvre grand les yeux sur mon plâtre. C’est un "mega" pansement qui lui inspire un respect immédiat : « Maman ça va ton bobo? Tu t’es fait un gros bobo? Ça va maman???» Je la rassure en même temps que j’hume son odeur de sucre d'orge. Le velouté de sa peau est une caresse sur mes émotions à vif. Mon enfant. Ma chair et mon sang. Aimer son enfant est un acte si profond qu’il dépasse tout le reste. Elle m’enrobe de son affection. Nous montons dans l’auto. Ou plutôt je me traîne jusqu’à la voiture avec l’aide de Dee. Les maudites marches de la maison prennent une toute autre dimension depuis cinq jours. M’zelle Soleil qui porte si bien son nom éclaire nos esprits de son innocente luminescence. J'avale orgueil et douleur. J'apprécie la relation que ma fille développe avec mon amie, le tout est un bonheur à mon cœur. En chemin l’enfant me demande :

- Maman pourpoi tu t’es fait un gros bobo?
- Parce-que je suis tombée ma puce?
- Encore?!?

Dee ne peut s’empêcher de pouffer pendant que je marmonne :

- Oui, bon ben je sais, c’est pas comme si je l’avais fait exprès!
- Mais maman pourrpoi tu t’es fait bobo?
- Parce-que je suis tombée, je me suis fait mal à la cheville…

Je prends sa petite jambe entre mes mains et lui montre l’endroit en question. Sa compréhension générale est bonne, je n’ai jamais besoin de lui expliquer longtemps quelque chose. Régulièrement elle palpe le quotidien de son intelligence. Une intelligence en pleine ébullition. C'est à mes yeux un processus presque magique. Par contre une fois qu’elle a compris le truc, elle est capable de le répéter des centaines de fois! C'est moins drôle pour le parent gavé des mêmes ritournelles! M’zelle Soleil adore aller à l’écurie. Équinoxe le cheval de Dee réside désormais sur un domaine à une quinzaine de kilomètres de mon lac. C’est un endroit lové dans la forêt avec autant d’espace que d’animaux. Il y a une petite chèvre qui se ballade l’air de rien. Ana l’ânesse qui fait son tour de quartier, des chiens, des chats et des dizaines de chevaux, pour la plupart dans des champs.

Aujourd’hui la journée était magnifique et c’était la première fois que je sortais de mon antre de puis cinq jours. Aujourd’hui les sourires de mon amie ont aiguillé mes pensées à la dérive. Comme une héroïne elle m’a amenée sous son aile mon petit Soleil et du coup, je n’ai pas sombré dans l’obscurité. J’ai plutôt passé une superbe matinée, assise sur une chaise la patte sur une autre à regarder briller la vie autour de moi. Une minuscule chèvre au coin de l’œil, l’ânesse derrière l’épaule et ma fille au coin du cœur, j'ai savouré de plein gré ces quelques heures envolées. Je me suis nourrie l'humeur de ma fille qui rayonne aussi fort que le soleil dans un ciel bleu. La vie est ainsi faite. Elle n'est pas parfaite mais elle est souvent belle. Encore deux jours d’immobilisme à tirer avant la prochaine visite à l’hôpital. Je suis aussi raisonnable que recommandé, je visualise même, par instants fugaces, les petits bouts de ma chair qui se recollent de l’intérieur. Je refuse de m'aplatir devant l'obstacle. Je suis blessée mais je ne me laisserai pas abattre…

Mon petit soleil

lundi, août 25, 2008

Peut-on se péter les deux chevilles en un mois?

Peut-on se péter les deux chevilles en un mois?

Certains diront : « Ben voyons!!! Pas possible! » d’autres diront : « C’est possible mais rare... » et moi je dis : « C’est fait! ».

Il y a un mois je me suis faite une entorse de grade 3 à la cheville gauche. Alors que celle-ci commençait à reprendre du mieux voilà pas que je me pète la droite encore plus sérieusement que je m’étais pétée la gauche! Une recette infaillible pour devenir temporairement invalide...

Samedi en allant chez un copain à Québec, je rate une marche dans le jardin et vlan! je tombe comme une masse en hurlant comme une furie. Avant même que je ne comprenne comment j’avais fait, j’étais à terre. En même temps que je suis tombée, j’ai entendu craquer et j’ai juste eu le temps de penser : « Oh! Non c’est l’autre! » Ensuite la douleur m’a irradié le cerveau avec une telle force que j’ai cru m’évanouir. Juan est accouru sans y croire. Hurlante, les larmes dégoulinantes sur ma face crispée, j’ai pu articuler : « Ma cheville, c’est l’autre! ». Et voilà ma cheville qui enfle de manière phénoménale. Pour avoir eu une expérience récente de ce genre, je sais que c’est grave et je sais aussi que cela a craqué, un bien mauvais signe pour la suite de l'évènement. Je ne veux pas y croire mais la douleur est malheureusement bien réelle…

Arrivée à l’hôpital, je souffre le martyre, j’attends comme il se doit, la patte en l’air, et je finis par passer les radios. C’est si douloureux que je sens remonter des larmes que j'avale de mon mieux. Je sais que je me suis blessée bien comme il faut! Je m'en veux sans pouvoir rien y faire. L’homme n’en revient pas. La petite est chez ma mère. Je voudrais d’un coup de baguette magique revenir trois heures en arrière et ne jamais descendre cette put... de marche. Mais ma baguette à remonter le temps me fait cruellement défaut! Je n'ai pas le choix d'accepter mon sort. Arrive enfin le docteur qui, sur un ton expéditif, me dit :

- Bon, ton ligament est complètement déchiré! Tu as tout arraché! Tu as un mois de plâtre et une semaine sans bouger, le pied surélevé. Je vais te faire un gros arrêt de travail, tu dois complètement arrêter toutes tes activités! Alors je le fais à qui ton arrêt de travail???
- Heu, c’est que je m’occupe de ma fille à la maison…
- Ah! Bon ben je t’envoie l’infirmière pour le plâtre! Je vais te donner de quoi pour la douleur. On se revoit dans une semaine et tu ne dois absolument pas t’appuyer dessus d'ici là!

Ceci clos la discussion! Et le voilà qui file aussi vite qu’il est arrivé! Ironiquement je me dis que cela serait pas mal surréaliste de donner mon arrêt de travail à M'zelle Soleil! Ah! Je sens que je vais finir par pondre un petit ouvrage sur les réalités d'éduquer son enfant à la maison et toutes les idées préconçues qui entourent ce sujet! Je repense à la docteure de Caraquet qui avait pris le temps de me montrer les radios et de m’expliquer en détails les différents degrés de ce genre de blessure. Heureusement d’ailleurs car grâce à cela je peux comprendre ce qui m’est arrivé et savoir la sévérité de mon cas! L’infirmière est plus gentille, lorsque je lui explique que j’ai encore un fond d’entorse à l’autre cheville, elle compatit. Elle me dit qu’il est rare de se péter ainsi les deux chevilles coup sur coup mais que c’est possible et que lorsque cela arrive, tu n’as plus qu’à pleurer sur ton sort!

Me voilà donc dans l’incapacité physique de m’occuper de ma fille et c’est ce qui me déchire le plus. M’zelle Soleil devra rester chez sa Mère-Grand plusieurs jours avant que je ne puisse retrouver un semblant de mobilité. Je n’ai donc plus qu’à prendre mon mal en patience en avalant ces médicaments qui me zombifient…

vendredi, août 22, 2008

Brève d'existence

Brève d'existence

Il y a de ces ironies qui font le piment de ma vie ainsi le sujet des garderies en mon quotidien. Après avoir longtemps refusé le concept tout de bloc, je sens que je m’affaiblis. Avec les trois ans de ma fille qui se précisent en novembre, j’envisage plus précisément ce problème. Je finis par accepter le point de la chose. Je trouve une garderie au village d’à coté qui arrive à me plaire. M’zelle Soleil s’entend si bien avec la petite fille de la gardienne que j’arrive à traverser mes tortures intérieures en la voyant si joliment jouer avec l’autre. J’accepte l’idée de l’inscrire trois jours par semaine cet automne. Ceci est pour mon cœur et ma tête un sujet pétri d’anxiétés (sans compter le trou dans mes finances précaires). Je travaille de l’intérieur pour que ma fille ne perçoive que l'ombre de mes tourments. J'étouffe savamment mes angoisses. Je la prépare de mon mieux à décoller un peu de mes jupes. Je finis par me résoudre à appeler la dame pour confirmer notre place. Je tombe sur la petite fille du même âge que la mienne avec qui je parle cinq minutes sans l’ombre d’un adulte à l’horizon. Étrange. Je sens ma raison flancher. Devrais-je laisser ma fille là? Pourtant l’impression que j’avais eu de l’endroit était bonne. Une maman infirmière recyclée en garderie familiale pour être proche de ses enfants. Le courant était bien passé entre nous. Me serais-je trompée? Le soir même la dame nous rappelle et nous apprend qu’elle fermera sa garderie le mois suivant car elle vient d’accepter une offre professionnelle trop alléchante pour pouvoir la refuser! Hum! Ploufff! À l’eau…

La totale

La totale...

M'zelle Soleil brille

Après trois semaines à vivre comme des princes, arrive le temps qui termine notre séjour mémorable. En trois semaines, j’ai eu largement le temps de sympathiser avec le personnel et je reçois tout plein de gentils commentaires : « Oh! M’Zelle Soleil nous manquera ». « Il faudra revenir nous voir promis? ». « On va s’ennuyer de toi M’zelle Soleil! ». C’est la journée des au-revoir. Jessica, Zeb, David, Sebastien et les autres dont j’ai oublié les noms, tous si sympathiques. J’échange des sourires avec chaque visage que je rencontre. L’on papote. Cela chasse les onces de tristesse qui m’agresse. Je croise le maître d’hôtel qui me dit qu’il nous réserve une surprise pour notre dernier soir. L’on se demande ce qu’il nous mijote. Une fois installés à l’une des meilleures tables, voici notre dernière soirée qui s’enclenche. Hélène en regardant nos mines me dit à la rigolade :

- Alors c’est ce soir que cela finit la vie des gens riches et célèbres?

Hélène est une marrante, elle nous aura apprivoisée de sa manière un peu rustre, super gentille sous ses airs de dure. Je me retiens de pleurnicher dans ma soupe. Je me contente d'absorber chaque minute qui passe. Monsieur le maître d’hôtel s’occupe de nous aux petits oignons. Il nous offre une bouteille. Moi qui ne boit jamais de vin est pompette en deux verres! L’on se commande un petit festin de gourmandises. La soirée est douce. Katy l’une de mes serveuses préférées vient me faire la bise. Cela me touche. Toute l’équipe est chaleureuse. Ce ne fut pas facile de sympathiser avec un personnel habitué à garder une certaine distance pour mieux préserver le standing en place.

Les semaines passées ensemble nous ont permis de traverser la barrière formelle qui siège, c’est d’autant plus agréable à vivre. Arrive la facture qui n’arrive pas. Juste le Maître d’hôtel qui nous dit qu’il nous offre la traite! Une façon de nous dire qu’il nous a apprécié et qu’il est triste de nous voir partir. Même si nous ne devrons rien débourser pour ce séjour et que tous le savent. L'attention est évidente. Rendue là, je suis super émue, j’ai la gorge nouée et les joues qui rougissent! Parce que être traitée comme une princesse c’est une chose, mais être appréciée en tant que personne c’en est une autre tout aussi bonne! Inutile de dire que la suite de la nuit, une fois l’enfant endormie, fut bien chaude (tout comme la plupart des nuits en ce lieu enchanteur)…

jeudi, août 21, 2008

De princesse à comtesse déchue...

De princesse dorlotée à comtesse déchue...

Sunrise on the Lake Bis

Matinée ensoleillée, les cartons sont presque tous défaits, les sacs sont vidés, le linge est lavé. Nous sommes de retour en notre maison revampée qu'il faut réaménager. Je me transforme en un tourbillon domestique. Le chien roupille, un seul chat sur trois manque à l'appel. Henri est revenu brossé-shampouiné après une fugue de deux mois: un heureux mystère. Zora a disparu. Mes tournesols sont en fleurs. Mes plates bandes sont en friche. Après une excursion de trois mille kilomètres (en quinze jours) au Nouveau Brunswick pour voir l'ailleurs suivi de trois semaines offertes dans un quatre étoiles pour nourrir ma princesse interne, nous voilà rentrés chez nous. Pour M'zelle Soleil rien n'a vraiment changé puisque dans tous les cas de figures, c'est toujours elle la mieux servie! Un blogue en apnée pour un été féérique, même si météorologiquement parlant, ce fut le pire depuis cinquante ans. Un été qui sent la fin avec les arbres qui se teintent déjà des premières nuances d'automne. Presque réinstallée en mes pénates, me voilà retour à ma réalité minus une bonne dose de glamour!!!

- Ben non Liloo, là faut que je passé le balai!
- Allez maman on zoue...
- Non faut que je fasse du ménage, aide moi à ranger plutôt…
- Non, ze veux pas, ze veux zouer avec toi…
- Ben moi faut que je passe la mop et j’aime pas ça non plus!
- T’aimes pas faire le ménage?
- Non je m’ennuie des femmes de ménage à l’auberge. Tu te rappelles des dames qui faisaient le ménage…
- Oui.
- Et les madames qui servaient les plats lorsque c’était le temps de manger. Tout ce qu’il y avait à dire c’était merci et parfait! *soupir * Je suis un peu triste ce matin…
- Maman, les madames sont pu là, t’es crisque pake y’a plus de madames?
- Oui un petit peu. Pis j’aime pas faire le ménage mais je dois le faire quand même!
- Pourpoi ?
- Parce-que j’aime bien que cela soit propre! Alors sois sage deux minutes et laisse moi passer le balai s'il te plait…

mardi, août 12, 2008

Maman à demeure

Maman à demeure

Toujours nomades, nous ne sommes point à plaindre même si nous commençons à avoir hâte de retrouver nos pénates ! Trois semaines en un exil doré, c'est particulier. L'expérience aura été agréable, étonnante. Elle devrait prendre fin d'ici samedi prochain...

Ma concentration s’étiole au fil des jours qui s’écoulent. M’zelle Soleil absorbe mes énergies créatives de son adorable binette. J’oscille entre le lâcher prise et une subtile frustration. Lorsque je suis ancrée dans le lâcher prise, tout va bien, je suis heureuse de savourer ces temps bénis avec mon enfant chérie. Je ne compte plus le temps qui me vieillit, je suis juste une maman épanouie. Puis lorsque passe au dessus de ma tête un nuage de frustration personnelle, je me dis que je stagne en ma condition maternelle, que le temps passe sans moi et que ma vie professionnelle est une ineptie. Dans ces moments là, je dois assumer mon choix de vie sans trop chercher à réfléchir. Dans ces temps là, réfléchir fait mal. Arrêter de penser à soi. S’oublier pour aimer au quotidien l’enfant qui resplendit. S'oublier. Dans ces moments là, je me rappelle vigoureusement pourquoi je vis ainsi et la sensation désagréable finit toujours par s'effacer. Les sourires de ma fille m'explosent le cœur et musèlent ma cervelle.

En un coup de vent, je parcoure quelques blogues et je tombe sur ces billets qui tournent autour d’un sujet délicat en notre société féministe, être mère à la maison ou aller travailler ailleurs. Car il ne faut pas oublier qu'être maman à demeure est aussi un travail! Un emploi non rémunéré, peu valorisé mais aussi important que n'importe quelle autre profession reconnue socialement. L'on ne se tourne point les pouces avec un petit bout de chou dans les jupes! Ce sujet joue au ping-pong dans ma tête. Il plante des graines d'idées dans ma cervelle. Je sais bien qu’il va falloir que je finisse par trouver une gardienne pour ma fille. Une partie de moi refuse ce concept avec rage tandis qu’une autre, après (bientôt) trois ans de bons et loyaux services, aspire à une certain épanouissement individuel. Un billet sur le sujet prend racine en mes idées vagues, une branche de réflexion devrait bientôt se faufiler en ce jardin de mots qui s’étend ici bas. Ce qui est certain c’est que pour s’occuper de son enfant au quotidien il faut être prête à une bonne dose d’abnégation !!! En attendant de cultiver ma future récolte de mots, j’ai une petite puce qui me rappelle à l'ordre :

- Maman, à dix heures le matin, faut aller à la piscine!!! Maman, yé où les crayons ? Maman, moi ze suis crande aussi pour faire mes affaires ! Maman, viens avec moi, maman, écoute moi, maman…

jeudi, août 07, 2008

zeste de bonheur

Souvenirs de l Île de Miscou (zestes de bonheur)

My creation

Attendre neuf ans, patiemment, avant de revoir l'océan. Parcourir plus de 1500 kilomètres pour enfin découvrir un zeste de paradis, accrocher une bribe de rêve au réel. Une plage sauvage qui s'étend à perte de vue, un sable doux comme de la soie, quelques méduses, un soleil éclatant sur un horizon d'azur et mes amours au "firmaman" de mes émotions...

Vol de paroles enfantines

Vol de paroles enfantines

- Papa quand tu ronfles, ça sent la mouffette ! S’exclame M’zelle Soleil en câlinant son père au petit matin dans le creux de notre lit.

- Maman, quand tu marches t’es toute petite ! Me dit-elle juchée dans les bras de son père qui m’observe par-dessus son épaule.

Et voilà comment ma fille a réalisé que mon homme avait une haleine de chacal au réveil et que sa mère était haute comme trois pommes !!!

Coup de coeur

Coup de cœur entre deux gouttes de pluie.

Aujourd’hui le ciel nous fait gré d’une autre journée d’automne en plein mois d’août. Le ciel se paie notre tête avec une température de quinze degrés et de la pluie à profusion. De quoi se régaler le moral collectif! Pourtant la vie se joue du ciel en mettant sur ma route des exemples d’humanités, qui me font tant remettre mon univers en perspective, que du coup, les frasques du ciel me glissent sur la tête sans m’en imprégner les idées.

Aujourd’hui ce qui m’imprègne le cœur c’est la souffrance d'autrui. Tout humain souffre sur la Terre. Nous souffrons de différentes manières, même si l’on ne peut comparer les souffrances entre elles, l’on peut en mesurer certains degrés. Ce matin, en allant chercher un biberon oublié chez ma mère, je me retrouve face à une souffrance humaine qui me transperce les entrailles.

Ma mère parraine présentement une famille de kurdes irakiens réfugiés à Québec. Des victimes de la guerre qui ne font pas de bruit dans les journaux, d’innocentes victimes qui sont plus chanceuses que d’autres mais qui doivent traverser de sacrés traumatismes. Des personnes, tout comme nous, qui se retrouvent dans des situations extrêmement difficiles. Des gens qui font tomber les préjugés par leur simplicité et leur humanité. Shagol et Anouar ont la fin de trentaine. Musulmans, ils vivent leur religion sans en imposer aux autres. Elle ne porte pas de voile, il boit une bière sous la canicule, ils ne mangent pas de porc. Parents de deux enfants: Apo, petit garçon de dix ans et Ana, petite fille de six. Apo semble solide comme un rock mais Ana n’est pas en bonne santé. Elle est la raison qui fit chavirer le coeur de ma mère et accepter la complexe tâche d’assimilation de cette famille venue d’ailleurs. Ana a un problème de reins qui la fait gonfler,une condition qui fait qu'elle n’absorbe pas les protéines. Un truc néphrétique pas sympathique. Elle était soignée à Bagdad, puis sa famille a dû fuir l’Irak pour se réfugier en Syrie et de là, sa famille est entrée au Canada par le biais de voies humanitaires. Arrivés à la mi juin au Canada, ils ont été mis entre les mains efficaces de ma mère qui leur a trouvé un logement et qui les aide à passer toutes les étapes nécessaires pour s’installer un quotidien à Québec. La communication est complexe puisque Anouar (le mari) ne parle que l’anglais (pas ma mère) et que Chagol ne parle qu’irakien, quant aux enfants ils ne causent que leur langue maternelle. Mon beau-père parle anglais couramment ainsi que ma pomme. Le reste est un joyeux charabia.

Un mois après leur arrivée, la maladie d’Ana est repartie pour un tour de force et l’enfant a dû être hospitalisée. Ma mère étant au front puisque que c’est elle qui connaît le fonctionnement social et qui les soutient dans chaque étape de leur intégration. Une fois à l’hôpital, les docteurs diagnostiquent qu'Ana a la tuberculose et une hépatite B en plus de son problème de reins connus. La petite Ana souffre en silence. Dans un pays étranger où elle ne comprend pas la langue, la petite se fait ausculter sous tous les angles. Son père à son chevet, dévoué comme le meilleur des papas, Ana bataille le mal qui l'afflige, elle s'accroche à ses jours qui lui glissent entre les doigts. La petite est viable mais bien mal en point. Elle doit être scrutée à la loupe. C'est une petite fille toute douce avec de grands yeux noirs qui ne demandent qu'à sourire. C'est une situation difficile pour sa maman. Une maman qui se retrouve parachutée sur un autre continent sans possibilité de communiquer verbalement. L’angoisse de Chagol transperce le voile de sa langue, elle se diffuse dans ses yeux, dans ses larmes.

Avec dignité Chagol accuse les épreuves. Elle me touche de l'intérieur. Ce matin, en allant chercher le biberon oublié, je tombe en plein dans la marmite d’inquiétudes. Ana est de nouveau gonflée, difficile pour les parents de comprendre la complexité de ses traitements. Ma mère discute avec la docteure, l’enfant malade est comme une petite brindille que l’on s’affaire à réparer. Mon cœur se renverse. Les larmes de Chagol me pénètrent le cœur et son émotion, durant quelques secondes, devient mienne. Mon esprit peine avec elle. Que de souffrances dans le coeur de cette femme : son pays est détruit, elle a perdu sa maison, son identité sociale, ses repères, elle doit tout reconstruire et soutenir sa petite fille sérieusement malade. Une situation douloureuse que personne n'aimerait vivre. Une situation qui pourrait nous arriver en d'autres circonstances. La haine est stupide. La guerre est une idiotie. Quand arriverons-nous à être assez intelligents pour régler les conflits sans se faire souffrir inutilement?

Je pense qu’Ana a toutes les chances de s’en sortir. Le Québec l’a pris sous son aile protectrice et j’ai confiance en ses chances de survies. Elle est presque sauvée. Elle pourra grandir dans une société "féministe", elle pourra étudier et sera libre de son destin. Cela dit je crois aussi au pouvoir des pensées bienveillantes et j’encourage quiconque lira ces lignes à envoyer une pensée d’espoir, une pensée positive à cette maman souffrante qui se bat courageusement pour son enfant….

La première fois que je les ai rencontrés, j’ai pu mettre des sentiments vivants sur ce traumatisme qu’ils traversent au présent, je me suis demandée comment je pourrais être aussi forts qu’eux en de pareilles circonstances. Comment pourrais-je survivre si je perdais tout ce que je possédais et me retrouvait ainsi transbahutée en un monde étranger. Comment émotionnellement je survivrai à la guerre, à la fuite, au camp de réfugiés et à toutes ses épreuves qu’ils ont dû traverser pour arriver là, dans l’arrière cour tranquille de ma mère. Sur le coup, ma réaction première fut de me dire : « Ah ! Non je ne survivrai pas, je me décomposerai, je m’effondrerai ! » et puis je regarde jouer les enfants et je réalise que non, je n’en mourrai pas et même si je m’effondrerai certainement, je me relèverai par amour pour ma fille. Par amour de ma famille. Pour ma fille, je serai forte aussi, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour survivre et me sortir de la mouise. Ils ont la chance d’être ensemble, leur richesse est leurs enfants. Ils semblent unis, aimants, ils sont parents envers et contre tout. Je les trouve tellement magnifiques d’humanité que je leur offre mon amitié sur le champ.

Ce matin, les larmes de Chagol me bouleversent. J’essaie de la consoler mais sa douleur est si profonde que je peux quasiment rien y faire. Je ne peux que respecter sa peine. Et ne pas oublier combien je suis chanceuse de vivre une existence si paisible. Remercier le ciel de ses bontés envers les miens. Ne pas être ingrate et superficielle. Réaliser mes privilèges. Accepter les obstacles du quotidien. Serrer mon brin de fille contre mon coeur. Être patiente et tolérante. Aimer…

mardi, août 05, 2008

Notes linguistiques acadiennes

Notes linguistiques rapportées d'Acadie

En Acadie, c’est en conversant avec les gens que j’ai étudié de mon oreille ouverte les variations de leur français. J’en ai retiré deux petites notes que je dépose en mon Bescherelle interne (celui qui n’est pas officiel mais que je forme de mes expériences personnelles). Ainsi j’ai vite remarqué cette utilisation ci (exemple):

- Cinq ans passés, je suis allé au Québec…

Huit ans passés, deux ans passés, une façon de dire récurrente, qui m’a la première fois interloquée, pour ensuite me charmer. Après tout ne dit-on pas couramment l’an passé, la semaine passée, l’été passé. C'est une forme de langage qui ne nous choque pas. C'est d'ailleurs mon homme qui me fait remarquer ce point lorsque j'en discute avec lui. Ainsi je soupçonne qu’associer le chiffre des années au passé a dû s'effacer dans le temps mais que c’est une tournure de langue ancestrale qui est restée bien vivante en Acadie…

Aussi j’ai rencontré quelques dames qui gardaient des enfants et toujours le même terme revenait pour décrire leur occupation. Elles ne gardaient pas l’enfant, elle le « soignaient ». Le verbe garder était remplacé par soigner pour désigner l’action de s’occuper d’un petit en l’absence de ses parents. Une façon de penser et de verbaliser la chose que j’ai encore trouvé charmante. Vraiment ces Acadiens m’ont effleuré la langue et percuté le coeur…

Mariage pluvieux, mariage heureux (et nuit blanche de circonstance)…

Mariage pluvieux, mariage heureux (et nuit blanche de circonstance)…

Cette fin de semaine nos avons quitté le cocon de notre exil doré pour nous rendre au mariage de nos amis Dee et Phil à Tadoussac. Mon ado de sœur était de la partie et nous avons pris la route sous un soupçon de ciel bleu. La réception se tenait au Grand Hôtel de Tadoue et « l’after party » à l’auberge de jeunesse. Du coup, la plupart de ceux qui comptaient faire l’après party avaient pris résidence à l’auberge de jeunesse. Une trentaine d’invités y établirent donc quartier. Nous étions en terrain connu.

Pour nous qui n’avons pas encore pu rentrer en nos pénates après 3 semaines en vadrouille, l’auberge de jeunesse était un méchant contraste avec notre chambre spacieuse en cette auberge luxueuse (à l’ambiance feutrée) cachée en la seule baie de ce lac que je chéris. Je vis les yeux dans ce lac qui me nourrit le cœur et l’esprit. Même si j’habite à un petit vol d’oiseau de là, ma maison est à l’orée du bois et je ne possède pas cette vue là pour me noyer le quotidien. Si je veux voir le lac, je dois me déplacer un peu, me rapprocher. J’ai « mes spots secrets » je ne suis pas en reste. Mais à l’hôtel, la vue est comme une compagne du jour. J’ai juste besoin de lever la tête pour la regarder.

À Tadoue, l’auberge de jeunesse est une bulle d’anarchie à l’atmosphère hippie, des gens de tous horizons s'y retrouvent. Pour ma pomme qui aime les contrastes d’humanité, l’expérience est stimulante. Je connais l’auberge de jeunesse pour l’avoir arpentée durant nos escapades au Festival de la Chanson. Je n’y ai dormi qu’une fois, il y a de cela plusieurs années (habituellement le Festival rime avec camping mais une fois n’est pas coutume). Arrivés en notre chambre, je me prends en pleine face ce contraste, une différence que j’absorbe de plein fouet. Autant j’apprécie l’ambiance bon enfant, autant je ne suis pas fan des matelas de l’endroit. Plus « chochote » que snob je suis. Nous installons le lit de l’enfant. Mon ado de Clo grommelle comme il est de bon ton de faire à quinze ans. Elle installe sa couette sans enthousiasme. Je réprime mes aversions à la vue des cheveux oubliés sur l’oreiller. Je ne désire point traumatiser ma troupe ! Juan s’en fout, c’est un homme, il ne rechigne pas devant mes obstacles de princesse au petit pois. J’envisage l’option de ne pas me coucher, après tout on est là pour faire la fête pas pour dormir ! Cela me rassure. Nous retrouvons les copains de longue date, Gab et Julie ont la chambre à coté de la nôtre, ils ont laissé leur petite Anouk chez une cousine (depuis neuf mois, c’est la première fois qu’ils se séparent de la petite). L’on est content de se retrouver pour une si belle occasion. Quant à M’zelle Soleil, elle est toujours prête à savourer de nouvelles expériences et cette histoire de mariage la travaille depuis des semaines.

Dee et Philou à Tadoue
Au fil du temps. Mosaïque Dee et Philou à Tadoue

Nous arrivons au Grand Hôtel où tout le monde est sur son trente et un. Cent cinquante invités, la famille du marié est gigantesque, celle de la mariée, d’origine française est en petit comité. Les amis font légion, l’on en connaît beaucoup, facilement nous nous fondons dans la foule tout en sirotant un cocktail. M’zelle Soleil se lèche les babines en repérant les serveurs et leurs plateaux d’hors d’œuvre. Finalement arrive la mariée. Dee est superbe, évanescente en sa robe de tulle. Devant la foule qui se recueille, les mariés échangent leurs vœux. C’est touchant, l’émotion s’échappe et se diffuse parmi les personnes présentes. M’zelle Soleil est en charge de donner les alliances. Elle effectue sa tache avec autant d’aisance que d’innocence.

Pour la suite, un envol de papillons est prévu sur le balcon de l’hôtel qui offre une vue imprenable sur le fleuve. Il ne pleut pas mais le soleil se cache malicieusement sous un ciel de nacre. Au loin, l’horizon du fleuve se teinte d’une couleur argentée presque iridescente. Les filles se retrouvent sur ce balcon qui surplombe le reste des invités. L’on ouvre les boites, l’on fait des vœux. Malheureusement les papillons endormis n’ont pas trouvé assez de rayons de soleil pour se réchauffer les ailes, ils ont un peu de mal à s’envoler. Ils s’accrochent à l’épaule de la mariée, c’est une jolie image que plusieurs appareils captent de leur objectif. Heureusement il ne pleut pas durant ce temps là même si un petit vent frisquet nous fit vite rentrer en la salle de réception où nous attendent nos tables décorées avec goût. Durant la réception je discute avec la conjointe d'un ami du marié lorsque je vois ma clo de sœur me faire des signes. Je ne comprends pas le point qu'elle essaie de me montrer et puis elle me dit:

- La robe!

Et je percute. La fille avec qui je discute à la même robe que moi, pareille. Ah ben! Et dire que j'avais même pas remarqué! Comme elle est aussi gentille que mignonne, cela me fait plaisir que nous ayons les mêmes gouts! Elle est quand même un peu dépitée et je suis plutôt amusée, l'on en rigole de bon coeur. Vient le temps de s'assoir pour manger. J’apprécie la douceur de Perry la sœur de Dee, j’ai apprécié rencontrer son aimé. À notre table, la sœur de la mariée et son copain fraîchement débarqués de France, Gab et Julie nos fidèles compères, mon homme et notre puce de fillette heureuse comme pas deux.

M’zelle Soleil adore Dee. Elle n’en finit pas de regarder la mariée avec des yeux conquis, de papouiller sa robe fluide, de faire des sourires. Elle me dit « Dee elle é belle comme un cœur maman ». Oui, c’est vrai, elle est féerique aujourd’hui mon amie. La tradition veut que lorsque l’on fait tinter la vaisselle, les mariés s’embrassent, du coup, la vaisselle n’en finit plus de tintinnabuler et les mariés de se bécotter. À chaque fois que cela recommence, M’zelle Soleil écarquille ses grands yeux et dès que les mariés s’embrassent, elle fond comme une crème glacée sur le plancher, c’était royalement adorable. Le repas riche en conversations diverses est aussi sympathique que délicieux. Sur le coup de onze heures, des musiciens viennent nous entraîner pour la fin de soirée en l’auberge plus haut sur la colline. Nous rattroupons notre brin de fille, mon ado de soeur et nous filons dans l’action. Une fois sur place, la fête est déjà bien commencée. M’zelle Soleil, bien fatiguée, commence à somnoler sur l’épaule de son père (même si elle aimerait bien rester éveillée). Les musiciens sont bons, l’ambiance festive est à son meilleur. Sur le coup de minuit il nous faut coucher l’enfant. Nous montons la déposer dans son lit de voyage coincé entre deux lits rudimentaires. M’zelle Soleil n’est guère satisfaite d’être ainsi écartée de la fête. Après quelques chansons douces de son père, le tout enrobé d’une bonne dose de volonté parentale, elle finit par capituler.

Passé minuit l’enfant ronfle doucement et nous commençons nos tours de garde. Clo qui a récolté quelques regards salaces (c’est fou comment y’a toujours un « mâle famé » pour renifler la chair fraîche de jeune fille) ne me lâche pas d’une semelle. Je la protège avec affection. Quiconque oserait s’approcher de ma petite soeur avec de mauvaises intentions ne ferait pas long feu ! Elle finit par choisir la tranquillité (théorique) de la chambre puisque la fête traverse le plancher et se déverse dans les couloirs de l’étage en petits foyers de bavardages. Avec Juan, nous « dealons » les chansons. « Ok, je descends pour cinq et quand je reviens t’y vas pour cinq ! ». Pas question de laisser une minute ma fillette sans supervision de son sommeil profond ! Clo est en mode texto sur son lit. Mon ado de sœur a un petit copain, c’est l’amour adolescent. Le deejay qui a remplacé les musiciens est excellent. Julie, qui commence à somnoler accepte de se reposer en notre chambre, elle adhère ainsi à notre équipe de garde, elle m’octroie deux chansons pour que je puisse rejoindre mon homme le temps d’une danse amoureuse sur Mano Solo. C’est divin. Comme une bulle d’air dans un univers de maman-papa. L’espace de quelques minutes, le temps s’efface et nous voilà vibrants comme à nos premiers émois ! Durant mes espaces de liberté je danse comme je ne l’ai pas fait depuis des années. Le deejay est vraiment bon ! Enfin au bout de cinq chansons, je suis en sueur et mon entorse m’engueule douloureusement ! Alors je calme mes ardeurs et me ballade joyeusement.

Pendant ce temps qui file la nuit, nous avons créé notre petit party de chambre dans la pénombre de l’enfant qui ronfle. Mon ado de sœur grommelle, tout va bien, Gab et Julie accompagnent nos devoirs parentaux en pensant à leur petit bout qui découche à Chicoutimi et en profitant de leur liberté nocturne. Je fais des allers retours de haut en bas, j’attrape ma mariée au vol, l’on se balade dans la fête, je retrouve toutes sortes de faces connues, elle s’éclipse, je couraille de bas en haut, je papote, je m’amuse. C’est décidé, je ferai nuit blanche, cela sera bien plus facile que d’affronter le matelas qui ne m’inspire absolument pas ! Je me fonds dans la faune sans difficulté aucune. Sur le coup de trois heures du matin, nous nous retrouvons avec nos compères de palier sur le coin de notre porte. Par la magie de la nuit, nous empruntons des chemins de discussions philosophiques qui nous entraînent dans la question suivante : Est-ce que l’être humain peut atteindre un état de non jugement, un état d’abstention complète de jugements sans défi ? Julie et ma pomme sommes convaincus de ce fait, Gab est plus sceptique, Juan oscille. Nous creusons le sujet avec passion. Personnellement j’ai pour théorie qu’il est possible de comprendre sans juger et que c’est là que s’effectue le début du travail. Clo s’est endormie et nous discutons à bâtons rompus mais sans effusion. Nous voyons tomber comme des mouches les invités bien imbibés.

Arrive quatre heures du mat, il ne reste plus que les incorrigibles de la fête. La pluie est de la partie mais c’est à peine si l’on s’en rend compte. C’est l’heure des croissants et du jour qui se lève sous un voile gris. Les mariés finissent par retrouver le chemin de leur hôtel quatre étoiles. Juan, Gab et Julie vont se coucher. Il ne reste plus que quelques incorruptibles au séjour de l’auberge et ma pomme bien décidée à ne pas se coucher. Je sais que je vais enterrer le party, cela m’amuse, voilà longtemps que je n’avais pas fait telle nuit blanche. Le secret est de consommer avec modération et d’avoir un matelas inhospitalier pour garder une ferme volonté de ne pas dormir. Je tairai les frasques du frère de la mariée, bien imbibé et trop belliqueux pour l’ambiance de la place, seul bémol de la soirée. Disons que celui ci a eu bien de la chance que j’adore sa sœur et que je sois plus bouddhiste que guerrière ! Je le croise lorsque je descend au séjour. Dans le dernier groupuscule de la fête qui s'achève, il y a l’un des triplés. Un vrai triplé conçu par la nature, l’une de ces exceptions humaines. Avant de tomber de fatigue, il nous conte la surprise de son père lorsque lors de l’accouchement il avait vu sortir trois fils identiques au lieu d'un! Aussi drôle que sensationnel. Une bien bonne histoire pour accueillir l’aube grise…

À presque cinq heures du matin, tout le monde est tombé, il ne reste plus que moi et Naveen qui ne semble pas plus chaud que moi à l’idée de dormir. Nous voilà donc embarqués sur une riche discussion qui nous fait creuser notre humanité et partager quelques confessions dans le silence du jour levant. Il est cool ce garçon, je le connaissais plus de vue que d’esprit avant que nous nous devenions « amis de l’aube », il est entré dans mon cœur à mesure que le jour s’est levé. Et il finit par tomber lui aussi ! Voilà j’ai officiellement enterré la fête du mariage. Je suis la seule survivante de la noce. Il est six heures et quart du matin et des trombes d’eau arrosent Tadoussac. Dehors c’est le déluge. Je suis heureuse d’avoir un toit sur la tête et je plains ceux qui sont sous la tente. D’ailleurs voilà une âme en peine qui se fraie un chemin sous la pluie torrentielle. Il entre et je l’observe sans mot dire. C’est un homme dans la cinquantaine. Il va se chercher un café. Je l’observe sans bouger. Au bout de dix minutes, je décide d’aller voir où sont cachés les cafés. Je lui demande :

- Y’a tu du sucre et du lait
- Non c’est juste du café noir !
- Oh ! Je crois que je vais plutôt me rabattre sur la caféine à bulles alors !
- La caféine à bulles ?

Pendant que flotte sa question dans l’air humide qui nous entoure je me dirige vers la distributrice de sodas et fait tomber un Coke Diet. L’homme rigole. Il a un petit accent provençal qui m’intrigue. Je ne résiste pas à l’envie d’aller à la pêche à l’humain. Faut bien que je me garde l'esprit occupé en cet espace temps qui respire les rêves d’autrui. J’apprends rapidement qu’il vient de Provence, qu’il est une sorte de routard SDF, jusqu’à là ça va. Il veut aller à Saint Pierre et Miquelon faire refaire son passeport qu’on lui aurait volé il y a quelques jours. En attendant il fait l’homme à tout faire à l'auberge, il dort dans un hamac sous les bois. Je flaire une légère odeur de trouble. J’accroche cependant si bien mon hameçon que je commence à ramener le poisson dans mes filets de curiosités. Il s’ouvre rapidement et commence à se confier : « En fait, j’ai eu des problèmes en France en 89, tout a commencé là, lorsque j’ai osé devenir président de la République ! » Oh ! Voilà que cela se corse je me dis tout haut dans ma tête. Le poisson en question est plus endommagé que je ne l’avais envisagé. Subtilement je commence à détacher mes filets tandis qu’il s’enfonce dans les explications de sa psychose. Il me raconte les services secrets à ses trousses et tout le tralala. J’obtempère avec prudence avant de lâcher le poisson libre tout en prétextant une envie urgente qui me fait remonter à l’étage. À l’étage tout le monde dort. Je trouve un petit balcon d’où regarder la pluie tomber. Je regarde les puissantes trombes d’eau fouetter la montagne et le village. Une quinzaine de minutes passent avant que je ne redescende voir ce qui se trame en bas. Quelques âmes ronflent sur les divans, « l’ancien président en cavale » me fait un sourire tandis que je garde une distance soigneusement étudiée. Descend une jeune black qui va consulter ses courriels sur Internet, il est presque sept heures. Sur la table à coté de ma chaise une brique de livre est posée. Je me lève pour en lire la couverture. La fille me dit :

- Oh ! C’est vraiment bon, tu peux le consulter si tu veux.
- Merci, est-ce que tu as étudié les enseignements de Voltaire ?
- Non mais je suis très cérébrale et je m’intéresse à plein de choses. En fait ce livre décrit de manière intellectuelle qu’il n’y a pas que l’intellect dans la vie mais qu’il faut aussi compter sur le cœur…

La fille est bien cool, s’en suit une super conversation sur les questions de sociétés et ses absurdités, les valeurs multiples, une discussion qui traite aussi des différences humaines et qui contribue à me tenir éveillée. Je la laisse faire ses affaires tandis que je file m’installer un coup sur la terrasse, histoire de humer l’air matinal incroyablement frais et mouillé. Arrive un papa aux cheveux longs et une petite fille d’à peu prés l’age de la mienne. Mon sang de maman ne fait qu’un tour et me pousse à me rapprocher. Il ne faut guère plus pour que s’engage une conversation amicale. La petite fille est mignonne, elle me parle de ses désirs d’école, j’embarque dans la conversation sous les yeux confits de tendresse de son père. J'ai la chance de parler couramment le langage des enfants, je trouve que ce sont les plus jolis esprits avec qui échanger. C'est alors que par le plus merveilleux des hasards passe devant nous un homme charmant qui se révèle être maquilleur pour enfants ! Oh ! J’accroche mon trophée de maman. M’zelle Soleil a rêvé tout l’hiver de se faire maquiller comme dans le vidéo du spectacle de Carmen Campagne ! Je vais ce matin lui faire la surprise du siècle !

- Oh ! Super, ma petite fille dort encore, elle adorerait se faire maquiller, je peux prendre contrat ?

L’homme charmant s’illumine et du coup, le papa l’engage aussi pour maquiller son bout de fille qui pétille sur sa chaise. La fillette rayonne de plaisir sous la pluie. Le maquilleur me dit :

- Ah bien, alors on va dessiner deux soleils pour deux petites filles qui vont nous éclairer le ciel.

Je réponds

- Oui et de leurs ondes enfantines, elles vont attraper des rayons de lumière qui chasseront la pluie.

Avec le papa, l’on parle un peu de maternelle et d’éducation mais surtout de la magie qui irradie des tous petits. Il a sa femme et un petit bébé qui dorment à l’étage. Il est sympa comme tout. Je rentre voir où en est le sommeil de ma petite famille. Naveen qui vient de se réveiller m’accroche au passage :

- Dis tu parlais au gars avec les cheveux longs ?
- Ouais il a une petite fille toute cute
- Il t’a pas parlé politique ?
- Heu non pourquoi ?
- Ben ça d’lair que c’est un militant connu de Limoilou, de l’un de ceux qui ont été actifs au Sommet des Amériques, c’est un communiste convaincu.
- Ah ! Ben, j’sais pas, tsé on a juste parlé de trucs de petites filles, pis y’était super normal.

Naveen semble rassuré, je file à l’étage. Tout le monde dort encore à poings fermés, je redescends. L’odeur des crêpes se répand. Il y a un air de commune palpable, la cuisine est ouverte à tout en chacun qui veut se faire une crêpe. Je m’installe à une table libre. Une jeune fille installée à coté de moi me sourit. Une conversation s’engage. J’apprends que c’est une anglaise qui fait du tourisme, elle ne vit plus en Angleterre mais à Paris où elle étudie. Plus gentille que jolie, elle possède un certain charme que je goûte comme la crêpe qu’elle déguste. Passe Naveen qui me demande

- Tu veux une crêpe ?
- Ben ouais, okay, merci…

Je continue de discuter avec l’anglaise, arrive une jeune fille qui s’installe prés de nous. Une jeune française qui ne tarde pas à se joindre à la conversation. Elle doit avoir un petit début de vingtaine et une assurance presque masculine. Elle étudie en foresterie à l’université, c’est la seule française de son département. Elle apprend que je suis hybride culturelle, pas vraiment française, pas tout à fait québécoise. Elle n’entend guère les accents de mon origine, elle a du mal à dépasser mon présent d’adoptée, elle peine à comprendre que nous avons les mêmes racines et puis soudainement elle s’ouvre :

- Non mais toi qu’est là depuis hyper longtemps, tu trouves pas les québécois un peu moutons ???

Même si je connais très bien l’angle de conversation qu’elle exprime, je n’aime pas le jugement gratuit qui s’en dégage.

- Heu non, pas vraiment…
- Mais quand même, ils sont hypermoutons moi je trouve..
- Ah tu trouves…

Elle se tourne vers l’anglaise qui boit chacun de nos mots pour lui expliquer :

- Nan mais tu vois, c’est comme quand il attendent le bus, tous l’un derrière l’autre, à la queue leu leu, c’est un peu débile…

Je reprends le fil de la conversation, je fais attention à mon ton, nous allons bientôt entrer en terrain miné mais à huit heures et demi du matin, c’est plus rigolo que dangereux. Je réponds :

- Mais c’est une question de civisme…

Elle me relance :

- Non, mais avoue y sont quand même hyper moutons, tu trouves pas ?
- Ben non, en fait je peux trouver le français autant mouton !
- Non mais là tu pousses…
- Ben non, je peux le trouver hypermouton mentalement, c’est juste un angle différent, les cultures et les contextes, ça change les choses. Les jugements de valeurs c’est très subjectif. Je trouve que le français même si réactionnaire peut être pas mal plus mouton de l'intérieur. Le québécois intérieurement il est vachement plus libre...

Et là à ma grande surprise, l’anglaise qui habite à Paris s’implique dans la conversation pour valider mon point de vue de son expérience personnelle. La jeune française en reste bouche bée. Elle arrive quand même à me sortir : « Mais quand même ils sont naïfs les québécois, tu trouves pas ? ». Je retiens ma verve juste assez pour exprimer mon désaccord sans essayer de la froisser, je retiens ma verve qui pourrait devenir acide si je lui expliquais comment, du haut de mes 35 ans, je la trouve bien naïve la petite fille, comment je pense que la vie a encore bien des choses à lui apprendre. Mais je me tais et préfère rester civile, (c’est le privilège de ma maturité et peut-être aussi de ma québecité.) Naveen arrive avec ma crêpe. Je passe à un autre sujet. Descend Gab qui me dit qu’ils sont sur leur départ. Croise le maquilleur qui attend gentiment le tour de ma fille. Arrive une dame très sympathique, parisienne d’origine bretonne, qui s’assoit à la table des jeunes filles (et qui se révèle être la maman de la jeune fille aux opinions très marqués) ainsi qu’une autre madame bien québécoise qui s’assoit à la table où nous sommes installés avec Naveen. La conversation tangue et roule, nous sommes embarqués sur un bateau verbal en pleine croisière humaine. Nous sommes entraînés en une conversation vivante qui se joue à plusieurs voix. Le concept de l’’être hybride revient entre Naveen (qui est moitié français, moitié hindou, québécois de naissance) et ma pomme qui commence à trouver difficile de réfléchir clairement. Je force ma cervelle et repart pour un tour. L’on parle d’Ingrid Bétancourt, du malade qui a décapité un garçon dans le bus au Manitoba. Les conversations sont amicales et souvent approfondies. L’ambiance est excellente. Tous ceux que je rencontre me vantent les talents du Deejay de la veille. Les conversations vont bon train lorsque je décide d’aller voir où en est ma famille endormie.

Dans la chambre, se réveille M’zelle Soleil. Clo et Juan dorment encore. Je dis à mon brin de fille :

- Tsé quoi, en bas, j’ai trouvé un maquilleur pour toi.
- Oh ! Un mquilleur ! pou moi ?

L’expression de son visage comblé me touche si profondément que j’en ai la chair de poule. Je la prends dans mes bras. Elle est encore toute chiffonnée de sommeil mais l’idée de se faire maquiller comme elle en a rêvé tout l’hiver fait pétiller ses beaux yeux. Je la croquerai de tendresse gourmande si je le pouvais. Le maquilleur est un magicien d’enfance, il entoure mon petit bout de douceur. Très sérieuse M’zelle Soleil ne bouge pas d’un poil pendant que celui-ci transforme son visage bambin en un soleil multicolore. Ma fille irradie de contentement, ses yeux brillent de bonheur, tout son visage rayonne. Mon cœur bouillonne. C’est pour elle une incroyable façon de commencer sa journée et pour moi une fascinante façon de terminer ma nuit blanche, il est neuf heures et demi du matin dans une grosse heure nous serons partis…

samedi, août 02, 2008

Zeste ensoleillé

Zeste d'enfance ensoleillée

Lily à Caraquet

Au camping à Caraquet, malgré une tente spacieuse, le confort était aussi minime que la vue était sublime. Tout d'abord perplexe, l'enfant se demande ce qu'on est en train de lui inventer. Une fois le concept assimilé, M'zelle Soleil fidèle à elle même fuit l'heure du coucher en quelques rigolades bien pensées. Après nous avoir fait courir à droite et à gauche, vient le temps des questions qui se déroulent à l'infini. Encore plus qu'à l'habitude, il est nécessaire de régulièrement expliquer le pourquoi du comment (et de répéter encore et toujours les mêmes rengaines).

- Maman pourpoi on dort dans la tente?
- Parce-qu'on est en camping.
- Mais pourpoi on est en camping?
- Parce-que c'est une expérience.
- Pourpoi c'est un espairence?
- Parce-qu'on est en vacances.
- Pourpoi on est en vacances?
- Parce-que papa va pas au bureau.
- Pourpoi papa va pas au bureau?
- .... parce-que c'est les vacances....
- Mais pou...
- Allez zou au lit...
- Mais maman quand que on va rencrer à la maison?
- Quand les travaux seront finis...
- Pourpoi y'a des cravaux dans ma maison...
- Liloo, zou, au lit, j'te dis...
- Mais maman pourpoi y'a pas d'écricité dans la tente?

vendredi, août 01, 2008

En exil doré

En exil doré

- Moi z’ai kinze ans !

Une semaine en exil dans un quatre étoiles de l’autre coté du lac et M’zelle Soleil prend le large. Elle rencontre un petit Étienne à la porte voisine et décide d’un coup de se faire passer pour une ado. Quand la maman lui demande quel est son âge, elle répond le plus sérieusement du monde :

- Moi z’ai kinze ans !

Ben oui, ma puce qui rêve en couleurs ! Je souris malgré moi. La maman est morte de rire. Je la comprends! Du coup le petit homme de cinq ans déclare qu’il en a vingt-cinq ! Évidement. Depuis deux jours, la voilà donc qui a décidé qu’elle avait quinze ans et de me dire :

- Oui maman, moi ze suis crande, z’ai kinze ans !

Bien-sur ma puce, t’as le droit d’y croire un peu si cela t’amuse ! D’ailleurs ne dit-on pas que le « Terrible two » est l’équivalent de la crise d’ado version petite enfance ? Ceci explique peut-être cela..

Depuis cet après-midi, elle a cependant réajusté le tir, M'zelle Soleil a maintenant cinq ans, comme par hasard l’âge réel du petit Etienne qui la regarde avec des yeux de merlans frits. Sa mère est aussi tombée sous le charme de mon petit spécimen de fille. Les enfants se sont rencontrés pour la première fois à la piscine où M’zelle Soleil pratique le saut avec brio et enthousiasme. Le petit Etienne plus peureux que mon spécimen n’ose point se lancer ainsi dans l’eau. Sa mère qui adore la bravoure de ma fille se prend d’amitié pour ma pomme et je m’ouvre à ses sourires pour quelques sympathiques jasettes.

La piscine, lieu de prédilection de M'zelle Soleil (deux ans et demi) qui ne voit que cette facette de notre exil forcé. Un exil doré il faut bien l’admettre ! Comme le temps est pourri et que la piscine est intérieure, nous y passons la majeure partie de nos temps libres. Du coup, je me tape des heures à l’eau et je suis chlorée à l’os. Je ne dois surtout pas l'aider à quoi que ce soit mais je ne dois pas trop m'éloigner non plus! Au bout de trois jours, je suis rendue à me faire des séances d’aqua-forme pour me tenir occupée (mon entorse encore présente supporte plutôt bien ce traitement). Je fais du jogging sur place, avec quelques vagues, au milieu de la fracassée de gamins qui s’éclatent et des parents qui font tourner la sauce. Je m’amuse de l’air ultra stoïque de la fille qui surveille la piscine. Elle est à moitié statue et somnole parfois au coin de sa table. Je regarde passer les touristes, légèrement blasée de mon sort. Je regarde jouer les papas et je manque mon homme de retour au bureau. Je suis dans ma routine maternelle à l’hôtel. Je ne suis pas vraiment en vacances, j’ai juste changé de décor, perdu en espace personnel, gagné en service domestique. J’apprécie la vue sur ce lac que je chéris. Je me fous de la pluie, du temps gris et des averses. Je ne suis pas en vacances, je suis en exil dans une jolie cage. Je sais que je suis la seule à ne pas avoir les moyens de rester aussi longtemps en un tel endroit. Mais le ciel, en nous mettant dans les bras d'une assurance bienveillante, a décidé de soulager les désagréments de ma maison en chantier pour me faire résider en ce lieu confortable sans que nous ayons à débourser un sou. Au bout d’une semaine, je commence à faire un peu partie du décor. Je suis en marge, comme d’hab, rien de nouveau sous mes tropiques. C’est une expérience intéressante, pas déplaisante du tout, juste étonnante. Je me lève avec les yeux dans le lac et j'adore ça! Malheureusement cet endroit niché en un complexe eco-touristique n’est pas vraiment idéal pour les moins de cinq ans. Même pas une seule glissade ou balançoire sur tout le domaine. Lorsque je m'enquiers de ce fait à la réception, j’apprends que je ne suis pas la seule à m’en plaindre. Toutes sortes d’activités sont offertes pour les enfants de cinq ans et plus mais pour les petits, c’est le désert. Alors, entre deux tours d'ascenseur, l’on se rabat sur la piscine….

Aujourd’hui pourtant, le bonbon se dessine sous la forme d’un papa canon. Je l’observe du coin de l’œil. Papa d’une adorable petite blonde âgée d’une année, il barbote dans l’eau et soudainement éclaire mon paysage. Sa femme n’est vraiment pas une beauté fatale mais lui est comme un jeune Thierry Lhermite, charmant sous tous les angles, un regard limpide et un sourire à faire défaillir! En plus, avec ses petites fesses rebondies, il n'a même pas l'air de se la péter, ce qui est encore plus sexy! Je manque de pouffer des bulles lorsque je vois la surveillante, dans la jeune vingtaine, se lever de son socle pour aller lui parler. Depuis une semaine que je fréquente la place je ne l’ai pas vu bouger d’un poil. Mais la voilà qui, d’un coup, se lève pour aller papoter avec le jeune papa. Ben dis don’ y’a pas que moi qui a remarqué le bonbon du jour ! Je reprends ma poule d’eau sous mon aile et retourne à ma chambre pour le retour de mon homme.

Une fois à table, je lui dis que ma seule attraction du jour fut un papa canon. À peine ai-je parlé du phénomène que le voilà qui se pointe avec femme et enfant pour s’installer à la table d’à coté ! Avec mon phénomène de fille impossible de ne pas se faire remarquer surtout lorsque par inattention elle envoie valser son verre qui se fracasse par terre. Sourire du papa canon en ma direction. Ah bien merci ma fille ! C'est qu'il cartonne le beau mâle! Juan, confiant de ses charmes, rit de ma pomme qui s’émoustille ! Évidement l’on finira par papoter avec le couple et sa progéniture, une petite fille aussi craquante que la mienne…