En mai, trouves la paix (et la guérison)...
Je cours après ce billet depuis le lundi de Pâques où j'ai pris ce panorama ci dessus. Ce soir là, l'hiver était encore bien présent. C'était l'un de ces moments précis où l'on se dit qu'il n'en finira plus. Où la sensation de l'interminable hiver est la plus forte, la plus aiguisée, la plus sensible.
Elle a une impression de fond de puits frisquet, une sensation de grotte souterraine où l'hiver fait fleurir des stalagmites. Ce soir là, j'ai vu marcher des gens sur le lac. C'était le 25 avril et il devait faire moins cinq dans le vent. Cependant, les couleurs du soleil couchant laissaient présager un futur plus chaleureux que ne le furent les derniers mois.
Et puis avec cette dernière semaine d'avril qui déroule ses jours de plus en plus longs, une commande me presse les neurones. De ces commandes dont les délais sont si serrés que c'est un peu comme entrer dans un corset mental! Et pendant que les jours passent, je m'applique à guérir toujours un petit peu plus...
Arrive la pluie et d'un coup le temps se renverse. Quelques brins de soleil nous font du bien à l'âme. Notre puce de maison en profite pour écarteler
les petons entre quelques rayons. Au premier mai, l'homme
s'amuse à marcher sur la glace fondante. Le lac se libère. L'on s'éveille les idées encroutées d'hiver. Des vagues de brume enrobe l'atmosphère qui dégèle. Je bataille pour retrouver ma santé. Pour retrouver ma peau en paix.
En quelques jours, le mètre de neige qui fait de l'hiver un mont sur la pelouse a entièrement fondu! Je souris aux quatre vents tandis que les oiseaux gazouillent. Une semaine après la dernière tempête hivernale, je vois enfin la texture de la pelouse, toute recroquevillée sur elle-même...
Je continue de passer le temps jour après jour. Les jours passent et me guérissent. Millimètre par millimètre mon nerf facial se régénère. Je souffre. Je fatigue. Je me repose. Je travaille. J'aime. Je revis.
Les jours déroulent le temps qui nous efface et le lac se met à fondre lui aussi. Une semaine après le lundi de Pâques, l'on est ragaillardi par le processus de fonte en pleine action. L'on dés-hiberne à petit feu...
Je retourne voir le spécialiste pour ma paralysie faciale qui ne semble plus se voir de l'extérieur (yeah) mais dont je ressens encore les meurtrissures de l'intérieur (ouille). Je morfle. Je douille. Comme si j'avais eu une moitié de visage qui s'était faite tabassée durant des semaines pour être transformée en bouillie invisible.
Tandis que revient ma mobilité d'expression, je bataille les douleurs qui accompagnent cette salo... de maladie. Encore sous le choc de l'expérience vécue, j'ai l'impression de me réveiller d'un long et terrible cauchemar.
D'ici un ou deux mois, d'après le spécialiste, je serai complétement guérie. J'aurais bien appris en chemin. Et jusqu'à ce que je puisse mettre ce maudit virus dans le tiroir des souvenirs, je continue de prendre le temps de guérir.
Comme me l'explique ma kiné qui, au fil des semaines, est devenue un peu comme le vieil instructeur dans Karaté Kid, je dois prendre le temps de guérir. Régulièrement, elle me motive, elle me rassure, elle m'accompagne dans mon cheminement et elle me confie quelques graines de sagesse ce faisant. Je l'écoute. Je me laisse aller entre ses doigts. Je veux guérir. Retrouver la paix en ma face, en mon esprit, en mon cœur.
Pour cela, je suis prête à explorer les profondeurs de ma vie. Car il n'y a pas à dire, perdre la mobilité de la moitié du visage déplace (ou remet en place) toutes sortes de perspectives existentielles.
Alors que chemine ce processus de guérison, je puise en mes forces internes pour traverser l'adversité de cette déplaisante expérience. À la douleur intense du nerf meurtri s'ajoute la fatigue. La fatigue médicamenteuse. La fatigue de l'attaque virale. La fatigue du corps qui utilise un maximum d'énergie à batailler pour se remettre sur pieds. Je m'habitue à vivre avec un certain mal. Je prends patience. Je perds patience. Je travaille mes patiences. En ce début de mai, je suis fatiguée...
Pendant que l'hiver se fait la malle, je répare les ravages de ce méchant virus sur mon corps. Je ramasse mes miettes et les recolle. Pendant ce temps, à l'extérieur de ma bulle, les dernières élections mettent à bas le moral de tous mes amis.
Ces élections qui donnent une majorité aux conservateurs font frissonner tout mon entourage. J'en ressens vivement la peur. J'en comprends les raisons mais je crois aussi fermement en la résistance québécoise. Après tout le Québec, c'est un peu comme le village de Gaulois chez les Romains! Cela pullule d'Asterix en herbe!!!
Et puis, présentement, je suis un peu trop près de mon nombril pour m'en soucier vraiment. Trop occupée à guérir ma peau. Juste contente de pouvoir sourire de nouveau même si c'est douloureux. Juste soulagée de voir mon visage retrouver sa symétrie naturelle...
Enfin, je ne suis pas assez superficielle pour ne pas avoir capté l'importance de la chose. Alors cette année, pour la première fois de ma vie adulte, je suis allée voter. J'ai fait la file sans grogner. Patiente. Déterminée.
Voulant voter vert, je me suis dit que c'était comme voter blanc. J'ai partagé, écouté et questionné mon réseau numérique. Je n'ai pas été étonnée de voir plusieurs me répondre et m'encourager à bien faire. Mine de rien, cela a aiguillé mes réflexions. Et durant mes tergiversations, j'ai beaucoup réfléchi à ce droit que j'avais de voter.
Un droit qui ne m'était pas inné mais bien acquis au fil du siècle dernier par des femmes courageuses et volontaires. Par respect pour elles (et pour ma fille qui vit en ce pays de libertés gagnées) j'ai pensé qu'il était de mon devoir d'appliquer ce droit.
Dans le fond de mon sang, la politique m'agace. Je me sens apolitique (comme d'autres sont athées). Je trouve qu'il est difficile de trouver un politicien pour en racheter autre. C'est peut-être le contexte en soi qui empêche cette humanité que j'aime d'exister en ces questions là. Je ne sais pas. Mais je sais que je n'aime pas la politique. Elle me déprime. Cela dit, me voilà mûre et mature, mère. Il me faut être adulte et ne pas fuir cette responsabilité civile.
J'aurais aimé voter vert par conviction mais devant la pression, je l'admets, j'ai capitulé. J'ai participé à la vague orange qui a fait le courant visant à déloger Harper. Ma voix n'y a rien changé. Ou peut-être un peu puisque dans mon comté, le député en place a sauté. Ce qui me fit plaisir. Disons que je ne suis pas une grande fan d'André Arthur! Alors si c'était une grosse défaite au niveau du pays, c'était une petite victoire en mon coin de brousse...
Pendant ce temps tombe la pluie. La Terre se fout des histoires des hommes. Les rivières débordent et le printemps se transforme en arrosoir géant. Pendant ce temps, je guéris pour mieux retrouver les rythmes de ma plume qui s'ennuie.
Je pige, je materne et... quel est donc le verbe qui explique ce travail que l'on fait dans un couple pour le garder solide et ne pas laisser s'effriter les fondations? Il y a-t-il même un verbe pour exprimer cette action?
Alors que passent les semaines, je continue d'explorer le Web. Je deviens mobinaute pour mes besoins professionnels. J'embarque dans l'incroyable univers des applications.
"J'instagramme" avec plaisir.
Je "Tumblr" pour l'occasion. Je me repose le plus possible. Je me soucie. J'essaie de prendre le temps de guérir entre deux piges, les devoirs familiaux et les "maman ci maman ça?" d'une Miss Soleil qui grandit toujours plus joliment.
La pluie fait du temps gris une nouvelle habitude. Ceci fait penser que peut-être le ciel se soucie un peu des histoires des hommes. Il fait la gueule depuis les élections! Et pendant que les adultes "routinent", les enfants sautent à pieds joints dans les flaques d'eau...