Reconnaissances...
J'habite un endroit privilégié. Privilégié par la beauté de sa nature, privilégié par la paix qui s'en dégage. Une paix terrestre qui vaut tout l'or du monde...
L'été, il est vrai que le village (qui tient plus de la bulle de villégiature que du concept de village) est un endroit cossu sous toutes coutures. La moitié du village est composé de chalets d'été, relativement modestes, saisonniers, mais tous assez confortable pour que les propriétaires y déménagent leurs pénates le temps des beaux jours.
Un quart du village est composé de gens aisés, les chalets deviennent alors des villas à saveur nordiques. L'argent coule à flot dans cette partie là du village. C'est la partie jet-set de l'équation. Ceux-là passent l'hiver en Floride et ne vivent point comme le commun des mortels. Ils sont aussi de passage estival. Le dernier quart est composé de ceux qui y vivent à l'année. Car même si les locaux commencent à grignoter le territoire des résidences secondaires, ceux qui vivent au lac à l'année (comme nous depuis presque une décennie) sont encore une minorité...
Sur ma rue, les chalets d'été voisinent les maisons qui sont habités durant les quatre saisons. C'est une rue qui trace sa voie dans la forêt. Une rue en périphérie du centre du village, légèrement reculée, ultra calme. Comme nous habitons à la toute fin de cette rue, aucune voiture ne passe devant chez nous. D'ailleurs, l'on connait toutes les voitures de la rue! Nous sommes dix maisons habitées à l'année. Cela créée une sorte de communauté. Deux jeunes familles (dont nous), quatre couples dont deux retraités, deux veuves, un énergumène (à qui il faudrait que je dédie un billet juste pour le présenter!). Des grands-parents qui voient régulièrement passer leurs petits enfants et un homme particulier avec beaucoup de caractère et un certain charme (sportif, manuel, avec un extraordinaire pouce vert). C'est mon plus proche voisin. Il est souvent en vadrouille ou alors il bichonne son magnifique jardin.
Ma rue est située à quelques minutes à pieds de la grande plage. Mais encore plus près de chez moi se faufilent quelques chemins où je vagabonde librement. Une vaste forêt recouvre les collines qui font le relief de cet endroit légèrement surélevé. Une forêt qui recèle plusieurs bêtes sauvages. Mais à la lisière d'où je vis, peu d'ours ou de loups se baladent au grand jour. Ils tissent cependant ces légendes que les enfants se chuchotent d'une oreille à l'autre. Des légendes parfois revisitées par l'imagination taquine des plus vieux...
Les premières années (avant que l'on achète cette maison-ci), nous vivions dans un petit chalet au milieu de la rue, un chalet d'été transformé pour la cause hivernale (avec l'énergumène comme plus proche voisin!). C'était assez folklo. Disons que, malgré les multiples rénos, j'apprécie le déménagement qui nous place entre le loup des bois, la "jeune" veuve de 80 ans et l'autre famille. J'y ai quand même gagné le citadin infernal qui passe en coup de vent quelques jours par année. Vraiment, il est si terrible (petit mafieux qui se prend pour un roi) que ses passages, aussi courts soient-il, sont toujours pénibles.
Sur ma rue, ceux qui vivent à l'année ne sont ni riches ni pauvres. Ils sont de la classe moyenne. Ils possèdent des budgets d'une grande banalité. Plusieurs se serrent régulièrement la ceinture. Ils ont simplement fait un certain choix de vie qui les dépose en ce petit coin de paix terrestre.
Le village existe depuis une cinquantaine d'année. À l'époque il n'y avait pas encore de route. À l'époque l'on ne parlait même pas de village mais juste de lac. Une ligne de chemin de fer se rendait non loin de la grande plage et un hôtel d'allure chic accueillait les villégiateurs en quête d'authenticité. Puis, petit à petit, les Hommes au teint clair se sont fait des nids dans la nature sauvage. L'homme blanc s'est installé comme il a l'habitude de le faire. Dégâts à l'appui...
Les indiens Hurons appelaient notre lac: "Grand lac des Vents". Aujourd'hui, les indiens ont disparu de l'horizon mais pas les vents. Toujours et encore, le grand lac vit aux rythmes des vents qui le caressent, le bouleversent, le congèlent...
"Sa superficie est de 11,31 kilomètres carrés, il a une circonférence de 22,4 kilomètres et son altitude est de 101,8 mètres (334 pieds) au-dessus du niveau de la mer. Traditionnellement reconnu comme étant le “poumon” de plein air et de récréation de la partie ... de la région métropolitaine de Québec, le lac "sansnom" est un des plus beaux plans d'eau à proximité de Québec. Ses environs immédiats demeurent un secteur privilégié pour la villégiature mais sont relativement fragiles, puisque sujets aux pressions du développement urbain, souvent non contrôlé ou anarchique."
Fin août 2002, Juan s'est cassé le cou en plongeant de la plage. Durant les jours qui ont précédé et qui ont suivi la délicate opération qui l'a remis sur pieds, je me suis demandée si le lac allait détruire tous mes espoirs de bonheur. J'ai eu très peur. Mais finalement l'on en aura tiré qu'une grande leçon de vie...
Parfois je me demande si je ne suis pas un peu amoureuse de cette immensité limpide. J'ai un lac dans le cœur. Depuis que je l'ai rencontré, je ne peux plus m'en séparer.
J'aime tant cette nature liquide qui m'alimente l'esprit d'une nourriture saine et solide! Élever ma fille en son sein est un privilège. C'est aussi pour cette raison que je m'active à préserver ce lac en travaillant bénévolement pour son bien. Un bien collectif que l'on se doit de léguer aux générations futures.
Ce morceau de nature est un petit joyau terrestre. Un espace que l'on se doit de protéger. Tant de personnes prennent encore pour acquis ces endroits qui se font de plus en plus rares à l'échelle de la planète. Au lac, la vie est douce comme de l'eau claire. Malheureusement, certains humains ne voient en cet endroit qu'un terrain de plaisirs où s'ébattre inconsciemment. Ceux-ci ont tendance à me hérisser le chignon. Autant les bontés du lac peuvent me faire oublier la stupidité humaine autant certains villégiateurs me la rappellent amèrement! Parfois je me prends à rêver du temps des Hurons. J'imagine les tipis sur le sable. Je soupçonne les canots d'écorces qui glissent sur l'eau. Il fut un temps où les Hommes vivaient en harmonie avec la nature. Si je me concentre très fort, je peux presque percevoir une ombre fugace glisser dans la forêt triste.
Dernièrement j'ai réalisé que si je ne devais choisir qu'une seule ambition en ma vie de maman ce serait de laisser le bonheur en héritage. Léguer le bonheur en héritage pour que les générations à venir continuent de le faire grandir. En mes utopies internes je me dis: "Peut-être qu'à force de bonheur, le malheur s'estompera assez pour la race humaine s'épanouisse sans mettre en danger la planète et tout anéantir". En ma vision pure du bonheur, il y a la présence de cette nature merveilleuse qui fait naitre en nous ce bien-être divin. Ce bien-être que viennent picorer (butiner?) tous ceux qui possèdent une résidence secondaire en ce lieu béni.
Mais attention, le bonheur n'est pas si simple qu'il n'y parait! En fait, il peut même se révéler aussi complexe que la tristesse. Car le bonheur n'est pas seulement une carte postale teintée de rose. C'est un état humain tissé d'efforts, de sacrifices et de satisfactions, d'acceptations et de sérénité. Pour atteindre le bonheur il faut souvent peiner. Le bonheur se gagne, peut-être même se mérite-t-il. Je ne sais pas. Mais je sais que ce n'est pas une assiette de plaisirs qui se déguste goulûment. À mon sens, mélanger plaisir et bonheur c'est ne pas faire la différence entre sexe et amour. Mais je m'égare...
Au village, il y a une phrase qui se retrouve sous tous les logos municipaux: "La vie est belle". Cela me fait toujours sourire. Mais c'est vrai qu'ici la vie est belle. Et, c'est certainement un bon endroit où élever des enfants. Un environnement sain qui leur enseigne la paix à l'état naturel.
L'autre jeune famille de la rue possède deux enfants: Raph, huit ans, jolie tête blonde qui deviendra vite une superbe jeune fille et Axou, mignon petit bonhomme qui vient de fêter ses deux ans. Axou, déjà très mâle pour son jeune âge, a développé un petit "crush" sur M'zelle Soleil. Dès qu'il la voit, il s'emballe. Lorsqu'il la regarde, une lueur pétille dans ses yeux noisettes et toutes les occasions sont bonnes pour venir faire un brin de jasette. À son âge les occasions sont rares mais il n'en rate pas une!
La couche aux fesses, il se dandine pour charmer ma fillette qui l'attend avec bonne humeur. Ils bavardent, s'apprivoisent, lancent trois ou quatre cailloux, examinent dix brins d'herbe. Puis, M'zelle Soleil, qui se sent si grande à ses cotés, finit toujours par lui prendre la main pour le raccompagner sur sa pelouse...
Suis fan de tes montages photos ! Superbe. Bravo! :)
RépondreSupprimerRhoooo, magnifiques les photos des deux mômes.....et ton texte aussi, tes mots sur le bonheur.
RépondreSupprimerIl est merveilleux ton billet Etolane. Attention ils pourraient t'attirer de nombreux voisins en quête de ce bonheur de sève verte et d'hivers blancs, ah si j'avais l'ambition de mes rêves.... mais la vie est belle partout où on sait l'admirer je pense.
RépondreSupprimerMerci, moi aussi je sens l'amour d'un lac. Juste un détail ce sont des Innus, et pas les Wendats qui occupaient ce territoire. Les Wendats sont arrivés là pour demander la protection des français en 1697. N'empêche que c'est un super billet.
RépondreSupprimerAu fait sur la photo ce n'est pas le même chien ? Ou est la golden ?
RépondreSupprimerUn concentré de bonheur, d'air pur et d'insouciance
RépondreSupprimerChanceuse !
Celui-là. De tous les billets, celui-ci réussit à me sortir de mon mutisme. Parce qu'il est moi. "J'ai un lac dans le coeur", c'est comme "je suis née du Lac". C'est bleu, c'est doux, c'est... nous. Génial, et magnifique. Une prose amoureuse pour élément vivant. Je te lève mon chapeau. Et t'envie (d'avoir les mots/l'endroit).
RépondreSupprimerArf, merci beaucoup! :)
RépondreSupprimerYuna, Etolane a soudainement pris le contrôle de mes neurones, en manque d'espace, elle s'est imposé et ce texte a comme jailli de nulle part! ;)
Merci Minute papillon, je pense que tu as tout à fait raison sur ce point: " la vie est belle partout où on sait l'admirer"... Enfin c'est sur que c'est toujours plus facile de l'admirer en mon coin de lac qu'en un bidonville surpeuplé!
Moukmouk, merci de la précision! ;) En fait je pense que je préfère utiliser le mot hurons car il est plus évocateur. En fait, âpres les ravages commis sur les tribus, il est bien difficile de s'y retrouver... Ah là c'est Agathe, le chien d'Axel, mais Chanelle n'est jamais bien loin: http://www.flickr.com/photos/etolane/3920397155/ ;)
Blandine, un parfait cocktail! :)
Martyne, voilà qui me fait chaud au coeur! :D Je suis sure que cette complicité de lac nous rapproche les pensées qui s'entrecroisent...
C'est très touchant de voir ces 2 bouts de choux se tenir la main!
RépondreSupprimerAxou est un peu amoureux de Liloo, cela me fait craquer à tout coup. :)
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