mardi, février 27, 2007

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Un couple qui réussit est un peu plus qu'un homme plus une femme. C'est un équilibre et un mouvement un peu mystérieux.
François Nourissier

Cette chose plus compliquée et plus confondante que l'harmonie des sphères : un couple.
Julien Gracq

Rien ne peut préparer un couple à avoir un enfant, surtout le premier.
Susan Lapinski

Croquer la pomme.

Croquer la pomme (sans en avaler le vers)...

Je réalise du fin fond de nulle part (à moins que cela ne jaillisse de mes picorées d’Andrée-Anne, Jade et ces autres célibataires sur la Toile) que cela fait plus de 17 ans que je vis en couple.

J’ai désormais 34 ans. Deux projets de couple dans mon historique. Le premier qui dura presque dix ans et le deuxième présent depuis plus de sept ans avec cet homme qui en a sept de moins que moi. Le deuxième bénéficie de l’expérience (et du bagage) du premier. Le premier fut aussi divertissant que destructif, le deuxième se veut constructif et passionné. Deux jolis garçons totalement différents. Un petit blond aux cheveux bien raides, bien nanti, sûr de lui, plutôt superficiel sur les bords. Un grand brun aux boucles folles comme les miennes, sensible, adonis diabétique aux profondeurs parfois tourmentées.

J’ai tué les derniers relents de mes sentiments du premier avec les ardeurs amoureuses du deuxième. Je ne ressens plus rien pour l’Autre. J’en suis la première étonnée. Peut-être que si je le revoyais un jour je ressentirais quelques chatouillis de cœur mais je doute que cela puisse dépasser ce léger degré d’intensité. Dix années atomisés par le feu de ma volonté, par les révoltes de mes douleurs, par le besoin irréversible de le voir disparaître dans la poussière du temps.

Je n’aspire pas à la quantité mais bien à la qualité. La quantité m’a toujours rebutée, la qualité m’attire irrésistiblement. Mais la qualité est rare. J’aimerais faire taire le dicton « jamais deux sans trois ». Mais l’on se sait jamais de quoi demain sera fait. L’on ne peut qu’espérer, rester vrai, essayer de son mieux de ne pas tomber dans les pièges du jeu dangereux. Travailler l'équilibre.

L’Amour possède la fragilité de la vie, il existe lui aussi sur un fil…

L’amour n’est au fond qu’une facette du couple harmonieux, une facette importance mais pas toujours nécessaire si l’on se penche sur ces cultures qui arrangent les mariages sans égard pour les cœurs pris en otage de traditions ancestrales.

Alors que j’errai dans les ruines de ma première relation. Deux fantômes perdus dans un désert aride. J’eus l’occasion de rencontrer une jeune hindoue de mon âge. Son mari faisait ses classes avec mon ex conjoint, nous avions 25 ans toutes les deux. Ils avaient une petite fille de trois ans. Nous nous sommes liées d’amitié dans nos détresses féminines malgré les énormes différences culturelles. Seule en région parisienne, elle ne parlait pas un mot de français et de toute façon n’avait guère le droit de quitter le petit studio où elle vivait. Manju, superbe femme au visage fier, à la peau velouté d'ailleurs, empreinte d'une douceur soumise. Elle avait fait ses études universitaires sans l’espoir de pouvoir en profiter (à moins du miracle d'un mari d'exception).

Petit à petit, elle s’est ouverte à moi. Okay, je lui ai aussi un peu tiré les vers du nez car son cas m’intriguait et que je m’ennuyais monumentalement dans les ruines arides de ce quotidien qui m'enserrait l'être en peine. Apprendre à la connaître et essayer de comprendre cette destinée qui était sienne me remplissait de frissons. J’essayais de ne pas trop exposer mes valeurs féminines pour ne pas trop la troubler. Elle se confiait à moi avec tant de candeur. Elle, qui était prisonnière de cette vie me dévoilait ses émotions secrètes, elle me parlait de ce qu’elle n’avait jamais osé parler avec ceux de sa famille, de sa culture. J’étais à la fois fascinée et si triste, moi qui n’avais pas la clé pour lui ouvrir cette cage qui l’étouffait. Elle est entrée droit dans mon cœur. Un jour elle m’a dit :

- Tu sais, j’ai toujours su que je ne choisirais jamais mon mari. Alors toute petite je priais le ciel pour que mon mari soit bon pour moi, pour que je puisse arriver à l’aimer et pour qu’il m’aime aussi…

Je ne sais pas jusqu’à quel point le ciel l’avait entendue, jusqu’à quel point cela aurait pu être pire pour elle. Ce que je sais, c’est que son mari ne valait pas de la « schnout » à mes yeux! Il l'appréciait moindrement, la dénigrait quotidiennement, il la dominait allégrement sans même se poser de questions. Et qu’est-ce qu’il pouvait me faire les beaux yeux ! Je jouais le jeu, pour elle, parce-que d’une certaine manière je l’aimais elle et que j'avais envie de le torturer un peu comme il la torturait. Je le voyais observer d’un regard salace mes jambes nues sous mes jupes courtes. J’accentuais mon sourire, je prenais un air innocent et je lançais mes questions l’air de rien…

- Ouf, le printemps est là, c’est le fun de pouvoir remettre des jupes! Dis tu penses quoi de la mode parisienne?
- Heu, c’est joli mais je n'y suis pas vraiment habitué…
- Tu trouves ma jupe jolie, je ne suis pas sure de son motif…
- Non, non elle est très jolie…
- Ah! Alors cela ne te dérangerait pas si je la donnais à Manju? Je ne suis pas sure d’avoir envie de la garder.
- Tu peux pas faire ça…
- Pourquoi? Tu viens de me dire que tu la trouves jolie?
- Manju n’est pas une Occidentale. Elle n’a pas le droit de s’habiller comme cela.

Le ton se resserre, le contrôle surgit, ma révolte intérieure grandit…

- Mais si c’est joli sur moi, cela serait aussi joli sur elle non?

J’en profite pour décroiser et recroiser les jambes tout en continuant de sourire. Je séduis l’homme si prévisible pour mieux contrôler cette colère qui pourrait m’exploser au visage d’une seconde à l’autre. Le voilà pris entre l’envie de ne pas me déplaire et l’habitude d’asservir les femmes de sa confession. Je suis une femme, je dois faire bien attention où je mets les pieds. Je l'enroule autour d'un doigt. Je résiste à la tentation de l'écraser au creux de ma paume. L’horizon humain est vaste. Je ne pousse pas trop loin la malice. Je me contente d’observer le vice. Je me sens comme une Occidentale en minijupe qui marche sur des œufs presque pourris…

Avec le recul, je me demande si d’une façon inconsciente ma rencontre avec Manju ne m’a pas aidée dans ma décision de quitter définitivement l’Autre. Après tout, j’avais la chance d'être née dans une société où je pouvais, de mon libre arbitre, choisir la personne avec qui partager ma vie. J'avais la liberté de choisir, la possibilité d'influencer ma destinée. N’est-ce pas gâcher cette liberté que de ne pas aspirer à quelque chose de meilleur que ces ruines sentimentales qui m‘entouraient? Enfin, ça c’est une autre histoire. Je suis partie peu de temps après. L’Autre a bien essayé de me rattraper mais je n’en avais cure. Le ciel avait déposé Juan en cours de parcours. Mais cela aussi c’est une autre histoire même si c’est toujours la même histoire. Cette Histoire faite de petits ruisseaux qui rejoignent le fleuve de mes jours. Manju est repartie en Inde. Elle m’a écrit quelques fois puis je suis revenue au Québec, j’ai perdu son adresse. Je pense encore à elle et je sais qu’elle aussi là-bas quelque part pense un peu à moi…

Rêver à l’harmonie d’un couple est universel. Un couple en harmonie est l’exception faite aux règles. Mais de quoi est fait un couple? De ces innombrables instants de quotidien qui s’ajuste entre deux existences? D’équilibre et de raison? D’émotions et de passions? De déchirures et de trahisons? Est-ce que l'individualisme tue le couple dans l'oeuf? Le célibat qui sévit dans les gigantesques cités urbaines, est-ce un mythe, une mode ou un fléau? Adam cherche Eve qui cherche le verger où traine Adam. Le serpent se fend la poire. Trève de niaiseries.

Selon moi, un couple est fait de désirs et d’espoirs. Pour survivre, il doit acquérir confiance et communication, il doit se parer d'échanges et de confessions tout en se gardant une part de mystére. Il ne peut reposer sur la luxure même s’il se doit d’être épicé. Un couple est tissé d’efforts et de compromis, mensonges et égoïsmes sont ses pires ennemis…

Et selon vous, un couple c’est quoi? Adam et Eve ont-il eu beaucoup d'enfants et vécu harmonieusement une fois bannis du jardin d'Eden? Voyez vous la vie avec romantisme ou cynisme? Croyez-vous en l'Amour?

Images: Adam and Eve Banished from Paradise, circa 1427 par Tommaso Masaccio, Adam and Eve par Tamara Lempicka

lundi, février 26, 2007

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Slidin'Meeting-the-neighbour

Février s’achève et je n’en suis pas mécontente. Les journées ensoleillées se réchauffent. La lumière change. Les oiseaux chantent. Les jours rallongent. Un soupçon de printemps flotte dans l’air qui se décongèle. Goutte à goutte se meurt l’hiver…

Les derniers mois furent éprouvants pour ma pomme qui s’évade entre deux arbres. Je sors dehors, passe à coté d’un sapin et respire son odeur. Un véritable bonheur. Alors que depuis des semaines j’évolue dans un monde inodore, brûlant de froideur, hostile, voici un arôme qui se rappelle à ma mémoire givrée. Je m’arrête, je m’approche, je me baigne l’esprit dans cette subtile source aromatisée. Je la respire à plein nez. J’oublie mes soucis pour me fondre dans l’instant présent. Vivante. Vibrante. Le printemps est en chemin...

Au fil des jours qui s’écoulent, j’écris toutes sortes de textes que je ne finis point. J’attrape un temps de sieste bambin, je commence à structurer quelques pensées, puis je perds quelques mailles en répondant à l’appel de l’enfant. Ma concentration se trouble. Le temps me manque pour achever ces tricots d'idées qui s’empoussièrent. Un dossier où végètent les textes en attente se crée. J’apprends à vivre avec la frustration des mots qui grognent. Quatre phrases à la fois. Je m’éparpille. Je colle, décolle, recolle les morceaux de phrases. Je mixe, remixe, triture, cogite. Je lâche prise pour ne pas bloquer. Coté photos, c’est du pareil au même, des centaines de clichés à trier si je ne veux pas les perdre dans l’infini informatique. Sans parler des courriels que je lis toujours avec grand plaisir même si je peux même une éternité à y répondre! Le quotidien parental me rattrape la vie, m'aspire, transforme la texture de mes heures et m'éloigne de la machine infernale...

Je ne me suis pas séparée de Lily-Soleil depuis quelques semaines. Ma mère qui parfois la garde effectue des travaux de rénovation. Dans le fond, cela ne me pèse pas tant que cela. Plus je passe de temps avec elle et moins j’ai envie de m’en séparer (même si l'envie de me réchauffer les neurones me démange). J’ai l’impression de la connaître de mieux en mieux. Je la déchiffre. Je discerne les traits sa personnalité de plus en plus prononcée. Notre relation prend forme concrète tandis que je profite de ces moments de toute petite enfance avec bonne conscience. Ils sont rares et précieux. Je les collectionne en mon cœur gonflé de tendresse maternelle. Devenir parent au fil de l'enfant qui grandit. Viendra assez vite le futur qui effacera du revers de son présent ces moments fugaces et me redonnera des plages d’existence individuelle où m’épanouir la féminité…

Ce lundi matin, il fait doux, un -7 degrés sous un soleil éclatant. Humeur de ciel bleu poudre. Les oiseaux gazouillent sur les branches nues. La lumière est magnifique. La neige fond sans faire de flaques. Elle s’évapore gentiment. Pas de gadoue à l’horizon! L’air frais ballade un petit air de neuf. Lily-Soleil, de plus en plus autonome, de plus en plus indépendante me fait comprendre que ce serait bien d’aller dehors au lieu de se plier à une sieste matinale. Comme j’ai moi aussi bien envie de sortir, je m’habille et l’habille en deux tours de bras. Nous voilà sur la route, de bon matin, devant chez nous. Route, rue, arrière cour? Il y a si peu de voitures, pour ainsi dire aucune, que cela pourrait n’être un simple chemin qui traverse le voisinage.

La petite puce est aux anges, elle galope presque sur la piste blanche encore glissante. Elle chancelle, rattrape son équilibre et avance avec un petit peu plus de prudence. Elle s’amuse à courir après son ombre. Elle prend la direction qui mène vers le lac. En mode exploration, elle est alerte, avide de sensations. En quelques minutes elle a parcouru une bonne centaine de mètres. Elle s’approche d’une maison. Je la vois qui rigole. Je tourne la tête pour apercevoir une mamie voisine en Tee-Shirt et petite culotte, debout contre sa baie vitrée, d’une main elle tire sur son Tee-Shirt pour se cacher les cuisses et de l’autre fait des coucou à Lily-Soleil toute amusée. Je reste un peu surprise de la surprendre ainsi. Je la salue de la main. Elle me fait signe que la petite a beaucoup grandi, j’acquiesce d’un geste de tête . J’entraîne ma mini puce en direction de la maison. Elle charme une dernière fois la dame et gambade à nouveau sur le chemin de neige et de glace.

Pensive, je suis sa trace lorsque soudain je la vois s’arrêter net. Elle penche la tête. Comme gelée sur place, elle ne bouge plus d’un poil. Il me faut quelques secondes pour comprendre qu’elle écoute le chant des oiseaux! Toutes à mes pensées, c’est à peine si j’y faisais attention. D’un coup, j’entends moi aussi chanter plusieurs oiseaux à la fois. Je la vois qui se cherche un rythme, qui se trémousse, le sourire aux lèvres, elle se tourne vers moi et elle m’offre le plus pur des regards…

- Tu entends les oiseaux qui chantent?
- Aie yawe, gayyyaaaaa
- Oui, c’est les oiseaux dans les arbres qui chantent…
- Tsche du ga tuc we ya aaaa teu?
- On écoute les oiseaux? C’est de la jolie musique. Oh? En voilà un autre…

Attentive, en plein milieu du chemin, un petit doigt levé dans l’air du temps, elle se nourrit des gazouillis qui l’enchantent. Son innocence me transperce, me transporte, m’élève…

J'attrape l'instant pour le déposer délicatement en un tiroir de mémoire. Je réfléchis à l'Être parent. L'enfant absorbe le temps, force l'adulte à s'organiser, à s'assumer, à se responsabiliser mais il réapprend aussi l'amour et la douceur de vivre. C'est un retour aux sources qui inspire le meilleur, un condensé d'humanité qu'il faut guider par l'exemple de sa vie. C'est un sapré défi...

Lily-SoleilRose de Lily

vendredi, février 23, 2007

L'auto-stoppeur

L'auto-stoppeur

Je finis de m’entraîner. Je prend une douche rapide qui me laisse les cheveux mouillés. Ma voiture est garée à dix mètres de la porte d’entrée. C’est suffisant pour que je sente givrer les boucles sur ma tête. Les secondes que je prends pour déverrouiller la voiture et m’asseoir derrière le volant sont glaciales.

Le soir est bien entamé, je me dépêche de rentrer. L’exercice qui a étiré mes muscles et brûlé mes graisses me tient au chaud le temps que la voiture arrive à générer le chauffage intérieur. À mi chemin des vingt kilomètres qui me séparent de la maison, je vois se profiler une ombre sur le bas coté de la route. Le temps que je réalise que c’est un auto-stoppeur et je suis lui suis passée sous le nez. Je ralentis sans m’arrêter alors que mon cerveau bouillonne de possibilités. Je regarde dans le rétroviseur, la nuit posséde la consistance de l’encre de Chine. Il n’y a personne derrière moi à des kilomètres à la ronde. Son ombre se fond dans la noirceur qui l'avale. Une conversation s’enclenche dans ma tête à la vitesse de l’éclair.

- Il fait quand même -35 dehors! Tu peux pas le laisser là!
- Mais si c’est un pervers, chuchote la méfiance.
- Ouais, ça avait plutôt l’air d’un ado en vadrouille, répond la raison
- Il va congeler sur place le pauvre, en plus à cette heure-ci y’a pas un chat sur la route, tu dois lui offrir un havre de chaleur, enclenche l'émotion...
- C’est trop tard, t’es passée, fallait te décider plus tôt! Penses à autre chose…
- Mais quand même, il fait -35 et puis c’est peut-être un p’tit-cul qui va voir sa blonde! C'est bientôt la St-Valentin...
- C’est pas ton problème, il est presque dix heures, va donc retrouver ta famille…
- Ben justement à c'te heure, il risque de congeler sur place! Quand même, je peux pas le laisser grelotter au bord de la route comme cela, c’est pas humain! En plus il est habillé en noir, c’est presque dangereux, on le distingue à peine dans la nuit…

J’arrête net le flot de mes pensées pour me retourner dans une entrée et faire demi tour. Je vois le garçon dans la pénombre, je le dépasse et me retourne une autre fois. Je l’accoste, j’ouvre la porte. Un adolescent d’une quinzaine d’années me décoche un énorme sourire rempli de chaleur humaine:

- Hé, merci, t’es vraiment trop fine! J’pensais plus que personne allait s’arrêter.

Il s’assoit du coté passager et je reprends la route. Frigorifié, il souffle sur ses doigts gelés. Je lui souris. Non seulement il est aussi inoffensif qu’une biche mais en plus il dégouline de gratitude :

- Mais tu t’es retournée pour venir me prendre, c’est trop cool, t’es vraiment fine, j’y croyais plus, j'me demandais si j'allais m'en retourner..
- J’ai un peu eu pitié, il fait super froid, tu m’as fait de peine, j'pouvais pas te laisser geler sur place…
- Ouais mais quand même tu t’es retournée! C'est vraiment cool! Tsé y’en a plein qui passent et qui s’en foutent même si fait frette, non vraiment t’es trop fine…

Il m’explique combien il a hâte d'avoir son permis de conduire au printemps pour pouvoir s'acheter une vieille grouille. J’en conclus qu’il a bien quinze ans. Il va rejoindre l'un de ses amis au village à quelques kilomètres de là. Je lui parle de notre amie Charlotte qui a traversé le Canada en stop l'été dernier. Je l'observe du coin de l'oeil. Ce garçon est charmant d'adolescence effervescente. L'on discute amicalement durant le temps du trajet qui dure une dizaine de minutes. Il sent la cigarette froide et pianote distraitement sur son téléphone cellulaire, il n’en finit plus de me remercier et je n’en finis plus de lui sourire…

Je le dépose à l’entrée du village voisin de ma destination, il me remercie gentiment une dernière fois. Je bâillonne ma méfiance stupide avec la douceur de ses sourires angéliques. J’absorbe les dernières gouttes de son innocence et le plaisir qu’il m’offre avec sa gratitude à portée de cœur. Mes idées voguent vers quelques souvenirs d’une autre époque. L’impression subtile et soudaine d’être dans un entre-deux. Entre la jeune fille que je fus et la jeune fille que ma fillette sera un jour. Serait-ce le meilleur de ma maturité, serait-ce le summum de ma féminité? Une impression nouvelle qu'il me faudra explorer...

Humeur Video

Humeur Video

Une chanson dont j'adore le texte, une chanson en voie de devenir un classique en son genre...

Dans le même ordre d'idées, un p'tit lien qui pointe vers le blogue de Firmin...


Mes Aieux - Dégénération

mardi, février 20, 2007

Mots, flocons, neige...

Rien n'égale en longueur les boiteuses journées,
Quand sous les lourds flocons des neigeuses années
L'ennui fruit de la morne incuriosité,
Prend les proportions de l'immortalité.
Charles Baudelaire

Aimons la neige ! Sinon, nous risquerions de briser notre équilibre poétique et d'oublier notre condition humaine.
Francis Bossus

Le temps c'est comme un flocon de neige, pendant qu'on se demande ce que l'on va faire avec, il fond.
Anonyme

Mardi Sidéral

Mardi sidéral,

Malgré une légère accalmie durant la fin de semaine, le froid sévit toujours. Tant et si bien que l'on en oublierait facilement le réchauffement de la planète! Les -30 avec facteur vent s’accumulent sur le fil des semaines qui tissent la saison retrouvée. Fait "frette"...

Ce matin, le ciel blanchit de neige se réverbère sur un paysage laiteux. Des flocons plus ou moins gros, parfois dodus, parfois poudre, flottent dans l’air avec une certaine nonchalance. Une atmosphère ouatée teintée d’une belle lumière hivernale m’enrobe le jour.

Mes idées engourdies me glissent entre les doigts. Difficile de résister à cette envie subite de me laisser couler dans la douceur de cette journée empreinte d’un calme sidéral.

Savourer le présent, simplement…

La petite endormie, j'inspire de cet étrange calme avec plaisir. En pyjama, décollée du sofa qui m'offre une vue imprenable sur un paysage d'enchantement. Je me penche sur Robert. D'humeur gourmande, j'absorbe ce petit mot jailli brusquement de cette impression ressentie sur le fait d’une innocente observation matinale.

Je cherche en ma petite tête le meilleur terme pour exprimer cette sensation qui me traverse l'instant et en quelques rotations d’esprits, PANG! Il se plante dans ma phrase avec assurance et détermination. Sidéral…

C’est bien cela. Je déguste et savoure le moment présent en ouvrant avec délectation mon fidèle Robert. Sidéral…

Sidéral, ale, aux. Adj. – XVIe ; lat. sideralis, de sidus, sideris « astre ». ASTRON. Qui a rapport aux astres. Astral. Observations sidérales. Révolution sidérale : rotation complète d’un objet céleste sur son orbite. L’année sidérale de la Terre dure 365 jours 6 heures 9 minutes 11 secondes. Jour sidéral : durée d’une rotation complète de la Terre sur son axe par rapport aux étoiles fixes. POÈT. Qui émane des astres. « Une clarté pure, blanche, sidérale, ne paraissant pas venir du Soleil » (Gautier)

lundi, février 19, 2007

Lundi Soleil

Lundi Soleil

Promenade-d'hiverChanelle-II

- 30 sous le ciel bleu, journée plein soleil où le froid ondoie sur un tapis de neige fraîche, les branches du gigantesque pin voisin semblent se rétracter sous la lumière vive qui le transperce. Le pauvre peine en ce début de semaine frigorifiant. Mon petit bout endormi, les chats qui errent, le chien en vadrouille, ma plume aux vents…

J'ignore ce petit Shni de génie qui se dépose sur le coin de mon clavier pour me concentrer sur ces touches qui cliquètent sous mes doigts. Après une fin de semaine comblée d’échanges humains et de conversations en tout genre, je retrouve le silence serein de mon petit coin sous la neige. Vendredi nuit, nous ouvrons la porte de notre Rétro Loft à un couple d'amis montréalais, blogueurs d’expérience, les Insulaires sortis de leur île montréalaise pour venir goûter à notre brousse choyée d’hiver. En prévision de leur arrivée, Juan doit sculpter un couloir de neige pour nous permettre d’accéder à cet étage oublié. Étage en attente de rénovation qui se perd en une dimension presque surréaliste avec son escalier qui ne mène plus nulle part. Notre Rétro Loft est une capsule de temps préservé en une bulle anachronique qui fait la joie de la visite. De la moquette au plafond, c’est un exemple kitch des (mauvais) goûts d’antan, chaleureux en son genre, il accueille nos amis qui peuvent y résider en toute intimité...

Dre Papillon fut l’une de mes premières connaissances virtuelles, au cours des années et de quelques rencontres, une relation s'est dessinée. En traversant la barrière du réel, nos hommes se rencontrent, une bonne dynamique s’installe. Je découvre son cœur, elle distingue le mien. Et plus le réel nous enlace, plus j’apprécie cette relation humaine née de la Toile…

Lily-Soleil charme Stéphane qui se laisse prendre dans son filet mignon. Elle adopte Dre Papillon en un sourire et sagement elle nous accompagne dans nos promenades de village, du musée à l’hôtel de glace. Petite fille en devenir qui fait des naître des dizaines de sourires au fil de nos rencontres fortuites. Au bout de deux jours sous notre toit, Dre Papillon partage avec ma pomme un concept qui me déstabilise autant qu'il me réjouit. Ainsi, semblerait-il que Lily-Soleil posséderait l'art de cette astuce enfantine qui lui permettrait d'être facilement adoptée en cas de malheur familial. Réflexe de survie, très utile dans la détresse, c'est une sorte de charme que seuls possèdent les jeunes enfants, charme qui leur permet d'accrocher les adultes qui les sauveront de situations périlleuses. Elle nous confie le cas d'un jeune bébé rencontré durant l'un de ses stages de médecine qui n'avait pu développer ce réflexe, ceci dû à de longs séjour d'hôpitaux et un manque d'attention parental. L'enfant mal-aimé avait, à l'inverse, développé un réflexe de rejet qui l'éloignait des autres et le rendait difficile et bien peu sympathique. Il y a tellement d'enfants malheureux sur terre, mon coeur se serre. Et puis il s'étend à l'infini dès que je regarde ma petite puce qui me sourit. Hum, plus j'y pense et plus je réalise que ce petit charme dévoilé est extrêmement puissant sur ma pomme. Souvent, je regarde ma fille qui pétille, elle me fait un sourire et je suis à moitié gaga, assurément scotchée et complètement dévouée.

Je me demande s'il n'y a pas aussi un charme qui marche sur les chats. Car à chaque fois que Lily pleure avec ferveur, de colère ou de douleur, entre un désir non assouvi, une chute ou une frayeur, les chats rappliquent en quelques secondes. Ils forment une ronde féline autour d'elle, se frottent, la tripotent et lui apportent tant d'attention qu'elle en oublie tous ses malheurs et rigole à travers ses larmes...

Chambre-de-glace

Mais revenons à amis citadins, équipés de leurs chaussures de ville, qui se gèlent le bout des orteils sans se plaindre. L'hôtel de glace inspire magnifiquement l'hiver malheureusement la floppée de personnes qui le respire en ce dimanche après-midi est un peu étouffante. Le temps s’est radouci et l’on frôle les -10. Un vrai bonheur pour ma pomme qui hiberne. La nuit s'approche, nos amis reprennent la route. En bref, une très belle fin de semaine qui m’a réchauffée le cœur en plus de quelques neurones.

Lorsque arrive le moment du départ, il nous faut nous battre un tout petit peu pour garder notre fille, deux chat et le chien que nos invités ramèneraient bien en leur cocon urbain. Le soir venu, entre deux confidences avec l’homme, je développe :

- En fait, avec Dre Papillon comme on a un lien virtuel depuis plusieurs années maintenant, de par la blogosphère et tout le tralala, il se crée une certaine familiarité qui facilite le contact humain lorsque l'on franchit la frontière virtuelle et parfois ça peut aussi amener l’amitié sur une sorte de plateau invisible...

Winter-RingIce-Door

Un soleil de plomb

L'hiver, il y a de ces étranges journées lumineuses où dérrière ses fenêtres le soleil se fait de plomb malgré l'atmosphère polaire qui enserre la maison et ses environs...

EXPRESSION (via expressio)
« Un soleil de plomb »

SIGNIFICATION
Un soleil écrasant, accablant.

ORIGINE
Celui qui a eu l'occasion de se trouver en plein été au coeur de Death Valley ou bien sur les rives du lac Assal, entre autres lieux très chauds, savent bien que les rayons de l'astre qui nous éclaire peuvent parfois être véritablement accablants. Le soleil semble faire peser sur les épaules un poids énorme au point de rendre très pénibles certains efforts. Or, le plomb, à cause de sa densité, est depuis longtemps un symbole très compréhensible de ce qui est pesant, lourd, au sens propre, et de ce qui est accablant, au figuré. C'est pourquoi "de plomb" est un qualificatif qu'on trouve accolé non seulement à notre soleil (depuis 1835), mais aussi à la chaleur, au sommeil (à partir de 1842) voire au postérieur (un "cul de plomb" désigne un employé de bureau, toujours assis, ou un homme sédentaire).

EXEMPLE
« Oph (c'est le nom égyptien de la ville que l'antiquité appelait Thèbes aux cent portes ou Diospolis Magna) semblait endormie sous l'action dévorante d'un soleil de plomb. »
Théophile Gautier - Le roman de la momie

vendredi, février 16, 2007

Vrac sous la neige.

En vrac sous la neige.

Après la tempête, le jour se lève sur un univers recouvert d’une épaisse couche de neige, près de quarante centimètres qui étouffent les bruits matinaux. Tout est immaculé, entre deux bourrasques folles, le soleil éclaire un paysage lunaire.

Papotages de voisinage entre deux bancs de neige, l’homme d’en face aide le mien pour pelleter notre entrée submergée d’hiver en poudre. Juan part au bureau avec une bonne heure de retard.

Non loin, des rires et des cris, les deux fillettes de la rue, en congé d’école ensevelie, jouent à se rouler dans ce petit paradis blanc, à culbuter sur les pentes douces, à descendre ces buttes gourmandes qui avalent les centimètres accumulés des entrées déneigées. Ma puce les regarde par la fenêtre et en mère indigne que je suis, je n’ai pas le courage de me dévêtir de mon pyjama pour enfiler mes trois couches ou transformer bébé en esquimau sur pattes. Ce matin, en mettant le nez dehors, le -30 caché dans le vent m’a vite refroidi les ardeurs et j’ai fui dans la chaleur de mon cocon. Et puis Lily est encore trop petite pour en profiter à son aise et je suis trop paresseuse pour l’y aider! Je préfère donc passer un coup d’aspirateur pour contrer la présence animale en notre foyer et lire quelques livres à un petit bout de chou conquis par des histoires d’abeilles qui butinent...

Sa vitalité m’entraîne l’humeur fatiguée par de trop courtes nuits et je souris à ses mimiques clownesques. De plus en plus fillette, elle m'enchante le coeur qui flanche devant son petit minois. Il me semble qu’elle grandit à la vitesse de la lumière. Elle comprend de plus en plus de choses. Elle n’en finit plus de babiller sur le cours de ses journées, essayant de plus en plus souvent d’articuler des mots entiers, de répéter ce que je lui raconte. Elle maîtrise de mieux en mieux les sons qu’elle accorde en ses longues tirades qui me laissent perplexe. Elle discute un téléphone sur la joue. Elle empile ses blocs avec dextérité. Elle monte et descend du sofa en quelques galipettes. Elle joue gentiment avec ce chat qui s’est épris d’elle. Chaque jour, elle appelle « Maman » des centaines de fois, pour l’aider à attraper quelque chose, pour me montrer ce qu’elle aimerait faire, pour se faire prendre, cajoler, rassurer, pour un oui, pour un non, c’est « Maman » à la rescousse! Plutôt casse-cou avec pas mal de suite dans les idées à mon goût, aussi rapide que l’éclair, elle se déguise en M’zelle Bordel ou Miss Connerie selon que j’ai le dos tourné ou occupé.

L’un de ses nouveaux trucs est de frotter. Enfin une activité tranquille et inoffensive! Il suffit que je lui donne un vieux chiffon et c’est parti que je te frotte le plancher ou la table du salon avec vigueur et concentration. Elle sait maintenant tenir un crayon entre trois doigts et commence à prendre conscience qu'elle peut gribouiller des pages blanches ou tout ce qui lui tombe sous la main. J’aime être témoin de tous ces petits gestes qui la font grandir. J’aime l’observer du coin de l’œil en lui faisant croire que je ne la regarde pas pour mieux épier ses petits jeux de plus en plus pensés.

Mardi, tombe la neige, l’air s’étant radouci, je prends mon courage à deux mains pour sortir dehors mon bout de fille. Toute heureuse, elle laisse fondre la neige sur ses joues rosies de froid. Ses petits pas crissent sur le sol qui se ouate. L’on voit passer le bus scolaire. Depuis que Raphy la petite voisine va à l’école, le bus scolaire repasse à heures régulières dans la rue. Deux autres fillettes l’utilisent aussi, petites filles de notre ancienne voisine de l’autre bout de la rue. Lily-Soleil connaît le bus scolaire (il faut dire que c'est l'un des seuls véhicules qui passe devant chez nous!). Elle le regarde déjà avec curiosité, un jour elle trépignera d’envie d’y monter et bientôt je l’accompagnerai devant le pas de ma porte pour la voir monter dans le ventre de la grosse bête jaune. Devenir parent accélère le temps qui nous file entre les doigts!


envoyé par Etolane


L’on continue de profiter de l’ambiance feutrée de cette journée de douce tempête. Pas de vents dans les couloirs de ma forêt, juste la neige qui n’en finit plus de tomber. Chanelle blanchit avec les minutes qui s’écoulent. Soudain, l’on voit approcher deux fillettes. Lily-Soleil très intriguée se dirige vers l’enfance qui l’appelle. Rencontres entre deux flocons. Petit meeting de morceaux de futur insouciants. Raphy, 6 ans et Patty, 9 ans papotent. Lily-Soleil se met de la partie. Patty se prend d’affection pour Chanelle qui n’en peut plus de se faire si bien flatter. J’attrape l’instant qui passe du coin de mon objectif…

J’ai des flashs de ma vie de parent qui jaillissent sous les secondes qui défilent. Je reprends en main le temps et avant que la nuit ne tombe, je rentre ma progéniture en mon cocon. Bienheureuse de sa sortie sociale, Lily-Soleil vaque à son quotidien sage. Quotidien construit de découvertes, de merveilles et de compréhensions nouvelles ponctué de l’intarissable « Maman»! Petit mot qui veut tout dire à la fois et qui m’attache les pieds sur terre.

Toute la nuit qui sépare mardi de mercedi, la neige n’en finit plus de tomber. Dans le silence onctueux du soir couché, je regarde le paysage se recouvrir de milliers de paillettes qui scintillent en une calme mélodie. Une fois le bébé endormi, l’on dîne en amoureux, simplement, tendrement. Le joli bouquet bleuté livré par un petit monsieur dans la matinée m’entraîne dans des sourires silencieux. Rien qu'un jour comme un autre même si plus attentif que les autres. Une douceur parallèle au bonheur...

Revient le jour et le silence enneigé d'après la tempête, l’homme part au bureau après avoir extraits des passages de vie dans ce désert. Lily-Soleil s'endort, en pyjama sous mon manteau d’hiver, je sors croquer des morceaux d’hiver. Passe la charrue qui en quelques secondes recouvre l’entrée d’un amas de neige bien épais plus gros que ce que la tempête avait laissé durant la nuit. J’entends hurler l’homme dans ma tête : « Maudite marde, maudite charrue! ». Je ne peux m’empêcher de rire sous ma cape, c'est ironiquement drôle. Nous sommes les seuls des sept familles qui vivent sur la rue à l’année à ne pas avoir de service de déneigement. Juan déneige à l’ancienne, à la pelle. Parfois, il rugit et vocifère tout autant qu’il pellette! S’il avait vu ce que je viens de voir, je crois bien qu’il aurait manquer de s’étrangler ou d’étrangler le chauffeur innocent! Comme je suis de l’une de ces femelles qui ne pellette pas, je peux me permettre de faire preuve d’une grande patience lorsque jaillissent les colères de l’homme et sa pelle. Je gèle un peu sur place, je me fraie un chemin par dessus le banc de neige compacte afin de regagner mes pénates bien chaudes.

L’après-midi m’apporte sur un plateau d’argent un tourbillon de petites filles. Raphy et Patty débarquent sur mon balcon. Elles n’ont pas d’école à cause de la tempête et se cherchent de quoi s’occuper les heures. Lily-Soleil ouvre de grands yeux étonnés. Rares sont les enfants qui pénètrent son antre. Voyant ici l’occasion d’offrir à ma fille unique couvée dans mes jupes solitaires un peu de vie sociale, j’invite les filles à entrer et à prendre leurs aises. Elles se départissent de leur carcan d’hiver pour se trémousser dans leurs habits d’intérieur. Un tourbillon de fillettes vient de prendre d’assaut ma maison. Je me laisse porter par la vague. Patty, la plus vieille me demande la permission d’appeler sa grand-mère qui réside à cent mètres. Je lui tends le téléphone.

- Allo Mamie?
- …
- Je suis chez Lily-Soleil…
- ….
- Je suis venue avec Raphy, on voulait jouer avec Chanelle et la maman de Lily-Soleil nous a dit qu’on pouvait jouer un coup avec Lily-Soleil.


Je réalise que c’est la première fois que Lily-Soleil est représentée comme une petite personne. Une petite personne avec des amis qui lui rendent visite. Flashs de futur parental. Ça donne quand même un coup de vieux "l'Être parent"! Je suis bien la maman de Lily-Soleil. Je n’ai ni prénom, ni autre occupation que celle-ci, dans le regard de ses fillettes qui me sourient, je ne suis rien d’autre qu’une maman comme les autres. Okay, une maman cool quand même! D’ailleurs je sens Patty enquêter mon cas. Je sais qu'elle m'a vue exister durant des années alors que je vivais en ce chalet près de sa grand-mère. Je la vois essayer de percer mes mystères, c'est mignon comme tout. Raphy entraîne Patty dans la chambre de Lily qui les suit en trottinant. Elles s’extasient sur ses peluches et les fées qui décorent ses murs, la collection de boules de neige y passe, Lily-Soleil s’insère dans la petite troupe sans problème.

Une heure plus tard, se dessine les prémisses d’un petit mal de tête, Lily-Soleil fatigue. En deux coups de cuillère à pot, je retourne à la rue mes petits voisines et je couche l’enfant épuisée. Malgré l’emprise du cocon de l’hiver qui nous enferme un peu dans notre petite bulle, Lily-Soleil n'est pas du tout sauvage, plutôt extravertie sur les bords, curieuse et confiante, à peine timide, elle approche et se laisse approcher sans crainte. Je suis heureuse de constater que même si elle ne connaît pas la garderie, elle n’en est pas moins sociable dès que l’occasion se présente. Le jour tire à sa fin. Lorsque la nuit sera tombée, mon homme rentrera de la ville pour se heurter au mur de neige devant l’entrée, je l’entends déjà invectiver l’hiver…

Entre trois flocons...

Entre deux troncs et trois flocons,
un petit lutin...

Lily-Soleil

jeudi, février 15, 2007

Cavalière nocturne

Clair de neige.

Au clair de lune, elle chevauche cet étalon qui excite ses sens. Comblé, son corps ondule au rythme de sa monture qui gémit de plaisir. Une lueur spectrale caresse ses seins nus. Il s’exclame : « Que tu es belle! ». Décontenancée, elle perd l’équilibre et chavire sur son torse bombé. Il l'étreint avec passion. Il se fond en sa douceur intime. Elle reprend sa cadence coquine et cavale jusqu'au fond de la nuit…

mercredi, février 14, 2007

Love, love, love...

Love, love, love...

Un jour passé, je parle d’amour avec une vieille dame, sorcière officielle d'un village oublié au fin fond de la France profonde, elle me dit :

- L’Amour est comme toute énergie dans l’univers, lorsque tu la rencontres, si tu y fais bien attention, tu peux la ressentir physiquement…
- La ressentir comment?
- Cela dépend, c’est comme une chimie qui se fait, c’est ce picotement sur tes lèvres après un baiser. C’est cette sensation qui te reste sur la peau après qu’il t’ait touchée…

L’amour est un procédé complexe, une magie presque surnaturelle qui unit les êtres par les pouvoirs du cœur. L’amour est aussi dangereux qu’il est invisible. Il vibre, il se faufile entre les pensées. Il est à manipuler avec précaution. L’amour n’est pas à prendre à la légère mais il ne doit pas peser sur le cœur de ceux qui le ressentent, il doit alléger et élever l’âme en peine. Depuis des millénaires, l’amour se joue des hommes et des femmes qui cherchent à l’expliquer sans fin, pour mieux le comprendre, pour mieux l’attraper...

Parfois lorsque je sens une chaleur irradiée de sa main juste avant qu’elle ne se pose sur ma cuisse, lorsque sa caresse laisse derrière elle l’empreinte invisible de ses doigts sur ma peau, je repense aux paroles de cette étrange grand-mère qui me parlait tellurisme et magnétisme…

Dans ces instants là où ma peau vibre de la trace de son tendre passage, je remercie le ciel d’avoir placé quelqu’un sur ma route capable de me faire toucher à l’amour du bout des pores. Lorsque ses lèvres effleurent les miennes et que j’en garde, dans les minutes qui suivent, cette douce saveur qui me réchauffe le cœur, qui m’enflamme l’être, je repense à cette si vieille dame aussi fascinante qu’étrange…

Aujourd’hui est un jour comme les autres où l’on prend juste un peu plus la peine de penser à l’Amour. L’Amour qui se tisse au fil des destins que l’humanité génère. Mais c’est aussi un jour obscurci de nuages désagréables pour ceux qui en manquent dans leur vie. Alors aujourd’hui, c’est à ceux-ci que je souhaite de croiser la flèche de Cupidon en vadrouille…

Valentine
Roses blanches sur lit de glace en un écrin d'hiver

Éros & Cupidon

Vrac du jour

Infos de circonstance trouvées sur Lexilogos:

Éros & Cupidon

"Le 14 février, c'est proche de Mardi Gras. Sous le masque du saint-Valentin, ne serait-ce pas plutôt Eros-Cupidon qui se cache ? En effet, celui que l'on devrait fêter ce jour-là, c'est Cupidon ! le dieu de l'amour des Romains, qui correspond au dieu grec Ἔρως (Eros).

Cupidon est représenté sous les traits d'un enfant ailé. Et comme tout ange, on ne connaît pas vraiment son sexe! Il personnifie l'amour, c'est à dire l'union de l'homme et de la femme, il est donc androgyne. En grec moderne, αντρόγυνο désigne un couple (un homme et une femme) et non un être bisexué ! Cupidon est toujours accompagné de son arc, son carquois et ses flèches : arcus et pharetra et sagittae. Il tire sur celui qu'il veut rendre fou.. d'amour !


Cupidon vient du latin cupido,-inis, terme poétique désignant le désir, l'envie. Cupidon, c'est le désir amoureux personnifié. Ce mot vient de :
cupere : désirer, d'où
cupidus : désireux, passionné
cupiditas : désir, envie.

Seul le sens péjoratif cupide, avide est resté en français contemporain. Quand on évoque la cupidité, il s'agit seulement de la pecuniae cupiditas du latin : l'amour de l'argent ! (source...)"

Dans la même veine, c'est en creusant un petit peu les origines de cette tradition romanesque que je découvre qu'elle ne date pas d'hier! : " L'Histoire de la Saint-Valentin remonte à la période des romains c'est-à-dire au quatrième siècle avant notre ère. En l'hommage du dieu Lupercus, les gens procédaient, par tirage au sort, en un jumelage entre les jeunes hommes et les jeunes filles de l'époque. Ce rituel se nomme les Lupercales romaines ou la fête de la fertilité et soulignait le passage vers l'âge adulte. Les couples passaient ainsi un an ensemble jusqu'au prochain tirage l'année suivante!

Les prêtes de l'époque trouvait ce rituel peu acceptable et décidèrent de remplacer ce dieu par un Saint martyrisé 200 ans plus tôt, soit Saint-Valentin. À l'époque, celui-ci avait décidé de défendre l'amour en mariant les couples malgré l'interdiction de l'Empereur Claude II. L'Emperuer avait interdit le mariage puisque cela empêchait les hommes de s'enrôler dans l'armé. Lorsque l'Empereur découvrit les comportements de Valentin, il l'emprisonna le jour du 14 février 268 et le fit décapiter. Avant de mourir celui-ci avait offert sur un feuille en forme de coeur un message à sa bien aimée qui disait "de ton valentin". Durant le mois de février, les romains s'échangèrent des mots doux que l'on nomma plus tard des valentins. La coutume d'envoyer des cartes s'est répandu en même temps que le christianisme. (source...)"

Via Québécois.eu, j'attrape les ondes d'une Parisienne et d'un Québécois à Paris, et j'y découvre une image empreinte d'un zeste de romantisme qui transcende les millénaires...

Voir aussi les Valentinades chez La grande Rousse...

mardi, février 13, 2007

...

Un homme est fait de choix et de circonstances. Personne n'a de pouvoir sur les circonstances, mais chacun en a sur ses choix.
Eric-Emmanuel Schmitt

On a toujours le choix. On est même la somme de ses choix.
Joseph O'Connor

Maîtrisez la langue. Le choix des mots est essentiel.
Daniel Jouve

lundi, février 12, 2007

Toast d'hiver

Trinquer l'Hiver

Blue-Bar

Noyer les blues givrés en des verres gelés. Laisser délirer les imaginations fantasques. Se réchauffer les idées transies. Inspirer des bouffées de fantastique. Savourer les délices translucides d'une blanche saison aux atmosphères congelées. À la vôtre...

dimanche, février 11, 2007

Rencontres du neuvième type

Rencontres du neuvième type (Épisode II

Le ciel se voile et la température remonte au dessus des -20. Cela fait des jours
que je n’ai pas mis le nez dehors! Je décide d’aller prendre l’air. Je tourne le dos
au lac pour me diriger vers la forêt. Je m’engage sur un sentier de motoneige déserté.

Je pénètre dans la forêt. Je me réchauffe un peu. Tout est silencieux. Malgré moi,
j’entrevois un arbre non loin du sentier qui, d’un coup, m’intrigue. Je m’arrête.
Une puissante attraction me pousse à sortir du chemin pour m’approcher de cet
arbre à l’écorce déchiquetée. Sans m’en rendre compte, je m’enfonce dans la
neige. J’arrive au pied de cet arbre. Son tronc est constellé de dizaines de trous
plus ou moins gros. C’est étrange. Est-ce une cité d’écureuils? Depuis quand est-
ce que les écureuils vivent en troupe?

Je tends la main vers l’une de ces cavités. Mes doigts accrochent quelque chose de lisse que j’agrippe. Je retire mon poing fermé pour l’ouvrir à l’air libre. Je découvre une petite bourse de cuir. Ma curiosité l’emporte sur ma raison et je délie le nœud qui ferme cette étrange bourse. Aussitôt, une fumée opaque s’échappe. Mes oreilles bourdonnent. Je sens tout mon corps s’engourdir. La fumée se dissipe alors pour révéler une créature nonchalamment appuyée contre le tronc de l'arbre. Je ne peux plus bouger. Je crois la reconnaître. Moitié homme moitié arbre, elle me regarde de ses deux orbites taillées à la hache. Sa bouche aiguisée s’ouvre pour me parler. Collée à la neige, je n’ai plus conscience de mon corps. J’entends sa voix rauque résonner au creux de ma tête.

- Long time no see. Je t’attends depuis plusieurs semaines…

Frustrée, je le regarde sans penser l’ombre d’une parole. Il poursuit :

- Tout comme lors de notre dernière rencontre, tu peux communiquer télépathiquement avec moi. Tu n’as qu’à penser à ce que tu veux dire et je t’entendrai parler comme si tu le faisais à voix haute…

Butée, je force le silence dans ma tête. J’essaie de me déplacer mais je suis incapable de bouger une seule parcelle de mon corps. Il continue :

- Tout comme l’autre fois, j’ai altéré ta réalité en te décalant de ta dimension réelle. Tu ne peux rien y faire! Tant que nous n’aurons pas discuté, tu ne pourras pas en sortir! Ainsi est le sort que je t’ai jeté.

- Tu m’énerves!
- Ah! Ça y est tu te décides?
- Je ne décide rien du tout! Qu’est-ce que tu me veux encore?
- Je suis revenu te proposer un nouveau deal
- Ouais, t’as de l’espoir…
- En effet. J’ai toujours de l’espoir sinon comment pourrais-je passer l’éternité à me dédier à ma tâche?
- Bof, je m’en fous un peu! Mais puisqu’on en est là, rafraîchis moi la mémoire, c’est quoi ta job encore?

Ses minuscules doigts de brindilles farfouillent l’intérieur de son costume pour en ressortir une minuscule carte qui scintille sous la lumière du jour. J’observe sa bouche de bois s’ouvrir et se fermer sans faire un seul son.

- Je suis un agent secret du bureau IMD, "Interspirit Mental Divisions". C’est moi qui suis responsable de ton dossier.
- Ah parce qu’en plus j’ai un dossier, vraiment je suis gâtée!
- Tu sauras pour ta gouverne que le Bureau n’oublie jamais l’un de ses cas. Lorsque tu as été contactée une fois, il est fort probable que tu le seras de nouveau au cours de ton existence. Je constate que tu es très réceptive à notre aimant interdimensionnel!
- Super! Mais si je me souviens bien, tu n’as pas eu gain de cause lors de notre dernière rencontre. Qu’est-ce qui te fait croire que tu m’auras cette fois-ci?
- Disons que ton dossier a été étudié avec attention. Il apparaît que nous avons désormais une nouvelle ouverture…
-Pfff, n’importe quoi! Non mais vraiment tu m’énerves! Tu veux pas me lâcher le grain?

La créature se renfrogne. Je la vois se courber sur elle-même. Je sens une colère savamment maîtrisée poindre sous la douceur de ses paroles. La chose ne se laisse pas impressionner par mon esprit fermé.

- Je disais donc qu’une nouvelle autorisation de changement de peau a été acceptée et que je suis là pour t’en avertir. It's all set. Tu as été déclarée apte à la transition, le processus est enclenché, tu ne peux plus reculer…
- Pfff, tu dis n’importe quoi pour me forcer à te croire! Ouais, je suis sûre que toi et ton Bureau de je sais pas trop quoi, vous ne pouvez rien faire sans mon accord! Si c’était le cas, tu n’aurais pas besoin de communiquer avec moi de la sorte…
- Ah! J’avais oublié cette perspicacité que tu possèdes. Disons que tu n’as ni tout à fait raison, ni tout à fait tort. Mais ne tiens-tu pas à en savoir davantage?
- À quel sujet?
- Tu fais la maligne, mais je suis capable de percevoir que cela te démange d'en savoir davantage. Allez, no mind games, tout est sous contrôle. Anyway, je ne suis pas certain que tu tiennes tant que cela à ta peau. Donc, comme la dernière fois, le Bureau te propose la peau de Vanessa.
- Vanessa?
- Ne fais pas l’idiote! Vanessa Paradis!!!
- Mais qu’est-ce que vous lui voulez à cette pauvre fille! Vous ne pouvez pas la laisser tranquille? Et moi avec! Elle n'a sûrement pas envie de changer de peau et sûrement pas avec la mienne! Tout ceci est ridicule et cruel!
- Tu sais, tu n’as absolument rien à craindre, c’est un procédé vieux comme le monde. Il s’opère sans aucune douleur. Il suffit d’accorder le sommeil des deux cerveaux et bang! C’est fait! Tu te réveilles chez elle, elle se réveille chez toi, tout va bien.
- Ouais, si elle t’entendait, pas certaine qu’elle serait convaincue non plus! Je ne suis pas dupe, je comprends bien ton petit jeu de tentations. Qui ne rêverait pas de se retrouver dans le lit de Johnny ?

Malgré l’engourdissement de mes membres et l’irrationnel de la situation, mon esprit est incroyablement lucide. Je reconnais le danger sans être en mesure de le cerner. Je pèse et soupèse chacune de mes pensées. L’homme fait d’écorce se détache du tronc qui le soutient; de ses jambes faites de branches, il fait un pas vers moi. Je fixe ses minuscules dents, si bien aiguisées, si luisantes. Il m’explique:

- Tu es désormais mère. La première fois, tu n’étais pas prête. Tu voulais un enfant. Tu ne voulais voler les siens et tu ne savais pas ce qu’être parent signifiait. Maintenant que tu as enfanté, tu es plus apte à la conversion. Après étude de ton cas, nous constatons que vous avez les mêmes vues sur les grandes lignes de la vie. Cela nous confirme que nous avons fait le bon choix. Il te sera facile de t’attacher à ses petits. Tu peux avoir totalement confiance en elle pour materner ta fille.
- Non, mais t’es complètement débile! Qui te dit que je désire laisser ma fille et mon mari? Et mieux encore, qui te dit que ses enfants ne découvriront pas vite la supercherie? C’est stupide ton idée. Je n’ai pas le même langage ni les mêmes manières qu'elle! Je ne connais pas ses expressions. Sans compter que nous n’avons certainement pas la même terminologie interne! Et puis, tu prends ses gamins pour des cruches! Sans parler de son homme! Comme s’ils n'allaient pas sentir la différence? Et le mien dans tout cela? Il n'a peut-être pas envie que je m’éclipse! Et tu as pensé à sa réaction à elle? Tu lui a demandé son avis???

Il fait un pas vers moi. Je puise dans ma colère pour lui lancer :

- En plus, tu te fous complètement de ma gueule! Vanessa ne va pas s'ajuster au lac en une semaine! C'est comme changer de planète! Et dans son sens, cela devient cauchemardesque!
- La question ne se pose pas. Tu es la seule à posséder le pouvoir de décision. C’est entre tes mains que tout se joue.
- Hein? Mais c’est de l’arnaque pure! Elle va se faire avoir! Je suis sûre qu’elle adore sa vie et qu’elle ne veut pas en changer pour venir se terrer dans mon bois!
- Tu dramatises. Ta vie n’est pas si pire, elle possède aussi certains atouts. Qui te dit que secrètement elle n’envie d'une vie simple comme la tienne? En plus, cela lui donnera l’occasion de goûter à de la chair fraîche, ça la changera de son vieux croûton.
- Pardon?
- Ton mari est jeune et fringuant, il a presque 20 ans de différence avec Johnny, pour une fois, elle pourra déguster de la bonne chair fraîche!
- Non mais, t’es complètement malade! Je veux bien considérer mon homme comme de la chair fraîche mais dire que Johnny Depp est un vieux croûton, c’est de l’abus!!! Pis cela ne fait aucun sens, tu te contredis sans arrêt. Si ma vie est correcte, pourquoi est-ce que je voudrais prendre la sienne?!? C’est franchement pas net ton deal!

Je le vois faire un autre pas vers moi. Je ne me laisse pas intimider, je continue :

- Encore que j’accepte, comment pourrais-je reproduire qui elle est sans la connaître? C’est pas en me glissant dans sa peau que je vais pouvoir être ce qu'elle est! Je ne suis ni chanteuse ni actrice! Il ne me semble pas que l'on ait les mêmes personnalités! Et surtout pas les mêmes expériences! Non vraiment, cela ne fait aucun sens! Je sais qu’il y a un piège dans ton histoire!
- Tu te poses trop de questions! Premièrement, vous êtes toutes les deux bilingues et vous parlez toutes deux français! Tu n’auras pas de mal à assimiler sa façon de parler une fois que tu auras pénétré sa mémoire et ses cordes vocales! Deuxièmement, tu ne soupçonnes pas à quel point vous avez de points en commun. Troisièmement, tu ne peux imaginer la capacité d’adaptation humaine, c’est phénoménal! Really powerfull! De plus, comme je te l’ai mentionné la première fois, tu peux tout à fait choisir l’option « court séjour »...

Je le sens s’adoucir. Il se déguise sous une nouvelle humeur pour essayer de mieux m’amadouer. Mais il cherche la petite bête sans en avoir l’air. Il me regarde gentiment. Il esquisse un sourire charmant. Il opine du chef et poursuit sur sa lancée :

- Imagine, te plonger dans son corps gracile. Pouvoir ensuite profiter de l’immensité de sa garde-robe! Voyager comme bon te semble, faire du shopping selon tes envies. Être financièrement libre...

Je sens qu'il m'aguiche. Des visions paradisiaques emportent mes pensées. Je fais de mon mieux pour ne pas les embrasser. Le paradis de Vanessa ne m'appartient pas. Je m'accroche à cette simple pensée tandis qu'il enfonce le clou:

- Vivre la vie faste des gens célèbres entre la Provence et la Californie. Aller froliquer sur une île déserte. Savourer la bohème chic de tes rêves. Ne me dis pas que ce n’est pas tentant! Et ne me dis pas qu’aimer son homme te serait difficile…

Tandis qu'il s'exprime en silence. Je le sens pénétrer mes pensées. Je vois pointer entre ses lèvres d'écorce ses minuscules dents, si nombreuses et étincelantes. Malgré la torpeur de mes membres, je garde une certaine vivacité d'esprit. Je chasse ces idées de paradis au petit goût de souffre. J'essaie d'oublier cette perche de bonheur qu'il me tend. je résiste :


- C’est sûr que sa vie est loin d’être affreuse! Mais aimer Johnny Depp avec mon coeur? Whoo, là t’en demande beaucoup l’extra-terrestre! Je n’ai pas un cœur d’artichaut! Pis je le connais pas, il est peut-être très con tu sauras!

Malgré moi l’image de Johnny me pénètre la cervelle. Je me languis subitement sur les images de ses films qui jouent dans mes idées. Je sens s’insinuer en moi le démon de l’envie.

- Okay, je te l’avoue, il a l’air incroyablement cool, super intéressant et physiquement délicieux. C’est certain que je pourrais me prendre au jeu! Mais on ne parle pas d’amour! Car même si j’explorais ma sexualité avec lui, encore que j’apprécie l’expérience, ce ne serait que du sexe. Sans parler de l'idée de faire l’amour avec les tout petits seins de Vanessa! Ouf! Bizarre! Enfin, il les aime bien, il doit sûrement savoir comment leur faire plaisir! Mais même si mon corps s'accorde avec lui, cela ne veut pas dire que mon cœur sera en phase avec le sien! Évidemment, je ne pense pas qu’il aurait besoin de me violer les premières fois, mais ensuite?
- Ensuite?
- Oui, ensuite! Lorsque l’attrait de l’aventure sera passé, lorsque je ressentirai son absence d’émotions envers moi. Lorsque j’aurai le manque de mon homme et ma fille dans le sang? Tu ne crois pas que les choses risquent d’être moins roses? Surtout si en plus les enfants soupçonnent quelque chose…
- Tu penses trop, tu compliques les choses! Et si je te dis que tu peux y aller que pour quelques jours! Tu n’as pas tant à t’en faire! That's easy! Je fais ce métier depuis des générations, je sais de quoi je parle. Il n’y a jamais eu de réclamations.
- Pfff! Tu mens, je le sens!

Il fait un autre pas vers moi. Il se dégage de ses lèvres entrouvertes une odeur mi agréable, mi fétide. Je m’étonne de la sentir. En plein hiver, normalement, l’on ne sent plus rien! Comment puis-je être capable de le sentir? Il s’approche. Son emprise sur mes pensées s’accentue. Je mets toute ma volonté à combattre ce magnétisme qui me perturbe l'esprit. Je le vois alors esquiver une ultime tentative de séduction.

Et, tout à coup, j’ai la tête pleine d’images merveilleuses qui défilent en une douce mélodie. Des images de bonheur intense, d’île paradisiaque, d’existences torrides. Un petit morceau de moi commence à flancher. Et si ce n’était vraiment que pour quelques jours? Il m’est de plus en plus difficile d’avoir les idées claires, de résister à sa tentation.

Pour garder toutes mes forces, je me concentre sur ce que j’aime dans ma vie. Je m’accroche à mes petits bonheurs. Je pense à mon homme qui me chérit, à ce petit bout de fille qui nous ensoleille la vie. J’évite de penser à mes insatisfactions. Je me polis la raison. Je commence à comprendre que tout repose sur un seul choix.
Et si en fait, cette créature n’était rien d'autre que le symbole d’un choix? L’acte de choisir est puissant. L’on en sous-estime l'importance. Après tout, le pouvoir de choisir n'est-il pas l'un des grands pouvoirs que possède notre humanité?

Il est vrai que les choix sont toujours abstraits. Pourtant ceux-ci peuvent entraîner de lourdes conséquences tout à fait concrètes! Ne pas faire le bon choix est dangereux. Et si tout le danger de cette créature se cachait là? Sa proposition est alléchante, mais n’est-ce pas justement trop alléchant pour être réellement bon? Je reprends le contrôle de mes émotions. Je réplique avec calme et fermeté:

- Encore une fois, je me vois dans l’obligation de refuser ta proposition. Je dirais même qu’il y a erreur de jugement sur la personne. Ton Bureau n’est pas des plus compétents, vous devriez en revoir la gestion! Ne savez-vous point que le but ultime de ma vie est de me sentir bien dans ma propre peau! Pas de changer de peau! Même si j'envie le paradis de Vanessa, cela n'est pas le mien! Je travaille à ma propre réussite intérieure. J’aime ma bohème boisée. Elle n’est peut-être pas chic mais elle est sereine! Les obstacles sont nombreux. Mais je suis tenace. Je surmonte les épreuves et je continue d'avancer sur ce chemin qui est le mien. J’ai la chance d’avoir un homme extraordinaire pour m'apprécier telle que je suis, pour m’aimer même lorsque je me déteste, pour me soutenir lorsque je faiblis, pour m’offrir une jolie famille. Tout le monde ne peut pas en dire autant. J’en suis bien consciente! Et je ne cracherais certainement pas sur ce que je possède déjà pour les beaux yeux de Vanessa! Sans compter que j’ai mis au monde un petit rayon de soleil qui illumine les ombres de mon cœur. Et toi, tu voudrais que je lâche tout cela pour quelques envies aussi superficielles que futiles? Non, tu m’énerves, allez, zou, disparais de ma vue et laisse moi tranquille!!!

J’envoie en sa direction une gigantesque vibration. J'y condense toute ma volonté. La créature vacille, elle recule de deux pas. Elle essaie d’ouvrir une dernière fois la bouche avant de s’évaporer en une épaisse fumée sombre. Pouf, elle n'est plus!

Je suis de nouveau seule. J’entends piailler quelques oiseaux dans les branches au dessus de ma tête. Je sors de mon étrange torpeur pour réaliser que je suis complètement gelée. Je ne sens plus mes doigts. L’air glacé me fouette le visage. J’ai de la neige jusqu’aux cuisses. Je frissonne de tout mon corps. Je reprends possession de ma chair. Je fais un pas puis deux, puis trois. Je me dépêche de retourner sur ce sentier d’où je m’étais égarée. Puis je prends mes jambes à mon cou et je file chez moi à la vitesse de l'éclair…

vendredi, février 09, 2007

Lorsque l'amour dégouline

Un pére charmant...

Dans la pénombre d’une soirée tranquille, il se confie à mes oreilles attentives:

- Tu sais, le soir, quand tu vas t'entraîner, juste avant de la coucher, je la prends dans mes bras pour lui chanter une chanson, elle est toujours si contente, elle me regarde avec son grand sourire et ses yeux qui pétillent dans les miens et là je fonds complètement. C’est hallucinant comment elle me fait fondre!!! J’ai presque envie de lui dire :"Me regarde pas comme ça ma Lily, j’en peux plus de fondre, regarde je dégouline…"

Rouler des mécaniques

L'expression de la semaine ne se prend pas pour de la mer...! Elle est plus délicate que sa jumelle (que j'utilise dans la phrase précédente) mais j’imagine qu’elle a aussi plusieurs soeurs du même acabit! Un peu archaïque (elle trimballe quelques rides), celle-ci m'a toujours fait doucement sourire (jaune) en m'offrant l'image de l'orgueil qui roule sa bosse maligne sur l'humain imparfait...

EXPRESSION
« Rouler des mécaniques »

SIGNIFICATION
Rouler les épaules. Avoir une attitude prétentieuse et/ou agressive.

ORIGINE
Au début du XXe siècle, on disait "il en a dans les mécaniques" pour désigner quelqu'un de physiquement solide. Bien sûr, les 'mécaniques' sont ici le squelette et ses articulations qui, s'ils sont bien constitués et résistants, permettent à son propriétaire d'être considéré comme un homme robuste et costaud, pour peu qu'il soit aussi bien fourni en muscles. Rouler des mécaniques désigne une exagération gestuelle, une outrance de comportement destinée à tenter d'en imposer à ceux qui se laissent facilement impressionner.

À tenter, seulement, ainsi que le verbe 'rouler' l'indique par les sens argotiques qu'il avait à la même époque. En effet, 'rouler' voulait aussi dire "trop en faire" ou "exagérer" et un 'rouleur' était un "bavard" et même un "fanfaron", exactement comme notre rouleur de mécaniques.

mercredi, février 07, 2007

Ces journées là...

Ces journées là...

À peu près une fois par semaine, Lily-Soleil va passer la journée chez sa grand-mère. Ce qui me permet de rester seule pour essayer de travailler un peu, pour retrouver un souffle de vie personnelle, pour entretenir le maudit ménage sans traîner un petit bout de chou dans mon sillage. Coquin bambin qui prend un malin plaisir à défaire ce que j’essaie de faire. Plier-déplier, ranger-déranger, laver-salir, grogner-rire...

Dans l’idéal, ces journées là me préparent à l’idée d’envoyer d’ici quelques mois la petite à garder. On est toujours pas aller voir la gardienne à deux pas mais l'idée fait son chemin. Je sais que viendra le jour où je ne pourrais plus reculer. En principe, cela me détache de la petite bête assez longtemps pour que je me souvienne que j’existe aussi, que j’ai des ambitions, l’ébauche d’une carrière à dessiner, une identité individuelle à exploiter.

Ces journées sans Lily filent toujours à la vitesse de l'éclair. Elles m'offrent un souffle de liberté que j'aspire avec l'avidité d'une noyée. Elles ont toujours un petit goût amer. Je n’ai jamais assez de temps pour finir tout ce que je voudrais faire (même si je sais dès le matin que c'est impossible vu que je n'ai que deux mains et un cerveau, il faut donc agir selon les priorités du jour et ignorer les inspirations embrumées ) et j’ai toujours cette même impression de me courir après la queue. Impressions d’inachevés qui me restent sur le coeur. En quelques heures je fais mon maximum pour n’y voir en bout de ligne que le minimum. Ce sont des journées aussi calmes que frustrantes où je dois penser le moins possible à l’enfant si je ne veux pas me prendre en plein visage quelques claques de culpabilité maternelle. Je crois bien que ces journées là me torturent un peu l'esprit.

Puis la petite revient dans les bras de son père. Elle me sourit. Elle me tend les bras. Je la serre contre moi. J'hume son odeur de chérubin. Elle se colle à ma peau. Son regard cherche le mien, l’accroche et en l’espace de quelques secondes, je refais passer mes envies après sa petite personne qui m'aspire de sa "mignonnerie". Et j'oublie presque que ces journées là qui déchirent un petit peu de l’intérieur...

L’art selon Botero

L’Art selon Botero

Fernando Botero donne du volume à ses réalités car il croit que l’exaltation de l’existence et de la sensualité permet une jouissance de l'art forte et directe. Il maîtrise ses talents d’une main de maître et construit son propre baroque sous différentes formes d’expressions: sculptures, dessins, toiles.

Botero est un artiste qui refuse de se laisser emprisonner par les contraintes des proportions et qui n’hésite pas à se donner des défis pour se surpasser. Il explique ainsi la théorie qui se cache derrière ses natures mortes « Il y a la preuve de l’orange pour trouver l’originalité de quelqu’un. Une orange, c’est ce qui existe de plus simple dans la nature. Chaque grand artiste a pourtant fait cette orange de façon personnelle. C’est la même orange mais c’est différent. Comment est-ce possible de donner une personnalité à un tel objet? L’art c’est faire la même chose d’une façon différente! L’histoire de l’art c’est cela, ce n’est pas l’innovation des sujets mais la personnalité, c’est l’histoire du style finalement, c’est l’histoire des idées folles. Dans l’art il n’y a pas d’idées absolues qui soient la vérité. Chaque artiste possède sa vérité. C’est cette expression de la vérité de chaque artiste qui nous fait penser et réfléchir. C’est le jeu intellectuel de l’art, cette compréhension du style de chacun. »

Sa liberté de création, toute en rondeurs, s'affirme au fil de ses œuvres qui incitent au bonheur et à la réflexion. Conscient du monde qui l'entoure, il se préoccupe de la violence et la dénonce avec éclat dans ses toiles qui traitent de cette actualité qui le touche. Son univers, aussi vaste qu’éclectique, nous entraîne vers cette réalité parallèle qu’il décrit avec passion : « Il y a le style d'un coté et de l’autre un sujet qui représente une réalité transformée, exagérée si l'on peut dire, ceci afin de créer cette réalité parallèle si importante à l'art. L'on vit dans un monde que l'on connaît, que l'on comprend mais il y a un autre monde créé par la littérature, l'art, la musique. Cette exaltation évolue à un niveau intellectuel différent, dans un monde poétique, c'est un refuge de la dure réalité de tous les jours. Cela fait rêver… »

Fernando Botero, un peintre en constante évolution qui se contemple pour la première fois au Canada avec cette exposition de 100 œuvres variées. Cette rétrospective unique éclaire toutes les étapes qui jalonnent la carrière de cet artiste prolifique…

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L’univers baroque de Fernando Botero s’expose au Musée des Beaux-Arts du 25 janvier au 22 avril.

mardi, février 06, 2007

Bébé fouine

Bébé fouine

Hacker n.m. – 1984 ; mot angl probalt de to hack arg. « perdre son temps » Anglic. Pirate informatique qui agit par goût du défi sans intention de nuire. Recomm. offic. Fouineur.


Baby Hacker
envoyé par Etolane


Lily-Soleil (15 mois dans 4 jours) « hacke » ma plate forme informatique! À chaque fois que j’ai l’audace d’essayer de travailler à ses cotés, cela ne prend pas de longtemps pour qu’elle s’insinue dans mes programmes, s'installe aux commandes et me force à changer de direction…

Je remarque d’ailleurs qu’elle pratique de plus en plus l’art du mimétisme. Hier, surprise, je la découvre sagement concentrée à un drôle de jeu qui m'épate. N’est-ce pas moi qui, d'habitude, lis des magazines en sirotant une canette de Coke Diet? La voir reproduire des gestes que je reconnais m’amuse et me bouleverse un peu. Mon petit bébé grandit, s'épanouit, mon amour aussi.

Je remarque que c'est de plus en plus une petite fille qui se façonne, indépendante, elle s’inspire de son environnement, elle imite, elle comprend, elle apprend. Je sais à quel point l’influence de nos gestes, de nos opinions et de la façon dont nous menons notre vie aura un impact sur le cours de ses jours. La responsabilité et le besoin que je ressens à être une bonne mère grandit avec elle. Le sentiment d’être parent se précise. La sensation devient de plus en plus forte, moins abstraite. « L’Être » parent m’interpelle de plus en plus souvent. Je ne crois pas que l’on devient parent, d’un coup de baguette magique, à la naissance de l’enfant. Non, je crois bien que devenir un bon parent s’acquiert au fil du temps…

lundi, février 05, 2007

Doit-on tolérer l’intolérable?

Doit-on tolérer l’intolérable?

C’est la question que je me pose en cette polémique qui fait rage autour des accommodements raisonnables. Doit-on pousser l’idée de la tolérance jusqu’à tolérer les intolérants?

Je crois au multiculturalisme tout en me demandant soudainement s’il ne faut pas poser certaines limites. Le multiculturalisme doit se fondre dans une subtile intégration cohérente pour la société en son entier. Une intégration qui repose sur l’adaptation de fond que doit effectuer le nouvel immigré qui décide refaire sa vie en nos contrées. En tant qu’immigrée, je sais bien qu’il est impossible d’expatrier la mentalité du pays qui m’a vu naître en ma réalité présente. Et c'est tant mieux! Si ce n'était pas le cas, à quoi bon immigrer? Mon origine n’est pas « pure laine » mais je tisse la toile de ma vie en ce pays qui m’a adoptée et je suis fière de m'y sentir intégrée. Le secret de la facilité de mon expérience personnelle se trouve évidemment dans le fait d’avoir pu immigrer à un âge où il est facile de s’adapter. À l’aube de l’adolescence, l’on est encore à se construire, l’on se cherche, l’on se découvre, l’on se forme, tout est possible…

Avant de devenir canadienne, j’ai d’abord été montréalaise, ce fut la première étape de mon intégration. À 20 ans, j’ai été déclarée citoyenne. J’ai profité d’un passeport canadien pour voyager, j’ai commencé à mieux comprendre ma peau. Je suis devenue hybride...

C’est durant mon processus d’intégration montréalais que j’ai découvert les richesses du multiculturalisme. Je me suis toujours baignée dans ses eaux avec bonheur. Découvrir les saveurs, les essences d’autres communautés m’a ouvert grand l’esprit et a effacé toute trace de racisme que mes aînés auraient pu inconsciemment essayer de m’inculquer. Parce-qu’il ne faut pas charrier, si l’on considère le Québec raciste que dire de la France? De toutes façons est-ce que le racisme ne fait pas partie de ce lot de bêtises qui affaiblit l’humanité? Un lot qui recèle les dizaines de défauts (l’avarice, la méchanceté, la cupidité, la jalousie, l’égoïsme, l’ignorance, l’indifférence, la violence etc.) que trimballe l'humanité sur son dos. Le Québec n’est pas le paradis sur Terre et si l’humain était capable de perfection cela se saurait!!! Nous sommes tous des êtres imparfaits. Cependant vivre au sein d’une société capable d’accepter, d’apprécier et de respecter les différences d'autrui est, à mon avis, une sacrée chance…

Cependant, ce n'est qu'une décennie après mon arrivée (en choisissant d’aller vivre dans le bois) que j'ai découvert le coeur du Québec, que je l'ai entendu battre sous ma peau. À l’époque mes amis québécois étaient plus montréalais que québécois, lorsque nous allions tous ensemble dans des chalets, je ne voyais que des grands espaces, des lacs et de la forêt! En quittant Montréal, j’ai découvert la « québécitude ». Une nouvelle étape dans l’évolution de mon identité d’immigrée. Je n’ai pas vraiment trouvé ce passage difficile puisque j’étais déjà bien habituée aux us et coutumes de ma terre d’adoption. En m’installant les jours dans un petit village (bordé d’un grand lac) aux alentours de la vieille capitale, j’ai enclenché la phase terminale de cette intégration qui me fait québécoise de cœur sinon de sang! Je n'ai pas l'accent pointu, j'ai le parlé et la culture mixés d'influences diverses, malgré le fait que je me place dans une certaine minorité auditive, je me fonds avec plaisir dans la masse bigarée...

Tout au long de mon parcours qui se déroule sur deux décennies, il est vrai que j’ai parfois vu ou ressenti quelques bribes de racisme modéré, rien d'insupportable, de la bêtise qui glisse sans heurts. Je n'ai jamais souffert d'intolérance. Il faut avouer qu’en étant blanche, pas trop laide et francophone, il m'a toujours été facile de désamorcer les grenades désobligeantes. J'aime vivre ici et je ne regrette pas l'hexagone. Il y a, ici, une liberté d’exister et une qualité de vie qui m’enracinent. Vivre et laisser vivre. Il se dégage de ce principe un subtil équilibre fondé sur des règles invisibles. Chaque liberté s’arrête aux frontières de celles qu’elle rencontre. Malheureusement ces frontières abstraites, subjectives, impossibles à clairement définir, où s'entremêlent perceptions, passions et traditions, incitent aux discordes. Il y a de l'huile sur le feu! En principe je suis tout à fait pour les accommodements raisonnables mais en pratique il semble qu’il faille poser certaines limites. Ne doit-on pas raisonner le raisonnable pour ne pas tomber dans la déraison qui entraîne la dérision comme c’est le cas à Herouxville?

Subsiste le fond de ma question doit-on tolérer les idées de ceux qui sont intolérants? Doit-on tolérer chez les autres ce qui est intolérable chez nous? Si les autres sont chez eux, la question ne se pose pas vraiment. Mais si chez eux c’est chez nous maintenant? Si c'est ici, terre de tolérances où l'on vit et l'on laisse vivre, doit-on faire des courbettes si basses qu’elles nous font glisser et tomber sur les fesses? Ou ne doivent-ils pas plutôt apprendre les coutumes de leur pays d'accueil, les respecter, les assimiler à leur culture, les diluer dans ces traditions qu'ils importent en leurs bagages émotionnels pour se reconstruire une meilleure vie? La tolérance et l’intégration font généralement bon ménage mais comme dans tout couple, rien ne va sans équilibre…

Atteindre l’équilibre lorsque l’on est humain, c’est tout un défi. Pourtant je crois fermement que la société québécoise est assez bien équilibrée pour être à la hauteur de relever un tel défi. À suivre…

dimanche, février 04, 2007

En trois phrases (les yeux dans le beurre de peanut)

En trois phrases (les yeux dans le beurre de peanut)

Ce que je trouve pas mal rude dans ma nouvelle « parentitude »?

Les lendemains de veille! Lorsque la soirée entre amis se prolonge jusqu’au creux de la nuit et que l’on se couche quelques heures avant l’aube, le réveil matinal est brutal. Le bambin fringuant s’ouvre comme une rose au jour levant tandis le vieux parent grince des dents en s’extirpant difficilement des doux bras de Morphée…

En catastrophe…

En catastrophe…

Vendredi nuit, nous nous câlinons tendrement sur le sofa. Il est presque onze heures. Le téléphone sonne. Juan répond et fronce des sourcils d’un air sérieux. L’air interrogatif je le questionne du regard. Il raccroche et m’explique qu’une proche voisine a des saignements. Enceinte d’une dizaine de semaines, elle a besoin de quelqu’un pour garder le sommeil de sa petite fille de cinq ans. Elle a vu que la lumière était allumée chez nous. Notre autre voisine, vieille dame remplie de gentillesse, va l’emmener à l’hôpital en ville. Son homme n’est pas là. Juan traverse la rue sous une fine poudre de neige. Les températures remontent et l’air est presque doux, l’on doit frôler les – 5. Le silence étreint l’atmosphère nocturne. Je me souviens que nous sommes un soir de pleine lune…

Notre enfant dort paisiblement. La voiture laisse des traces sur la neige fraîche. Je regarde partir les deux femmes avec un serrement au cœur. Nos vies s’entrelacent par dessus les arbres. Notre soirée calme se mêle au drame de la leur. Je souhaite le meilleur à cette femme qui a déjà connu plusieurs fausses couches avant de mettre au monde sa fillette si mignonne (que je croque souvent l’été en photo). C’est Yolande qui l’emmène à l’hôpital. C'est elle qui m’avait chuchoté la grossesse en cours, à l’automne, sur le ton de la confidence. L’hiver l’on ne se voit guère dans le voisinage, chacun vaque à son quotidien hivernal. L’on se sourit de loin et l’on se dépêche de rentrer dans la chaleur de son cocon. Je me doutais que la dame en question attendrait le printemps pour nous montrer sa bedaine épanouie. Je me doutais, à ses airs tendus, qu’elle croisait les doigts pour que pousse sa bedaine…

Juan se rappelle que j’ai moi aussi connu quelques saignements à mon premier trimestre. Je me rappelle de l’horreur du sang que l’on ne veut pas voir et des sanglots étouffés qui accompagnent cette angoisse pernicieuse qui fracasse l'esprit. Heureusement, en ce qui me concerne, le bébé était bien accroché, Juan en était d’ailleurs persuadé, (Monsieur, je me suis souviens de ma giclée féconde!!!), en fait c’est plutôt la mère qui, à long terme, faillit y perdre sa vie! J’ai eu une grossesse difficile mais à chaque visite médicale j’écoutais les battements de cœur d’un bébé en pleine santé. J’y ai perdu la mienne mais j’ai pondu un petit être bien formé! C’est ma seule victoire dans ce cheminement ponctué des échecs de ma peau. Un an pour me remettre de neuf mois de gestation! Cela fait un peu pitié! Je compte encore une autre année d'efforts pour me retrouver comme «avant », bien dans mon corps, confiante dans ma tête. Une grossesse que j'ai vécu comme un parcours du combattant où les complications faisaient la loi de mes derniers mois. C’était toujours moi qui était visée et j’en suis bienheureuse. Durant chaque épreuve physique, la bonne forme de mon bébé m’offrait une force inouïe pour combattre inquiétudes et malaises. Encore maintenant, à chaque fois que je la regarde, son énergie si pure est comme un rayon de soleil qui m’illumine le cœur…

L’amour que je ressens pour mon enfant est incomparable. Il me déconstruit pour mieux me reconstruire. Il me bouleverse et me grandit. Il m’ouvre à de nouvelles perspectives. Il m’offre l’avenir. Il m’immortalise. C’est un sentiment si puissant que parfois il m’absorbe toute entière. Je dois alors puiser dans toute ma volonté individuelle pour ne pas m’y perdre l’être. Je suis encore en apprentissage. J’apprends à le comprendre, à le gérer, à l’équilibrer avec le reste de ma vie. Jour après jour, je découvre et maitrise la mère poule que je suis…

Alors que j’écris ces mots qui s’éparpillent, alors que mes paupières s'alourdissent, je pense à mon homme qui doit s’être endormi devant la télé de l'autre coté de la rue enneigée, je pense à ma voisine seule à l’hôpital. Je lui souhaite de ne pas perdre cet embryon de vie qui couve en son ventre. Les élans de mon coeur se tournent vers ses peines et je lui souhaite de souffrir le moins possible...