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Février s’achève et je n’en suis pas mécontente. Les journées ensoleillées se réchauffent. La lumière change. Les oiseaux chantent. Les jours rallongent. Un soupçon de printemps flotte dans l’air qui se décongèle. Goutte à goutte se meurt l’hiver…
Les derniers mois furent éprouvants pour ma pomme qui s’évade entre deux arbres. Je sors dehors, passe à coté d’un sapin et respire son odeur. Un véritable bonheur. Alors que depuis des semaines j’évolue dans un monde inodore, brûlant de froideur, hostile, voici un arôme qui se rappelle à ma mémoire givrée. Je m’arrête, je m’approche, je me baigne l’esprit dans cette subtile source aromatisée. Je la respire à plein nez. J’oublie mes soucis pour me fondre dans l’instant présent. Vivante. Vibrante. Le printemps est en chemin...
Au fil des jours qui s’écoulent, j’écris toutes sortes de textes que je ne finis point. J’attrape un temps de sieste bambin, je commence à structurer quelques pensées, puis je perds quelques mailles en répondant à l’appel de l’enfant. Ma concentration se trouble. Le temps me manque pour achever ces tricots d'idées qui s’empoussièrent. Un dossier où végètent les textes en attente se crée. J’apprends à vivre avec la frustration des mots qui grognent. Quatre phrases à la fois. Je m’éparpille. Je colle, décolle, recolle les morceaux de phrases. Je mixe, remixe, triture, cogite. Je lâche prise pour ne pas bloquer. Coté photos, c’est du pareil au même, des centaines de clichés à trier si je ne veux pas les perdre dans l’infini informatique. Sans parler des courriels que je lis toujours avec grand plaisir même si je peux même une éternité à y répondre! Le quotidien parental me rattrape la vie, m'aspire, transforme la texture de mes heures et m'éloigne de la machine infernale...
Je ne me suis pas séparée de Lily-Soleil depuis quelques semaines. Ma mère qui parfois la garde effectue des travaux de rénovation. Dans le fond, cela ne me pèse pas tant que cela. Plus je passe de temps avec elle et moins j’ai envie de m’en séparer (même si l'envie de me réchauffer les neurones me démange). J’ai l’impression de la connaître de mieux en mieux. Je la déchiffre. Je discerne les traits sa personnalité de plus en plus prononcée. Notre relation prend forme concrète tandis que je profite de ces moments de toute petite enfance avec bonne conscience. Ils sont rares et précieux. Je les collectionne en mon cœur gonflé de tendresse maternelle. Devenir parent au fil de l'enfant qui grandit. Viendra assez vite le futur qui effacera du revers de son présent ces moments fugaces et me redonnera des plages d’existence individuelle où m’épanouir la féminité…
Ce lundi matin, il fait doux, un -7 degrés sous un soleil éclatant. Humeur de ciel bleu poudre. Les oiseaux gazouillent sur les branches nues. La lumière est magnifique. La neige fond sans faire de flaques. Elle s’évapore gentiment. Pas de gadoue à l’horizon! L’air frais ballade un petit air de neuf. Lily-Soleil, de plus en plus autonome, de plus en plus indépendante me fait comprendre que ce serait bien d’aller dehors au lieu de se plier à une sieste matinale. Comme j’ai moi aussi bien envie de sortir, je m’habille et l’habille en deux tours de bras. Nous voilà sur la route, de bon matin, devant chez nous. Route, rue, arrière cour? Il y a si peu de voitures, pour ainsi dire aucune, que cela pourrait n’être un simple chemin qui traverse le voisinage.
La petite puce est aux anges, elle galope presque sur la piste blanche encore glissante. Elle chancelle, rattrape son équilibre et avance avec un petit peu plus de prudence. Elle s’amuse à courir après son ombre. Elle prend la direction qui mène vers le lac. En mode exploration, elle est alerte, avide de sensations. En quelques minutes elle a parcouru une bonne centaine de mètres. Elle s’approche d’une maison. Je la vois qui rigole. Je tourne la tête pour apercevoir une mamie voisine en Tee-Shirt et petite culotte, debout contre sa baie vitrée, d’une main elle tire sur son Tee-Shirt pour se cacher les cuisses et de l’autre fait des coucou à Lily-Soleil toute amusée. Je reste un peu surprise de la surprendre ainsi. Je la salue de la main. Elle me fait signe que la petite a beaucoup grandi, j’acquiesce d’un geste de tête . J’entraîne ma mini puce en direction de la maison. Elle charme une dernière fois la dame et gambade à nouveau sur le chemin de neige et de glace.
Pensive, je suis sa trace lorsque soudain je la vois s’arrêter net. Elle penche la tête. Comme gelée sur place, elle ne bouge plus d’un poil. Il me faut quelques secondes pour comprendre qu’elle écoute le chant des oiseaux! Toutes à mes pensées, c’est à peine si j’y faisais attention. D’un coup, j’entends moi aussi chanter plusieurs oiseaux à la fois. Je la vois qui se cherche un rythme, qui se trémousse, le sourire aux lèvres, elle se tourne vers moi et elle m’offre le plus pur des regards…
- Tu entends les oiseaux qui chantent?
- Aie yawe, gayyyaaaaa
- Oui, c’est les oiseaux dans les arbres qui chantent…
- Tsche du ga tuc we ya aaaa teu?
- On écoute les oiseaux? C’est de la jolie musique. Oh? En voilà un autre…
Attentive, en plein milieu du chemin, un petit doigt levé dans l’air du temps, elle se nourrit des gazouillis qui l’enchantent. Son innocence me transperce, me transporte, m’élève…
J'attrape l'instant pour le déposer délicatement en un tiroir de mémoire. Je réfléchis à l'Être parent. L'enfant absorbe le temps, force l'adulte à s'organiser, à s'assumer, à se responsabiliser mais il réapprend aussi l'amour et la douceur de vivre. C'est un retour aux sources qui inspire le meilleur, un condensé d'humanité qu'il faut guider par l'exemple de sa vie. C'est un sapré défi...
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