Etolane sort du bois...
Depuis que l’hiver nous enserre de ses griffes de glace, j’ai par moments des envies urbaines...
Non pas que je veuille absolument aller en ville, mais des effluves montréalaises viennent parfois effleurer ma mémoire. Des souvenirs de masse, d’activité humaine, de marginalité exposée, de bruit et de mouvements, d’idées par milliers...
Le calme et le silence enneigé, la vie simple des gens de la campagne, la nature endormie, le train-train des cours et du travail, l’ennui hivernal s’installe doucement. Même les chats trouvent le temps long, ils regardent des heures par la fenêtre, le regard lointain, perdu dans quelques souvenirs d’été...
Envie de voyages et de palmiers, tiraillement de la raison, efforts et évasion, un jour viendra...
Et puis, un hasard au coin de la routine établie qui dépayse quelques instants, assez pour calmer les envies urbaines et divertir l’esprit en manque d’originalité. Jeudi dernier, au hasard d’un atelier que j’animais pour le Groupe Gay de l’université, c’est exactement ce qui s’est passé...
À l’occasion du vernissage de l’exposition de leur asso, nous avons tenu après ce vernissage un atelier sur le *coming out* tout en couleur. Vin aidant, l’atelier ne fut pas des plus disciplinés. Plutôt une sorte d’attraction intellectuelle "live", mais je dois avouer avoir eu bien du fun. J’ai même entre deux temps "non-concentrée" réussi à écrire un passage érotique de filles qui a fait sourire plusieurs de mes camarades féminines...
Malgré une certaine pagaille, je me suis habituée aux réunions littéraires si calmes et composées de tant d’introvertis, que j’en avais presque oublié ce que c’était d’être entourée d’êtres extravertis, ce fut comme une bouffée de fraîcheur inespérée en une semaine débordée...
Mais le clou de ma soirée, ce moment qui me dépaysa l’âme un instant, me fit voyager par delà les frontières de ma réalité fut la performance visuelle de Chloé Bertrand. Durant le discours du président de l’asso et la contemplation des œuvres, j’avais remarqué cette fille marchant pieds nus sous une longue cape noire, très gothique. Je la surveillais du coin de l’œil, intriguée lorsque que je la vis se préparer et le président expliqua qu’elle allait faire une performance qui compléterait ces trois photos exposées sur le mur...
Appareil en main, je me pose aux premières loges et je me laisse emporter par
Lilith la vierge noire... Une vague qui grogne... Je fus submergée par l’intensité du personnage incarné, même si les valeurs de base, ne reflètent pas mes convictions profondes, j’ai aimé être en contact avec l’envers de ce en quoi je crois. Y trouvant toutes ces similarités qui font de la différence quelque chose qui nous ressemble...
Extraits en mots et images:
Je suis la femme sauvage
Je me nomme Lilith
Je suis la vierge primaire
Et la dernière concubine
Chœur : Lilith, celle qui donne, celle qui se donne, celle qui est donnée…
Vierge vestale du jour devant son four
Se nourrissant d’une cendre infertile,
Couverte de suie, l’amante de la nuit,
Son sevrage de flamme la laissant servile
Chœur : Lilith, celle qui abandonne, celle qui s’abandonne, celle qui est abandonnée…
Forgée d’une pomme encore non avalée par Adam
Une reine sans royaume et une esclave sans maître
Un démon qui porte fièrement son nom sans baptême
Chœur : Lilith celle qui pardonne, celle qui se pardonne, celle qui est pardonnée…
Je suis l’insoumise
À personne promise
Authentique et solitaire
Pure dans ma rébellion
L’indécence étant de mise
Suis-je pure ou impure ?…
Je suis noire mais je suis belle
Je suis la première,
Mais serai-je la dernière.
Moi qui aie rejeté Adam,
Suis-je vierge pour autant.
Vierge : se dit d’une femme qui n’a eu commerce avec aucun homme.
Je suis la sainte vierge d’une religion profane
Car aucun homme n’est venu entre mes jambes
Car aucune femme n’y est venue non plus
Je ne porterai pourtant aucun dieu en moi
Seulement des monstres et des chimères
Je suis porteuse espoirs morts nés
Et de cauchemars menés à terme..
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L’art est un puissant médium qui porte en lui toutes les nuances humaines. Captée dans l’instant, ne connaissant cette
Lilith que vaguement, je ressentis profondément la douleur, l’émotion à vif, l’humanité en plein émoi. Captivée, j'ai bien apprécié cette performance hors du commun. Lorsque celle-ci s’acheva, j’étais comblée! Montréal me faisait un clin d’œil à l’horizon de ma raison, j’avais été dépaysée, emportée par la différence, j’étais contente, ragaillardie...
Depuis, j’ai fait quelques des recherches sur
Lilith, intéressant, c’est l’autre coté de cette médaille que je porte en mon cœur. Je suis une fidèle de la Vierge Marie, j’aime son essence lumineuse, cette bonté qui se dégage de son image, cette douceur qui me réconforte...
Je prie Marie, je lui parle, je l’emmène dans mes promenades campagnardes, Marie représente la Mère, évidement de Jésus, mais principalement la Mère de nous tous sur Terre, elle est pour moi l’extension, la forme humaine de notre mère la Terre...
Je crois avoir la foi, mais je ne me sens pas adepte d’aucune religion en particulier, baptisée et communiée catholique, c’est là mon identité culturelle. C’est là que j’y ai trouvé Marie à laquelle je me suis tant attachée. Mais s’il n’y avait Marie, je crois que je serais tentée d’aller voir ailleurs. Parfois j'ai l'étrange impression de faire partie des filles naturelles de Dieu. Je crois en la tolérance, en l'acceptation, la gentillesse et la nature...
Bouddha a pris au fil des années de plus en plus d’importance dans ma spiritualité et je me suis toujours sentie proche de la spiritualité amérindienne. Si chez les chrétiens Dieu est Amour, chez les autochtones, Dieu est nature, et la Mère, notre Terre, bien présente, j'adore ces concepts qui me touchent profondèment...
Je me suis déjà rapprochée la religion juive, certains aspects me plaisent mais l’absence de Marie est trop forte à mon cœur pour que je ne puisse faire autre chose que de regarder comment cela se passe, comment cela croit...
Je ne connais que très peu la religion musulmane, disons que le sort qui y est réservé aux femmes a tendance à m’en tenir éloignée, j’ai bien l’impression d’être trop féministe pour le Coran! J'aime toutes sortes de spiritualités, je ne suis pas raciste, chacun a le droit de croire à façon, comme il lui en convient, aprés tout la spiritualité c'est bien complexe et très intime...
Il y a une chose dont je suis certaine au fond de mon coeur, c’est qu’indépendamment la nuance que *l’humain quelconque* apporte à sa vision de Dieu, c’est toujours la même chose. C’est toujours le même Dieu, cette même énergie lointaine, invisible, qui nous veut du bien...
Car si l’on regarde de près les grandes lignes des religions, cela finit toujours par se recouper d'une manière ou d'une autre. Nous sommes tous si compliqués dans nos petites bulles d'existences. Comment pourrions nous voir tous la même réalité lorsque nos réels se situent sur tant de minuscules planètes différentes qui gravitent tous en un même axe, celui de la Terre qui tourne inexorablement...