mercredi, décembre 20, 2006

À la recherche de l’hiver

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À la recherche de l’hiver

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Cette année, l’hiver semble fragile. Même s’il est arrivé avec force, tempête, coupure d’électricité et tout le tralala, il n’a pas résisté à ces étranges phénomènes qui sévissent partout sur la planète. Des phénomènes plus ou moins reconnus, de plus en plus étudiés, qui se déclinent sous l'idée confuse de "changements climatiques". Car changements il y a, même si cela reste confus, la récurrence des phénomènes en maintes variantes est de plus en plus effrayante.

Il y a 20 ans, on y pensait à peine, le sida débutait ses ravages et la planète n’était pas la priorité des soucis, tout tournait autour de l’humanité. Il y avait un début de considération pour les animaux et les théories diverses sur l’extinction des espèces ne passaient point inaperçues, mais l’idée du réchauffement climatique faisait sourire. La plupart en riaient. Moi même, je n’y croyais pas vraiment et même si cela arrivait, était-ce si grave? Il ferait plus chaud au Canada. Et alors, cela ne pouvait qu’en être plus confortable…

De nos jours, la météo est devenue une actualité comme une autre. Durant les cinq dernières années les problèmes climatiques sont de plus en plus mis de l’avant. Les saisons deviennent folles. Le grand Nord fond à vue d'oeil. L'on dirait même cela s’accélère année après année. Il est de plus en plus difficile de faire l’autruche. Maintenant les hivers sont de plus en plus doux, ceci devient une réalité, des dix dernières années, sept hivers se situèrent au dessus des normales saisonnières.

Ce mois-ci le phénomène est flagrant, étonnant, presque déstabilisant. Finalement, je le ne trouve pas si confortable que je l’aurais cru. Physiquement, je ne peux nier que c’est agréable. L’on a moins besoin de s’habiller de maintes couches superposées. L’on n’a pas l’impression d’ouvrir un congélateur géant à chaque fois que l’on ouvre sa porte. L’air ne pince pas, la peau ne se rétracte pas dès que l’on sort. D’un autre coté, la grisaille qui enrobe cette nouvelle douceur est d’un ennui mortel! La beauté de l’hiver québécois, à mon sens, c’est aussi le soleil. La lumière qui éclabousse la vue, vive lumière qui irise la neige et le gel. L’hiver, les journées sont courtes mais elles sont pleines de soleil. Et puis, il y a cette inquiétude diffuse qui naît de ces « anomalies » météorologiques, une sensation de subtil malaise...

Depuis des semaines, les températures s’élèvent joyeusement au dessus du point de congélation. Le Sud du Québec connaîtra un noël vert, plutôt inhabituel, une partie de la population se questionne. Et si cela devenait une normalité? Plus de grands froids, beaucoup moins de neige, quel pays deviendrait le Québec? Je ne peux m’empêcher de me demander à quoi ressemble l’envers de cette médaille, inondations, tempêtes, sécheresse? Au village, il reste encore une couche de neige d’une dizaine de centimètres qui habille le paysage, une couche devenue croûte de givre. Chez nous, Noël sera un petit peu blanc et très gelé.

Une soirée dans la ville de Québec illuminée mais non enneigée, l’on se balade à plusieurs sur une rue tranquille, la nuit est douce, l'on est normalement habillé. L’un dit :

- Man, on est quand même bien, il fait vraiment bon…
- Bizarre quand même, rétorque son voisin
- Ouais, mais on dirait pas le Vrai Hiver, c'est quand même plate, réplique une autre, et si dans le futur, il n'y avait plus de vrai hiver...

La conversation dévie un instant sur le temps sur le sujet, souvenirs d'enfance hivernale qui surgissent, instants d’incompréhensions partagés qui se dissipent malicieusement dans la nuit. Les jours passent. Dans mes courriels, une demande de ce site pour cette photo-ci. Un site qui se préoccupe des changements qui s’opèrent un peu partout dans le monde. Un site comme il en pleut de plus en plus un peu sur la Toile. Vidéos, articles, débats, scientifiques, politiques, beaucoup se penchent sur le sujet en question.

Où s’en va le véritable hiver, celui des anciens, celui qui fait l’essence du pays? Celui qui frigorifie, celui qui enveloppe le paysage d’un épais manteau de neige? Depuis deux jours les températures sont retombées sous zéro. Lundi dernier, le jour s’est levé à plus un degré, hier, il oscillait autour de -10 degrés, une belle dégringolade de saison. Mais les météorologues annoncent d’autres redoux et très peu de neige. En bref, aucune vague de froid à l’horizon. Hier, le soleil a percé des ouvertures dans la carapace grise du ciel. Il a accompagné le refroidissement ambiant de sa lumière perçante. Ce matin, point de rosée à -15, le voile gris monotone est de retour, les températures devraient remonter durant la journée, l’on espère cependant de la neige dans l’après-midi.

Lundi, je suis partie à la recherche de l’hiver. Dans une atmosphère humide et fondante, j’ai décidé d’aller écouter battre le cœur de la saison. Vérifier qu’il était encore bien vivant, histoire de me rassurer. J’ai pris un sentier oublié, parsemé de résidences abandonnées jusqu'au prochain été. Chanelle sur les talons, je suis descendue voir le lac et, en son sein, j’ai retrouvé l’hiver. Le lac prisonnier des griffes de la saison, transformé en une immense plaque de glace traître et glissante, m’a offert quelques frissons.

Dans la douceur du jour, le lac gelé vibre d’hiver. Au royaume des glaces, le silence est maître des lieux. La saison enserre de sa poigne glaciale la nature à mes pieds. J’écoute palpiter l’hiver qui gémit sans un bruit…

Sous-la-glace

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