lundi, février 11, 2008

À travers les yeux de l'enfance

À travers les yeux de l'enfance

DSC06578

Qu’est-ce qui se cache aux tréfonds du devenir parent? Se responsabiliser, se donner sans compter, « s’adultériser » ? Je réalise qu’au fur et à mesure que nous devenons une famille, nous incorporons en notre quotidien des activités familiales qui ne nous seraient jamais passées par l’esprit avant de devenir parents…

Voilà sept ans que j’habite en périphérie de Québec. Québec et son carnaval d’hiver de renommée internationale. Vu que j’habite à une quarantaine de kilomètres de la ville, je peux facilement oublier les festivités, savoir qu’elles existent sans m’en préoccuper, me réveiller une fois qu’elles sont finies en me disant : « Oups, ben on a raté le carnaval! ». Je suis une bestiole de festival, j’ai pas trop la piqûre Carnaval. Bien sur que je connais Bonhomme et j’y suis allée faire un tour une ou deux fois avec ma petite sœur, mais je n’ai jamais vraiment compris l’engouement qu’ont certaines personnes pour le Carnaval. Car ici, il y a de véritables maniaques du carnaval! Et à différents degrés la fièvre du Carnaval affecte une bonne partie de la population locale! Puis il y a la fameuse parade...

Jamais je n’aurai imaginé me retrouver un jour dans les rangs de ceux qui se gèlent les fesses sur un bout de trottoir pour voir passer des chars. Mais s’il y a une chose que j’ai appris dans ma vie c’est qu’il ne faut jamais dire jamais…

Ainsi lorsque l’homme me propose d’aller à la parade avec des amis qui ont des enfants, je réponds de suite:

- Mais oui, c’est une bonne idée…

Je sens une certaine hésitation dans sa voix :

- T’es sure?
- Ben oui, la petite va adorer…

La mère en moi a parlé. La mère en moi sait que c’est une activité familiale appropriée au bon développement de notre dynamique. Il est de notre devoir de nourrir la petite enfance de notre rejeton de mille façons positives et ce genre d'activité est très nutritive à l'imagination. La mère en moi n’a même pas pris en considérations ses propres inclinaisons, elle a juste suivi son instinct…

Une petite semaine plus tard, voilà venu le temps de se rendre à la parade. Une grippette m’affaiblit les sens, je me repose en essayant de passer au travers la cochonnerie toute seule. Arrive le temps d’aller à la parade et je traîne des pattes. Je traîne la jambe et je me botte la fesse! Avec quelques efforts et de la bonne volonté, je démarre mon moteur. Pour une fois c’est l’homme qui a tout organisé, le point de rencontre est chez Joe ( papa d’une petite fille de six ans), nous y retrouvons Dave (papa de trois fillettes entre 9 et 3 ans) ainsi que d’autres connaissances pour aller assister à la parade qui passera à quelques minutes de marche de chez Joe. La femme de Joe a mal au dos, elle restera à la maison. Vu ma petite forme, l’on me propose l’option de les attendre à demeure. Je pèse le pour et le contre. Ma faiblesse de l’heure, mon envie minime et les yeux pétillants de mon petit soleil. La mère en moi est la plus forte, j’enfile mes bottes et je suis la troupe dehors…

Heureusement il ne fait pas trop froid, la nuit tourne autour de -8, pas de quoi fouetter un chat. Il y a de ces années où la la température frôle les -30 à cette époque . Dés que l’on sort, je suis impressionnée par tout ce monde dehors. Le quartier de Joe grouille de petites troupes qui s’en vont à la parade! L’ambiance est bon enfant. Mon brin de fille haut perchée sur les épaules de son père rayonne. Nous sommes nous-mêmes un bon petit groupe! Nous arrivons à destination en quelques minutes et la foule pressée le long des trottoirs me laisse bouche bée! Je regarde la scène par les yeux de ma fille et j’en comprends facilement la magie. M’zelle Soleil, très observatrice, est supra sage. Elle absorbe tout ce qui l’entoure avec un demi sourire qui me rappelle trop ma propre personne. Elle a de ses façons de sourires, de ses expressions faciales qui me donnent l’impression de me regarder dans le miroir. Un miroir bambin qui reflète les traits de Juan. La nuit est fraîche. J’enfonce mon bonnet sur mes oreilles. Non loin des hommes et des petits, je me trouve un bon spot, debout sur un petit banc de neige accoté à un poteau électrique, je me pose et j’attends. La foule se presse, la foule est dense, la foule est omniprésente. Une foule composée majoritairement de familles en tout genre. À deux pas de moi je vois les hommes et les petits. Les fillettes les plus âgées sont allées se faufiler aux premières loges. Dave et Juan portent leurs petits bouts sur leurs épaules. Ma fille observe, toute gentille, elle attend le bonhomme d’hiver. Quelqu’un non loin de moi s’exclame : « On est de bonne humeur, c’est le Carnaval! »

à la parade

Les trompettes qui font parties intégrantes de la fête font un sacré tintamarre. Accotée contre mon poteau bien frais, je sens le froid s’insinuer en mes idées. Je cherche dans la foule une chaleur abstraite pour me réchauffer. Tout comme ma fille j’observe. Une petite heure plus tard, la parade devrait être sur le point d’arriver. Je commence à bien sentir le froid. Le poteau sur lequel je m’accote est gelé. Je commence sérieusement à saturer. J’échange des sourires avec une jeune femme à mes cotés. Enfin, arrive le premier cortège!!! Un truc bizarre que je ne suis pas sure de comprendre (d'ailleurs une fois la parade passée, après concertation générale, personne ne savait vraiment de quoi il s’en retournait de ce truc là!). La foule s’anime. M’zelle Soleil ouvre grand ses yeux. Je la regarde et je souris. Une vive émotion m'étreint le coeur. S’en suit une série de cortèges plus ou moins étranges, un crâne illuminé, des danseurs à la pelle, un bébé géant dans sa poussette, de gigantesques marionnettes, de drôles de bestioles, un thème de ballons multicolores autour du 400iéme, plusieurs concepts légèrement abracadabrants.

M’zelle Soleil est éberluée, les yeux ronds comme des billes, elle ne rate rien de l’action. Je regarde la parade à travers ses yeux et je frisonne de plaisir. Je la regarde avec mes propres yeux et je frissonne tout court! À travers ses yeux, je perçois toute la magie de l’événement. À travers mes yeux, je trouve le temps long et j’ai les extrémités qui gèlent, je bougonne toute seule. Pourtant lorsque je me plonge dans cette soirée à travers son regard qui luit de pur bonheur, j'en ressens toute une chaleur intérieure. La foule m’enrobe. Pour la première fois depuis des années je me souviens avoir fait partie de la parade qui célébra le 350iéme anniversaire de Montréal. Sur ce coup là, je n’étais pas bénévole. Avec l’Autre nous avions fait partie d’une troupe de danseurs. C’était l’été et j’avais à peine 20 ans. Une expérience que j’avais presque oubliée mais qui me revient comme un coup de trompette dans la tête! Une troupe de danseurs arborant des dizaines de pancartes d’où l’on peut lire (si mes souvenirs sont justes) « On vous sort dehors » me fait sourire un schouïa jaune.

Une femme derrière moi me pousse. Je grogne et la repousse en reprenant ma place. Depuis le temps que je prends racine à coté de ce poteau électrique, celui qui m’en délogera n’est pas né! J’échange un regard las avec ma voisine qui est là depuis aussi longtemps que moi. La femme derrière moi me parle et se plaint mais c’est à peine si je l’entends. Ma voisine de fortune prend ma défense avant même que je ne pense à ouvrir la bouche! Elle est bien gentille cette jeune femme accompagnée d’un homme et d’une petite fille à peine plus âgée que la mienne. Je ne prends même pas la peine de répondre à celle qui osa me pousser, je me contente de sourire à celle qui spontanément vint à ma rescousse! Quelques flocons commencent à tomber. Comme j’écoute des bribes de conversations au fur et a mesure que vibre la foule, je sais que le dernier char est celui de Bonhomme. Bonhomme annonce la fin de la parade. Je sautille sur place en espérant bien fort que Bonhomme arrive bientôt.

Parade de Carnaval

Je vois mon brin de fille qui sautille de joie sur les épaules de Juan. Une brise bien froide me givre les narines (y fait pas mal plus chaud à l’hôtel de glace!), les flocons se font de plus en plus présent et c’est à ce moment précis que débarque la mascotte du festival. Bonhomme est dans la place!!! M'zelle Soleil écarquille les yeux tandis que je soupire de soulagement (y’était temps, j’étais sur le bord de m’écrouler!). Bonhomme passe sous mon objectif en saluant la foule en liesse. Je laisse mon poteau pour retrouver mon homme. Notre petite gang se regroupe. L’on a tous l’impression d’avoir attendu plus longtemps que la durée totale de la parade. Les habitués se plaignent de sa petitesse. D’après eux, les autres années la parade était plus longue mais les chars étaient plus vieux! Tous s’accordent pour dire que tous les chars étaient nouveaux. Les habitués apprécient ce fait même s’ils ne sont pas impressionnés par l’ensemble. Les enfants sont heureux de leur sortie nocturne.

L’on reprend le chemin de la maison de Joe. M’zelle Soleil chantonne sur les épaules de son père, les hommes papotent, la foule se disperse dans les rues. La neige tombe de plus belle...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire