Grandir.
Il neige, il neige et il neige encore. Le ciel se voile d'ivoire. Le soleil lunaire éclaire les journées blanches qui se suivent et se ressemblent. Je vis en un monde monochrome. Par la magie de la Toile et d’envies féminines, je découvre une voisine de brousse. S'en suit une visite amicale qui illumine ma morosité matinale. Mon enfant sommeille, la solitude feutrée de la journée est à son comble…
Quelques instants de liberté pour accrocher quelques mots éparpillés. Depuis des semaines, j’ai cette impression partagée par mon homme que nous vivons des moments bénis avec notre brin de fille. La petite enfance est une période merveilleuse pleine de curiosités, de découvertes, d’émerveillements, d’apprentissages, de pureté et d’innocence. M’zelle Soleil habite la maison de ses vibrations angéliques, c'est ainsi qu'elle nous donne, au quotidien, des petits goûts de paradis humain. L'amour est au beau fixe. Elle nous fait rire, elle nous inspire, elle nous fait réfléchir. Bien-sur le revers de la médaille et que l’on doit sérieusement commencer à éduquer plutôt que poupouner. Éduquer c’est bien, c'est difficile, c 'est complexe (il n'y a pas de recette toute faite), c'est inspirant, c'est notre touche sur l'avenir. Par contre la discipline qui enrobe cet épineux concept est plus ou moins intéressante. Je n’aime pas me raffermir le ton pour le rendre net et tranchant, pour faire monter le nuage de menace en mes yeux et dire d’un ton sec :
- Lily-Soleil, veux-tu que je me fâche???
C’est présentement la phrase qui constitue ma limite. Une phrase qu’elle ne cherche pas souvent à dépasser. Je lui en sais gré. Je n’aimerais pas devoir me fâcher six fois par jour. Il y a donc cette discipline à conquérir, rester ferme et calme. Stimuler ses neurones, tisser le fil de ses réalités. Grande est l'influence du parent sur le petit enfant innocent! Lui offrir un environnement paisible et cohérent. Il y a cette stabilité à acquérir, cette routine à maîtriser pour que l’enfant ait des repères concrets, pour qu’il puisse se construire en un terrain vierge de mines. J’ai lu quelque part que l’enfant était comme un canevas blanc sur lequel les parents dessinaient leur futur. Tout cela pour dire que l’on récolte les graines que l’on sème! La petite enfance est un terreau fertile. Il ne faut pas se tromper dans la variété des graines que l’on y plante…
Pour l’instant je cultive des pousses de bonheur, de respect et de compréhensions. Cela ne lui fera certainement pas de mal si je lui offre un début de vie avec des moindres maux. Un début de vie ouatée par mes bons soins, sans violence et sans haine, sans méchanceté ni vulgarité. Je sais que cela ne correspond pas à certaines théories adultes mais c’est ainsi que j’ai décidé d’exercer ma mamamitude. Juan soutient ma cause. Je sais bien que la vie est amère et j’anticipe avec horreur le jour où son innocence enfantine s’effritera sous les compréhensions de la cruauté humaine. J’espère que l’éclatement de sa bulle se fera graduellement, sans heurt brutal. Je sais bien qu'un jour elle réalisera que certaines facettes de l'humanité ne sont pas belles à voir. D'ici là, j'aimerai lui donner le plus d'armes possibles. Je sais bien que la vie se chargera de lui mettre des obstacles sur son chemin, j’espère qu’elle aura la force de les dépasser sans gravement se blesser. J'utilise l'espérance pour mieux diminuer mes angoisses maternelles. J'espère (comme une prière), je cultive des jardins abstraits et je conjugue ma vie à la sienne, à la nôtre...
Je sais que nous vivons présentement une période bénie où le petit humain que l’on chérit éclot en une jolie personne autonome. Je m'égratigne le coeur à me détacher un peu, à me reculer pour ne point l'étouffer, pour laisser la vie faire ses propres leçons. Je sens que ce processus me sera douloureux. Je prie pour que la vie lui soit douce. M'zelle Soleil se découvre la personnalité à nos yeux emplis d’émotions. Je m’en gave les yeux et le cœur. Elle m'est exquise. L'homme la trouve si délicieuse que parfois après une séance d'enfance particulièrement affectueuse il s'exclame:
- Je sais pas comment je vais pouvoir faire...
- Quand elle va te quitter?
- Oui, je n'ai jamais été quitté...
- Cela va te briser le coeur...
- Arrêtes tu me fais mal rien qu'à y penser!
J'ai lu quelque part que l'on élevait nos enfants pour qu'ils nous quittent. Lorsque j'en ai parlé avec Juan, je l'ai vu pâlir devant cette vérité. L'homme et l'enfant s'aiment d'un amour teinté d'Oedipe qui me fascine. Je n'ai pas la même relation que lui avec ma fille, parfois je me sens un peu rejetée devant leur union en pleine fusion mais je ne le prends pas personnel. L'homme ne me laisse jamais longtemps dans le champ, de plus je ne crois pas que mon coeur se brisera le jour où elle vivra ses premiers amours...
Je vois son visage et son corps changer, je la vois grandir, sans trouble d'éveil, je la vois s’épanouir et s’affirmer. Je remercie le ciel de la santé qu’elle possède. C’est une enfant précieuse qui nous apporte en ses gestes gratuits des petites gouttes de paradis, des capsules de bonheur qui nous irradient l’esprit. À travers elle, je crois bien que nous grandissons aussi pas mal plus que nous nous en rendons compte…
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