Petit astre d'existence et influences...
La petite vient de s’endormir. Je marche sur la pointe des pieds jusqu’au salon. Le téléphone sonne, je sursaute et parcourt la pièce de mon regard le plus acéré. J’accroche le téléphone et me précipite sur le combiné :
- Allo?
- Allo Etolane?
- Heu oui…
Je ne reconnais pas du tout la voix de cette dame qui semble d'un coup gênée. Elle enchaine
- Mon nom est France
- France….
Je ne connais pas de France au réel, j’en connais juste une au virtuel, je me demande si au fil de nos échanges de courriels l’on se serait échangées nos téléphones. La dame vibre de gentillesse, sans me brusquer, elle poursuit…
- L’on s’est rencontré au lac cet été, je suis une amie de Michelle…
- Heu, cet été, au lac???
C’est que je ne connais pas vraiment de Michelle et que d'une façon générale, j’en rencontre pas mal de personnes au lac l'été! C’est un des paradoxes de mon existence, je suis une hermite sociale. Mais ça c’est une autre histoire! J’en reviens à la dame que je ne situe absolument pas. Elle pressent :
- Tu ne me replaces pas ?
- Heu, non, en fait, je vois pas…
- J’avais un petit garçon, on était sur la plage avec mon chum et j’avais un bébé, une petite fille…
D’un coup, la fumée de ma mémoire s’éclaircit, je vois une petite étoile qui scintille, je l'attrape au vol.
- Une petite Gaia???
- Oui c’est ma petite fille…
Elle rit et dit :
- C’est drôle, on se reconnaît avec les prénoms de nos enfants…
Dans ma tête, la lumière se fait, tout devient net, je sais qui est cette dame qui m’appelle, dame rencontrée un jour d’été et de soleil.
- Tu me replaces là?
- Heu, oui tout à fait! Avec un petit garçon et Michelle, l’amie de Julie, oui, je vois bien…
L’amie de l’amie de mon amie donc! Julie, mon amie qui finit son bac de philo et vend des bijoux Place d’Youville l’été. Julie, jeune épouse de Gab (qui m’inspira Fa devenue nouvelle de papier), musicien et philosophe. Gab et Julie se sont rencontrés entre deux cours, tous les deux ont maîtrisé l’art de faire des bijoux artisanaux lors d’un périple d’un an en Amérique du Sud. Julie, qui, durant l'une de ses visites au lac, a rencontrée Michelle, une habituée de la plage que je connaissais de loin. Elle nous a présenté l’une à l’autre, puis par la suite nous nous sommes saluées à chaque fois que l’on s'est croisée.
Cet après-midi d'été comme un autre, l’on se rencontre sur la sable, elle me présente France qui m’appelle aujourd’hui. Trois degrés de séparation. Qui connaît le fameux concept des six degrés de séparation? Un concept qui souvent me fait voguer l’imaginaire. Mais je m’égare encore. Pourquoi donc France m’appelle donc aujourd'hui? Je la sens hésitante, elle se lance :
- Alors voilà, on a créée avec mon chum une petite entreprise de vêtements pour enfants et on voulait lui donner le nom de notre fille mais lorsqu’est venu le moment de choisir, Lily-Soleil nous est resté en tête, c’était trop beau, cela "fittait" trop bien alors finalement on a décider d'appeler notre entreprise Lily-Soleil, c’est officiel et on voulait te remercier de nous avoir inspirés et envoyer un petit colis à Lily-Soleil pour Noël…
Je reste bouche bée derrière mon combiné! Une vague d’émotions me réchauffe toute entière. Je ne sais que dire! Je bafouille un peu sans trop savoir quoi répondre. France m’explique qu’il ont gardé Lily-Soleil dans leurs idées, qu’elle était si jolie. Je réponds un peu sur le pilote automatique, je m’ouvre à ce fil qui me déstabilise un peu. Je me souviens que nous avions parlé de ma grossesse et de mes déboires, c’est l’une des rares mères avec qui j’ai échangé depuis la naissance de Lily. Sinon, je ne connais que des mères virtuelles. Au réel, toutes mes amies ne sont encore que des femmes. Bref, je me souviens l'avoir trouvé cool. Elle était un peu plus vieille que moi. Je me souviens avoir ressenti les ressemblances. Je crois même avoir parlé d’elle, ici, dans un billet estival.
Ainsi, elle m’explique que le logo est fait, que ce serait sympa de faire des photos des enfants cet été. Qu'ils vont vendre dans des kiosques. L’on papote bébé, elle m’allège le cœur. Je lui donne mon adresse postale, je prends son numéro de téléphone. L’on échange simplement. Ce sont des résistants de l’Internet qui vivent dans une brousse des Laurentides. Je vais devoir faire sortir une photo sur papier de la puce pour leur envoyer! Avant de raccrocher, je luis ne peux m’empêcher de lui dire : « Tu as éclairé ma journée ». Cette journée grise de pseudo-pluie sans rapport avec l’hiver ancestral qui perd des batailles. Dame d'ailleurs, gentille, douce, lumineuse comme un rayon d’humanité dans l’obscurité de mon exil intérieur…
Je raccroche. Je médite sur les profondeurs des influences humaines. Sur les mystères des destins qui s'entrecroisent. Je regarde la grisaille qui s’écoule derrière mes fenêtres. La saison s'évade. J’écoute le silence du jour monotone. Petite fille en devenir sieste, inconsciente de l’humanité qui s’enroule autour de son futur, petite boule d’innocence en apprentissage de la vie. Petit astre de lumière qui me bouleverse l'être…
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