Depuis des mois, j'ai le coeur à l'envers de voir la puce pleurer et sangloter ses souffrances de "commo". Mon coeur saigne de la voir ainsi souffrir.
J'ai le coeur à l'envers de réaliser qu'elle a plus pleuré en ces quatre derniers mois qu'en ses dix ans de vie.
Elle souffre physiquement et psychologiquement de son état présent. Elle prend une forte médication. Chaque jour possède son lot d'épreuves avec cette blessure qui nuit à son quotidien. Ainsi j'ai mis ma vie en pause avec la sienne.
L'invisibilité de sa blessure la met en une position difficile. Elle vit des émotions que je trouve bien dures pour ces dix ans.
Des émotions qui lui charcutent l'innocence. Des émotions qui me transpercent de l'intérieur. Je savais que je ne pourrais pas toujours la protéger mais je ne m'attendais pas à tant si tôt. Je ne peux qu'espérer l'accompagner adéquatement afin de l'aider à traverser au mieux cette épreuve en sa vie.
Chaque jour, je fais de mon mieux pour la consoler, l'encourager, la stimuler, la distraire, la réconforter. L'épreuve est familiale...
Une épreuve que j'ai pu accepter grâce à mon expérience personnelle mais qui est beaucoup plus difficile à accepter pour son père qui a le cœur tout aussi a l'envers que moi.
Miss Soleil récupère à pas d'escargot. Elle qui est habituée à vivre à la vitesse d'un lièvre se morfond de sa situation. Sa vie est en pause. Ses repères d'enfance ne sont plus. Tout s'est arrêtée pour elle le quatre février dernier.
Même si elle n'a rien perdu de ses capacités cérébrales ou physiques, elle a tant perdu de son endurance et de sa force qu'elle ne peut plus les exploiter. Elle ne se sent plus elle-même et cela nous brise le coeur quand elle nous l'explique.
Elle doit apprivoiser chaque nouvelle activité que son équipe médicale lui permet avec discipline et limitations. Les bleus de son cerveau bleuissent ses jours et l'on se plie en huit pour les colorer de rose.
Suivi de "commo"
Le 10 mai dernier s'est déroulée notre rencontre mensuelle avec toute l'équipe médicale en charge du dossier de la Miss
à l'IRDPQ. On se retrouve devant un panel d'experts qui nous examine pour plus d'une heure de discussion.
L'on commence à bien en connaitre certains, comme la travailleuse sociale qui s' est remise de l'expérience où j'ai pissé le sang dans son bureau et suis repartie en ambulance. Ou la neuropsycho qui voit la Miss quasiment toutes les semaines depuis des mois.
La docteure que l'on voit moins souvent m'inspire confiance. Elle a le regard franc. Elle s'adresse à l'enfant comme à un être intelligent.
Elle commence par faire parler la puce. Articulée, Miss Soleil explique clairement où elle en est dans ses symptômes.
Ensuite la mère (qui passe tout son temps avec l'enfant) articule ses pensées réfléchies sur le sujet. Le père ajoute au besoin. L'on se sent en confiance.
Cela fait du bien de se sentir écouté et considéré. L'on ne sait pas comment on y arriverait sans eux pour nous épauler.
Les dangers de la cour d'école
Le quatre février dernier, un garçon reconnu pour sa violence dans la cour d'école a violemment percuté la Miss. Il l'a plaquée contre un poteau de fer congelé. Elle a dû lui dire qu'elle n'arrivait plus à respirer pour qu'il se dégage.
Le coup a été assez puissant pour bien faire dérailler ses jours. L'on a maintenant arrêté de compter les semaines. L'on compte maintenant les mois. Et l'on prie pour une récupération complète.
Ceci a entraîné toute une saga avec l'école entre la maîtresse incompétente, la directrice compétente et la mère mécontente.
La maîtresse, par son incompréhension (et stupidité), a contribué à aggraver les symptômes de la puce lors de l'essai de retour progressif dix jours après le coup initial.
Non seulement elle n'en a pris aucune responsabilité ni nouvelle mais elle a eu le culot de me raccrocher au nez lorsque je lui ai mentionné d'un ton raide que je lui avais confié mon enfant et que je n'étais pas du tout satisfaite du résultat.
Les parents du garçon responsable ne sont jamais manifestés. La directrice qui ne peut punir rétro-actif a laissé passé l'affaire sous silence...
La directrice a dû enquêter plusieurs jours afin d'avoir la vérité sur ce qui s'était passé, le garçon qui a fini par se confesser n'en a retiré aucune conséquence ni apprentissage pertinent. Ce qui ronge terriblement Miss Soleil aux prises avec un sérieux sentiment d'injustice.
Durant cette rencontre de groupe, les différents experts donnent leurs points de vue sur le sujet.
Bilan de l'opération: l'équipe médicale est contente des progrès de la puce mais ne peut pas faire de promesses quant à la durée totale de la récupération. Il faut continuer le protocole de repos pour encore pour plusieurs semaines/mois.
La bonne nouvelle c'est que la Miss a enfin passé la phase dangereuse. En continuant nos efforts et nos disciplines quotidiennes, cela ne peut que continuer à mieux aller.
Si l'on imagine une pile d'énergie et que 10 était où elle se situait avant son coup sur la tête, elle est maintenant rendue à 3/4.
La mauvaise nouvelle, c'est qu'on est toujours pas sorti du bois. Ce que la puce a le plus perdu c'est son endurance...
Repos et ultra patience
En ces derniers mois à accompagner ma puce maganée, j'ai eu le temps d’approfondir mes connaissances en ce qui concerne sa commotion.
Comme j'en connais un bon rayon sur les
traumatismes crâniens, on peut dire que j'étais outillée pour une telle expérience. J'ai pu me battre pour son bien et ne pas lâcher le morceau jusqu'à ce que je sois rassurée sur le fait que l'on était plus seuls à s'en préoccuper.
Je suis outrée du comportement immature de la maîtresse et reconnaissante du comportement adéquat de la directrice. Nous sommes soulagés de la maîtresse suppléante qui se révèle une crème. Elle redonne confiance en l'école à la miss pas mal traumatisée par le tout.
En recommençant à stimuler le cognitif avec
l'école à la maison, elle doit se reposer beaucoup. Il lui faut un minimum de deux heures de sieste par jour pour avoir une journée "confortable". Parfois trois heures, les jours où vient la maîtresse. Et elle ne travaille que 40 minutes sur l'heure. On est pas rendu à une journée d'école complète sans crash!
Sans médication et discipline de "commo" on perd facilement le contrôle de ses migraines et là c'est vraiment pas beau. Elle veut d'ailleurs que j'écrive un texte qui témoigne de combien elle a souffert au cours des derniers mois mais je n'en ai pas encore eu la force.
Parents en action
Le docteur nous dit qu'on ne peut faire mieux que ce que l'on fait pour l'encadrer et la soutenir.
L'autre problème à surveiller est la dépression.
Ce n'est pas pour rien que j'ai l'impression de me transformer en coach de vie depuis des semaines (ou en GO selon les jours).
Ce n'est pas pour rien que l'homme est en train de grignoter ses congés pour rester avec nous, un ou deux jours par semaine. On bataille la maudite dépression qui rôde en ses pensées enfantines. On se soude pour mieux lutter. Les émotions de dépression qu'elle ressent engendrent de terribles sensations pour les parents que nous sommes.
L'inactivité la mine.
Elle n'a jamais été aussi molle en son corps. Pour la première fois de sa vie, elle se dé-muscle et se sent mal dans son corps. Elle a perdu tous les repères de sa vie d'enfant de dix ans. Elle a continuellement mal à la tête. Un mal qui monte graduellement si l'on y prend pas garde!
Elle est hantée par le sentiment d'injustice vis à vis des conséquences qu'elle vit alors que ceux qui sont responsables de son état n'en ont aucune.
Ses humeurs et son moral n'ont jamais eu tant de peine à ne pas tanguer, à ne pas sombrer. On en a conscience, on sait aussi combien cela l'aide quand on est tous les deux là, à s'en occuper.
Son état présent demande beaucoup d'attention. Beaucoup d'attention, de patience, de présence, de tendresse, de raison et de discipline de repos. On a encore l'espoir qu'elle puisse rentrer à temps plein en septembre à l'école même s'il reste la possibilité qu'elle n'y retourne qu'à mi-temps pour commencer.
Ce que l'on entend des dires de l'équipe, c'est qu'en continuant comme l'on fait, l'on peut espérer une récupération complète qui ne mettra pas son futur en jeu. Alors on lâche pas,
on s'accroche! On se soude et on affronte...
Être bien encadrés allège un peu le poids de l'épreuve
Chaque semaine, à
l'IRDPQ, Miss Soleil rencontre Lynda, sa neuropsycho qui l'évalue et la guide en ses méandres de "commo". Cela l'aide et l'encadre beaucoup. Elle lui donne plusieurs outils pour mieux gérer ses migraines et ses émotions perturbées.
Pendant ce temps, nous discutons avec Louise, qui a pour mandat de nous aider en l'adaptation parentale de la chose. Cela nous fait un bien fou. Ensuite Louise et Lynda se rencontrent pour parler de nos cas. Régulièrement toute l'équipe se rencontre pour discuter de ce dossier que nous sommes.
Plus ça dure et plus c'est dur à avaler pour son père. Plus ça dure et plus c'est dur pour la puce de contrôler ses humeurs noires. Plus ça dure et plus j'accepte ce qui est.
En ma vie qui s'allonge, j'ai appris à accepter ce que je ne peux changer. Je ne peux pas changer l'état de sa commotion cérébrale/traumatisme crânien mais je peux participer à sa récupération de façon constructive. Ce à quoi je m'applique. Jour après jour. Semaine après semaine. Mois après mois.
Si les docteurs me répètent que c'est une question de patience et que son avenir n'est pas en péril, je choisis de les croire. D'avoir la foi. De la cultiver et la nourrir.
Son présent est en pause et la responsabilité que je ressens présentement est immense. Intense. Éprouvante.
Rendu au cinquième mois de l'histoire arrive, selon moi, la phase de l'endurance.
Il faut continuer d'endurer et de ne pas lâcher. Garder le cap en vue. Alors,
l'IRDPQ devient une sorte de phare qui luit dans la tempête...