dimanche, janvier 11, 2015

Les étiquettes, c'est pour la nourriture, pas pour les humains!


J'ai marché à l'âge de neuf mois. L'histoire dit que le jour où j'ai marché pour vrai, c'était dans le couloir du notaire, le jour où mes parents allaient signer leurs papiers de divorce. L'histoire dit que ceux-là étaient fiers comme des coqs de me voir marcher.

La dernière fierté parentale, sinon l'unique, qu'ils auront partagé. L'histoire dit que je suis sortie du notaire en marchant toute seule. Avec le recul, je trouve ça pas mal symbolique.

J'ai passé tout mon primaire avec l'étiquette "enfant de divorcés" étampée sur mon front. Dans la petite école de village que je fréquentais, j'étais la seule en ce cas, la petite société qu'est une cour d'enfants, me l'a vite appris. J'ai même appris qu'elle devait être lumineuse et clignotante vu comment on la voyait de loin! La première fois qu'une de mes copines m'a dit:

- Je peux plus jouer avec toi. 
- Pourquoi? 
- Mes parents veulent pas que je joue avec toi. 
- Pourquoi? 
- Parce-que tu es une enfant de divorcés. 

Je me souviens avoir été profondément choquée. Je devais avoir six ou sept ans. En quoi est-ce que cela changeait qui j'étais? J'étais moi, parents divorcés ou pas, j'étais aussi humaine qu'eux. En quoi est-ce que cela faisait de moi un monstre?

Puis je me suis habituée à mon sort. Fuck les gens. Ma mère me disait souvent que si j'étais la seule, un jour, ce seraient le cas de plein d'enfants. Je ne trouvais pas ça particulièrement rassurant. À la fin de mon primaire, avant de m'engager trop loin en une relation amicale, je n'oubliais pas de mentionner: "Tu sais, je suis une enfant de divorcés".

Il a fallu que j'arrive en secondaire pour trouver d'autres enfants dans mon cas. Mais rendu là, j'avais appris à ne plus en faire de cas. Depuis les temps ont tant changé qu'on en a même oublié l'expression de l'époque. Être un enfant de divorcés n'est plus une étiquette à coller.

Cette expérience m'a appris très tôt à quel point toute forme d'étiquetage humain est ridicule. On est humain avant tout, les étiquettes c'est pour l'épicerie pas pour les gens!

Cette expérience m'a appris beaucoup de choses humainement. Elle a certainement sculpté l'adulte que je suis de multiples façons. Elle m'a dévoilée très tôt les laideurs humaines. Elle m'a forcée à en chercher les beautés.

Depuis que je suis maman, j'observe ma fille grandir. Entre père et mère. C'est un peu comme regarder un film hollywoodien pour la petite fille que j'ai, un jour, été. Souvent elle me parle entre deux pensées. Elle s'étonne, elle s'émeut, elle sourit. Elle me chuchote entre deux pensées: "Alors c'est ça avoir deux parents? C'est quand même bizarre tu trouves pas?" Parfois elle est blessée et laisse couler une larme.

Je suis toujours la défenderesse de la veuve et de l'orphelin. Ce qui fait que je peux ressentir une sorte de compassion pour les frères tueurs de Charlie Hedbo malgré l'horreur inexcusable de leurs actes.

Un trait de caractère qui peut prodigieusement énerver ma puce qui trouve que j'excuse trop les travers des enfants qui la tannent à l'école:

- Oh! Maman! T'es plate! Tu trouves toujours que c'est pas de leur faute parce-que leur vie est plus dure que la mienne! C'est pas juste! 
- Mais Liloo, il faut penser plus loin que le bout de son nez! Je te dis pas que t'es obligée d'être amie avec quelqu'un qui t'énerve! Pas du tout. Je te demande juste de penser à comment est leur vie et d'avoir un peu de compréhension  plutôt que de les critiquer! C'est tout! 

Je sais, je lui en demande beaucoup. Mais je lui en offre beaucoup et j'estime que cela compense. L'enfance que j'ai eu a façonné l'adulte que je suis et l'adulte que je suis façonne l'enfance qu'elle vit.

L'humanité est un long cycle qui tourne dans la roue du temps...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire