Au cœur du bloc opératoire...
C'est la peur au ventre que je me retrouve poussée en direction du bloc opératoire.
Le matin précédent, j'ai une prise de bec avec la résidente qui me tape sur le système depuis douze heures que je sèche.
La semaine précédente, une autre résidente avait été si compétente que celle sur qui je tombe en retournant à l'hôpital me déçoit, énormément...
Celle-ci est plus froide que chaleureuse, elle m'explique en long et en large toutes les complications de la chirurgie qui se dessine à mon horizon. Elle m'apeure beaucoup plus qu'elle ne me met en confiance.
Je dois la forcer à m'expliquer comment cela peut bien se passer. Cela ne me semble pas correct. Plus je lui parle et plus je la trouve incompétente (coté relationnel avec le patient). À moins que cela ne soit nos deux personnalités qui clachent en un difficile contexte...
Je sais que je la fais chi... et je ne me gêne pas pour dire que c'est réciproque! Je la vois pincer des lèvres tandis que mes émotions prennent feu et que les larmes inondent mes joues. Elle est de celle qui est déjà noyée dans son ego médical. Sans compter qu'elle me prend pour une folle lorsque je lui explique ce que je pense avoir et qu'elle me peint un scénario pas mal plus sombre que ce que je crois avoir. D'après elle, ce n'est pas possible, c'est trop rare! D'après elle, les chances que cela se passe mal sont plus probables. Elle m'énerve!
Je finis par m'exclamer: "Je veux voir le docteur!" et elle de me répondre sèchement "Je suis le docteur!" et moi de lever les yeux au ciel avec un soupir exaspéré! Ceci n'aide pas à la zénitude pré-opératoire. Arrive finalement le docteur. Sa chaleur humaine enrobée d'humour fait toute la différence. Il m'aide à me faire une raison et j'accepte de passer sur le billard.
La dernière fois que j'ai été opérée, j'avais 7 ou 8 ans, une appendicite en France. Je ne garde pas de bons souvenirs de mon réveil. Au fond de moi, j'ai la sensation que l'anesthésie n'est pas ma tasse de thé...
Poussée sur un lit par une jolie brancardière, je pénètre les portes "bloc opératoire". Je retiens mes larmes, j'ai l'angoisse à fleur de peau et je porte en mon coeur l'image de ma puce qui me fait bye-bye. Mon amie Dee viendra la chercher pendant que le bistouri me charcutera (et que mon homme restera à attendre).
J'ai la peur au ventre et la curiosité qui s'éveille en pénétrant dans cette zone à part de l'hôpital. Il y a des bureaux, des salles d'opération, une salle d'accueil et une salle de réveil. C'est un microcosme. Il y règne une atmosphère particulière. L'anesthésiste est sympa, il a une bonne "vibe", j'aime bien ses cheveux longs et son sourire lumineux. Il est rassurant au possible. Un petit enfant en pleurs attend aussi son tour. Cela remet mon cas en perspective. J'essaie de retenir ces larmes qui ne cessent de monter. En bon québécois, j'ai "la chienne"...
Me voilà dans la salle opératoire. C'est comme dans ces séries télés que je n'aime pas regarder. L'équipe est sympathique. Je retiens mon souffle. Une piqure dans mon soluté et boom! I'm down!
L'anesthésiste m'avait dit que beaucoup rêvaient sous l'effet de l'anesthésie générale, j'étais sceptique de ce fait. Je n'aurais pas dû. Je me retrouve en un univers vaporeux, serein, bucolique. Une sorte d'univers parallèle où Miss Soleil m'a rejoint et où l'on cueille des fleurs dans des champs colorés aux allures de paradis. Lorsque je me réveille, c'est tout comme passer du rêve au cauchemar sauf que le cauchemar est bien réel.
Il me faut plusieurs minutes pour m'extirper de cette dimension onctueuse, durant plusieurs minutes les images de ce monde idyllique et la présence de ma puce semblent si réelles que je ne comprends pas où je suis, où j'en suis. Je la cherche. Étonnement, à coté de moi une enfant d'une dizaine d'année encore anesthésiée. Alors que je me fais reshooter le soluté de je ne sais quel médicament, la douleur qui me scie le ventre me déchire l'âme. Ai-je jamais eu aussi mal de ma vie? Peut-être quand j'avais 8 ans...
D'ailleurs, je suis si perdue que j'ai l'impression d'avoir 8 ans! À mesure que je me réveille, le réel est si souffrant que je perds un peu les pédales. Mais où est ma maman? Je regarde l'infirmière à coté de moi. Elle me fait une piqure sous cutanée de morphine. Je sens monter la nausée. Et c'est parti pour un tour de dégueulis. Elle me dit: "Ma pauvre, c'est que cela a été pas facile de vous réveiller on vient de vous donner beaucoup de médicaments!" Tu m'étonnes Simone...
C'est définitivement le plus mauvais trip de ma vie. J'ai mal. La douleur me scie en deux. J'ai 8 ans. Je ne comprends plus trop comment tourne ma tête et mon corps est en bouillie. Je lui demande:
- Vous pourriez pas me donner la main?
Elle hausse un sourcil irrité :
- Mais je n'ai pas le temps!
Bon okay, j'ai pas l'air d'avoir 8 ans! Mais bon à 38 ans, 20 secondes auraient suffit pour aider mon cas! Une autre idée loufoque me vient à l'esprit troublé :
- Vous auriez pas une blague alors? Une blague ce serait vraiment bien présentement!
Elle hausse les deux sourcils en même temps. Okay, je suis une extraterrestre! Arrive l'anesthésiste qui semble content de me voir réveillée. Il n'a pas de blague sous la main mais il a des sourires qui font la job. La souffrance est un calvaire. Je flotte entre deux dimensions. Je veux voir Juan. Enfin me voilà de retour dans ma chambre! Il est là. Je suis perdue. C'est trop dur. Il me serre la main et durant plus de deux heures, je flotte dans une froide obscurité où le seul lien que je ressens avec la vie est la chaleur de sa main dans la mienne. Comme un fil qui me retient...
Plus tard il me dira combien j'avais le regard mort, combien il ne me reconnaissait plus. C'est vrai, je n'étais pas là. J'avais 8 ans, j'étais perdue et je cherchais ma maman. Il me faudra une douzaine d'heures pour sortir ma tête de mon "funk". Pour retrouver mes 20 ans et l'idée folle de penser que si j'ai pu garder mon utérus, pourquoi ne pas refaire un autre bébé?" Juan sourit.
Durant une minute on a envie d'y croire. Mais c'est une minute où je dois avoir 22 ans à tout casser! Il me faudra trois jours pour retrouver mes 38 ans et quatre autres jours pour me sentir revenir à moi-même. Je pense que je suis pas mal sensible à l'anesthésie générale. Pas sure de jamais vouloir passer sous le bistouri pour des raisons esthétiques!!!
La bonne nouvelle c'est que l'opération s'est bien passée. Comme je l'avais dit à l'antipathique résidente, c'était bien mon ovaire le coupable. J'avais raison. Mon utérus est sauvé! C'est un soulagement. J'ai perdu une trompe, un ovaire et une masse de la taille d'un pamplemousse dans l'aventure mais c'est pour le mieux. Les fibromes ovariens sont rares mais ils existent. Le chirurgien me dit que je suis surement née avec. Il ne pense pas que cela puisse être malin. On en sera certain le mois prochain. J'ai mal à cet ovaire depuis bien longtemps. Est venu le temps de soigner mon cas vu les douleurs des jours qui ont précédé l'opération. Je suis heureuse d'avoir pu être soignée. J'ai reçu des soins compétents et modernes. C'est tout simple dans le fond, du féminin presque banal.
Au final, mon histoire en est une de chirurgie de routine pour le corps médical. C'est une désagréable expérience pour mon propre corps mais ce n'est pas la fin du monde. Dans mon malheur, j'ai de la chance. Durant cette nuit horrible où j'ai erré en un tunnel de souffrances, mon voisin de chambre s'égarait aussi. C'était un homme de 72 ans qui lâchait prise avec la vie. Gavé depuis plus d'un mois, il n'en pouvait plus de batailler et je le comprends. Encore je me demande comment il va, s'il remonte ou dégringole? Alors que je reprends des forces, je regarde vers l'avant. Cela va de mieux en mieux et c'est tout ce qui compte. Aller bien...
Merci de la franchise de ton récit. J'ai traversé à travers ton histoire par une panoplie d'émotions... et je souhaite que la guérison soit rapide.
RépondreSupprimerEt que 2011 finisse, médicalement parlant, ce ne fut pas très jojo pour toi!
Le courage ce n'est pas de ne pas avoir peur mais c'est plutôt de faire face à ce qu'on redoute malgré la peur. Tu peux être fière de toi.
RépondreSupprimerque c'est merveilleux de pouvoir etre un reporter de nouveau en decrivant de dedans, a fur et a mssure!
RépondreSupprimerque c'est merveilleux d'avoir - au moins apres - quelqu'un cher a te tenir la main
que c'est vrai, que dans le bssoin nous retrouvons soudain notre enfance et oui, nous avons besoin d'avoir la main tenu! Il faudrait avoir quelqu'un qui ne fait que cela
je suis heureuse que tu t'en ai si bien sorti finalement, que tu peux nous prendre avec toi, dans ce recit triste, vraie, et si merveilleusement decrit
Tu m'as fait revivre les opérations de mon Homme. Ouf... Tellement pas facile, être celui ou celle qui tient la main de l'Amour qui cherche à retrouver la cohérence de ses neurones! Un gros calin pour Juan, tiens! :-)
RépondreSupprimerTes mots sont si bien choisis que j'avais l'impression de vivre ce que tu avais vécu.
RépondreSupprimerHeureuse de savoir que l'opération a bien été. Le reste suivra, j'en suis persuadé :-D xxx
Ohlalala... tout en te lisant, je serrais des dents... les mots me manquent car ton récit est poignant, j'en ai des sueurs froides :S ... Je t'ai envoyé un courriel sur hotmail, je ne sais pas si tu l'as reçu?? Je me suis inquiétée pour toi... Je suis bien contente que tu te sois sortie de cette opération difficile... Bon rétablissement Etolane! Grosse bisexx
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RépondreSupprimerJ'étais bien curieuse de savoir pourquoi tu t'étais fait opérer... Je suis allé fouiller dans tes archives de blog.
RépondreSupprimerLes fibromes, je connais, mais moi, c'est aux fibromes utérins que j'ai été confrontée. Très emmerdant parce que ça provoque des hémorragies de plus en plus fréquentes et importantes. Très très emmerdante car ma médecin redoutait tellement l'hystérectomie qu'elle tentait de me convaincre de "vivre avec".
Évidemment, à perdre tant de sang 7 jours sur 7, 24h/24, pendant des mois, j'ai fini par faire de l'anémie si forte que je ne pouvais plus monter 3 marches sans être en sueurs, sans parler des désagréments des hémorragies!
J'ai finalement donné un ultimatum à ma médecin pour qu'elle me réfère à un spécialiste en me disant que si ça se rendait à l'hystérectomie, je pourrais au moins recommencer à vivre ensuite!
Heureusement, l'opération s'est bien déroulée. Bien qu'emmerdant, les fibromes utérins s'opèrent normalement par les voies naturelles, alors ma convalescence n'a rien à voir avec la tienne: quelques jours et j'étais sur pied, comme neuve!
Bien que l'opération m'ait terrorisée, je n'ai rencontré que du personnel compétent et attentionnée. En salle de réveil, j'ai demandé 4 fois à l'infirmière comment s'était déroulée l'opération. Je me rappelais avoir posé la question, mais jamais de la réponse d'une fois à l'autre. La dernière fois, je lui ai conseillé de se sauver avant que je ne lui repose la question à nouveau, ce qui l'a bien fait rigoler.
Les fibromes utérins reviennent généralement à l'intérieur de 5 ans. Ça fait 3 ans que j'ai été opérée. Si jamais ils se reforment, crois-moi, cette fois-ci, je ne souffrirai pas comme je l'ai fait la première fois!