Inspiration libre...
Les jours passent et la routine d'automne prend forme. Une routine un peu rouillée que l'on huile au fil des semaines.
M'zelle Soleil retrouve graduellement le chemin de la garderie. Sans le savoir vraiment elle profite de ses derniers mois de petite enfance. En septembre prochain, elle découvrira les bancs d'école et ce sera le début d'une nouvelle étape existentielle. Je m'y prépare mentalement tout en essayant de poser les repères qui l'y prépareront aussi.
Sa garderie, relativement stricte, lui confère une structure qui se rapproche de la pré-maternelle. Elle fait plusieurs activités éducatives quotidiennes et j'apprécie ce qu'elle en retire. Je la vois changer au fil des mois et je réalise à quel point il est difficile de laisser grandir ses enfants. Tout le monde le dit. Certains arrivent à mieux lâcher prise que d'autres. C'est une réalité commune à tout parent.
Je ne désire pas entraver le développement intellectuel de mon enfant, au contraire. J'aime le voir fleurir, s'étoffer. J'aime entendre réfléchir ma fille et savoir ce que sa petite tête mijote. Même si je suis en ligne de front en ma position de mère, je suis fière de la voir passer ses étapes sans trouble. Et je commence à réaliser le fameux processus de laisser grandir ces petits que l'on met au monde. Depuis sa gestation, je sais qu'elle ne m'appartient pas même si elle sort de mon ventre. Je suis son guide, sa référence et son soutien adulte, mais elle est aussi libre que je le suis. Et Dieu sait qu'en ma position de fille, je suis libre...
Mon histoire parentale non conforme m'a appris à me débrouiller et à penser par moi-même, à me définir en tant qu'individu solitaire. À comprendre et accepter qui je suis. En mon âme et conscience, je ne peux que léguer cette liberté d'être à ma fille. Même si j'aimerais rester à ses cotés le plus longtemps possible. Je ne veux jamais lui tourner le dos. Je ne veux jamais la renier. Je veux arriver à l'accepter en ses défauts et ses qualités. Ceci est facile à dire mais pas si facile à faire. J'en ai pleinement conscience.
Alors depuis sa naissance, je m'applique à y réfléchir, à travailler sur ma peau et à construire une relation solide avec elle. Je veux essayer de contrer les destins laissés en héritage. Je veux lui offrir le meilleur et je lui souhaite d'être un jour meilleure que je le suis. Elle représente le futur de mon humanité, je lui souhaite de pouvoir en poursuivre l'évolution.
L'une de mes amies proche est philosophe. Son mémoire de maitrise sera publié sous forme de bouquin l'année prochaine. Elle débute son doctorat de philo. Tout comme moi, elle pense que la philosophie ne doit pas être juste théorique mais aussi pratique. Mère de deux petites filles en bas âge, Ju fait partie de mon coeur depuis plusieurs années. Ensemble, nous avons des conversations intenses et profondes entrecoupées de plaisanteries pour alléger le tout. L'on partage nos complexes et nos insécurités. L'on se creuse l'esprit l'une l'autre, l'on analyse la vie et nos émotions, l'on philosophe par gourmandise intello. C'est ma seule amie sans réelle connexion Web. Ce n'est pas une internaute. Et c'est aussi la seule amie avec qui je peux passer trois heures au téléphone à parler existentialisme.
Lors de notre dernière conversation, elle m'a dit: "Tu sais Etol, je crois que de la souffrance vient la conscience". Au fond de moi, je sais qu'il y a vérité qui se cache en ses mots. Une vérité que je n'aime pas. Alors je débats un peu même si je sais que c'est peine perdue. La souffrance fait partie de la vie. Je n'en ai pas manqué et je sais qu'elle a souvent approfondi ma conscience. Pourtant maintenant que je suis maman, savoir que ma fille doit souffrir pour grandir me révolte autant que j'ai pu être révoltée de souffrir. Ju est l'une des rares personnes que je côtoie qui arrive à percevoir la profondeur de ma souffrance intérieure.
Mes souffrances invisibles font partie de mon intimité gardée. Je préfère cultiver mes bonheurs plutôt que de remâcher mes douleurs. Je n'aime pas parler de mes blessures. Je ne les renie pas non plus. Je les vis. Je les traverse. Je les porte en moi. Je n'aime pas m'y noyer alors je les partage au compte-gouttes. Sauf avec Ju. Avec Ju, l'on se dénude les émotions en toute confiance. L'on se baume les plaies internes avec affection et compréhension. Si je n'ai pas la chance de posséder un réseau familial approprié, j'ai la chance d'avoir un réseau amical de qualité. Sans parler d'un mari présent. Cela sauve mon coeur de sa destruction. Je garde espoir en un monde meilleur.
Encore et toujours, j'aimerais croire que l'on peut grandir et devenir conscient sans trop souffrir. Souffrir un peu mais pas trop. Que l'on peut apprendre sans devoir subir d'hémorragies intérieures. Selon mon amie Ju, c'est une question d'évolution humaine; plus l'on sera évolué et moins l'on aura besoin de souffrir (et faire souffrir) pour comprendre. Ainsi je crois que la chose que je souhaite le plus sincèrement pour ma fille est qu'elle puisse être assez évoluée pour apprendre du meilleur de la vie plutôt que du pire...
Et pendant que je réfléchis à tout vent. J'apprécie la pureté de son enfance que je protège comme une louve. En sa compagnie, je chasse les arcs-en-ciel le coeur léger. Pour elle, je veux évoluer dans une direction sensée. Vieillir avec dignité pour qu'un jour elle soit aussi fière de ce que je suis devenue que j'espère l'être de ce qu'elle sera...
Ton titre m'a fait pense au match d'impro...
RépondreSupprimerToujours aussi beaux tes textes.
Je pense que si il ne me restait qu'une minute a vivre, quitte a lire en diagonal, j'irai te lire!
Karo
Wow, très touchant. J'avoue que ce n'est pas facile de penser à notre petit trésor qui devient grand. D'être à la fois contente de son évolution et triste de la fin de l'étape de la petite enfance et de sa candeur. On récolte les fruits de nos efforts, c'est le point positif. Et il ne faut jamais oublier que la fin d'une étape et le début d'une autre, différente, mais tout aussi enrichissante.
RépondreSupprimerla souffrance vient de la conscience peut-être mais il manque deux mots :"de soi". Depuis que nous ne vivons plus en clan, la solitude nous fait voir tout ce qui se passe dans le monde, comme ayant rapport à soi. Le clan permettait de répartir (un peu) la douleur, la conscience du monde apporte la paix, la conscience de soi la douleur.
RépondreSupprimerc'est une proposition de réflexion...
Comme je te comprends, mon fils vient d'avoir 5 ans et je le vois grandir si vite.
RépondreSupprimerJe redoute tellement le moment ou il voudra plus d'indépendance et se détachera petit à petit de moi.
Très beau texte ! Et surtout quand tu dis que la vie qui sait développer en toi puis est sortie ne t’appartient pas. Et oui le seul vrais droit ces de l’aimé et de la protéger, et pourtant elle porte tes gènes. Le vrais enfant nous le portons en nous, moi je le lèse faire, il gouverne ma vie, et je croie que tu devras faire pareille et si le tien a une souffrance ta petite pourrais bien la vaincre vu comme tu l’aime.
RépondreSupprimerQuand je lie Moukmouk je me dis qu’elle sagesse et bel esprit, et pourtant je sais que sais l’enfant qui parle dans le texte, l’enfant peu tous dire et se tromper pas de problème il est dans le feu de la vie !
julio
Karo, tu as tout à fait raison! C'est un peu le même principe! ;) Et je ne peux te dire combien tes mots me touchent. Merci.
RépondreSupprimerAnouchka, oui c'est un mix d'émotions, en même temps, t'es fière de le vois bien grandir et d'un autre, il se détache. Il faut dire que la relation commence dans la fusion! Oui différente mais tout aussi enrichissante mais pas facile pour autant! ;) Enfin tant qu'il y a des fruits à l'effort, c'est le principal...
Moukmouk, très intéressant et juste, tu ferais un bon partenaire de discussions entre Ju et ma pomme! ;) Je prends note et lui ferait part de cette excellente proposition. :)
Luna, comme je te comprends, il y a cette même peur en moi que je dois maitriser au quotidien...
Julio, tes idées sont aussi intéressantes, je crois en effet que je suis son guide mais qu'elle est sa propre personne. Et c'est vrai que l'enfant qu'elle est met du baume sur la souffrance de l'enfant que j'étais...