lundi, novembre 23, 2009

Émotions linguistiques

Émotions linguistiques et soupçons de lac...

La semaine dernière, une nouvelle via Twitter, a quelque peu bouleversé ma langue. Le mot "oignon" ainsi que quelques accents innocents ont été sacrifiés au nom de la nouvelle orthographe...

À partir de juin 2010, les élèves québécois qui écriront «renouvèlement», «ognon», «bruler» ou «iglou» dans les examens du Ministère ne seront plus pénalisés: «Les élèves ne seront pas pénalisés, dans la mesure [où ces rectifications] seront inscrites dans les dictionnaires usuels», a expliqué la porte-parole du ministère de l’Éducation. En lisant cela mon sang n'a fait qu'un tour! Bouillonnant, il s'est mis à enflammer le cours de mes neurones. Et c'est sur Twitter que j'ai exprimé un certain énervement...

Car même si je ne suis pas une adoratrice des accents ou du surréalisme de certaines règles de grammaire, je reste tout de même très attachée à ma langue. J'en suis même totalement amoureuse! Et après tout un accent ou une double consonne n'a jamais tué personne que je sache! De plus un peu de difficulté offre une bonne gymnastique pour la cervelle francophone. Évidement, je comprends le raisonnement de l'évolution de la langue vivante mais je ne vois vraiment pas le besoin de charcuter l’orthographe d’un pauvre oignon!!!

Est-ce un phénomène d'évolution ou une paresse intellectuelle que l'on glorifie? Est-ce que l'on oublie à quel point l'écriture est le meilleur outil pour synthétiser et construire ses pensées? La langue ne mérite-t-elle pas davantage de respect pour le bienfait qu'elle apporte à nos idées? Et puis n'est-il pas nécessaire de définir une frontière entre le parler et l'écrit?

Être en mesure de discerner les diverses variations de notre langue est une richesse pour celui qui la manie. Personnellement, je crois "qu'écrire à l'oreille" bêtifie nos enfants qui sont capable de faire mieux. Tout enfant est une éponge qui ne demande qu’à apprendre. Pourquoi lui refuser un savoir ancestral? Ne pas se donner la peine de lui enseigner les nuances de sa langue, cette même langue qui l’aidera à organiser ses idées de manière claire et concise, me révolte!

Dieu merci, M'zelle Soleil ne va pas encore à l'école car sinon j'irais de ce pas discuter avec son professeur de ses méthodes d'enseignement! Lorsque l'enfant se trompe est-ce que la chose intelligente à faire n'est pas de lui apprendre à mieux faire, de lui expliquer son erreur pour qu'il l'assimile et la corrige? De lui montrer son erreur afin qu’il puisse la comprendre et éviter de la refaire? De lui expliquer combien notre langue est belle lorsque l’on arrive à la maitriser?

Via Facebook, je discute avec mon ami Guillaume, un partisan de la réforme en mes rangs, de cette nouvelle qui me bouleverse. Car il est vrai que ce charcutage d'oignon m'a chamboulée les émotions et Guillaume me le fait gentiment remarquer...

Mais, attention, je ne suis pas du contre une évolution de la langue. Je confesse même prendre régulièrement le parti de ne pas mettre de majuscule lorsque j'écris le mot "Web" en mes textes (par souci d'évolution). Et puis finalement je trouve que "courriel" est une super invention qui fait évoluer le langage avec son temps. Je me force même à l'adopter pour bien annihiler l'anglicisme trop facile. Et c'est ainsi qu'il s'insère en mon vocabulaire jusqu'à ce que je n'y fasse plus attention...

Mais quand même, d'après moi, enlever le "i" de oignon est totalement inutile! Je suis peut-être plus partiale sur iglou. Mais oignon, franchement, non, cela ne passe pas! Il est vrai que j'ai moi-même maudit et pesté de tout mon saoul lorsque j'ai dû apprendre les absurdes règles de grammaire. Ces règles qui ne te parlent pas pour deux sous quand tu as 8-9-10 ans et plus! Mais au final, avec le recul, je me rends compte que cette profondeur de langue fait intégralement partie de sa beauté. Je réalise aussi à quel point la langue française écrite reste une sorte d'art à mes yeux. Un art abstrait que je savoure sans modération.

Je crois qu'en grammaire, il y a, en effet, plusieurs "non-sens" mais que c'est justement là où il faut lâcher prise pour atteindre un autre pallier de compréhension. La langue française offre une possibilité de clarté, de poésie et de nuances qui est phénoménale. Et cela vient surement en partie de cette complexité qu'il ne faut point sous-estimer.

Mais je pense aussi que les adultes paressent en ce qui concerne l'enseignement de la langue. Pour avoir passé 10 années à soutenir des enfants dans leur apprentissage du français, je peux dire que tout enfant à qui l'on enseigne correctement le français peut écrire oignon sans que cela ne le tue (même les plus cancres)! Je crois qu'il faut faire trés attention lorsque l'on touche à la langue. Elle possède une telle perfection que la transformer demande énormément de réflexions et bien plus de raisons que ce qui est expliqué en cette nouvelle. Éviter de pénaliser les gamins n'est pas à mes yeux une raison suffisante pour engendrer de telles transformations! J'ai beau être libérale, ceci atteint le seuil de ma tolérance! Bon, il parait que l'on écrivait "ognon", dans les années 1200 mais si l'on doit revenir à l'an 1200 pour que cela fasse du sens, je n'appelle pas cela de l'évolution mais de la régression!!!

Alors que l'événement de "courriel" est une évolution en ce qui me concerne, je ressens en cette nouvelle un non-respect de la langue qui m'interpelle profondément. Car si nous sommes des résistants de la langue française en Amérique du Nord et des pionniers de la linguistique francophone moderne, ne sommes-nous pas aussi les gardiens de cette langue qui nous est chère?

12 commentaires:

  1. Je te comprends très bien (et mon père serait à 100% d'accord avec toi), et pourtant... mes études de linguistique m'ont fait voir les choses sous un nouvel angle, bien malgré moi. Les langues ont toujours évolué et il n'y a jamais vraiment eu de "français pur." Aurait-ce été celui de Molière? De Charlemagne? De Camus? Chaque génération accepte de nouveaux changements qui horrifient les générations précédentes, depuis la nuit des temps.

    Quant à écrire phonétiquement, les espagnols ont fait la transition complète... et ça ne change rien au fait que l'espagnol est une langue magnifique et que des milliers de gens peuvent apprendre comme seconde langue justement parce que l'orthographe est simple (alors que pour apprendre le français il faut vraiment être masochiste ;)).

    Pour l'oignon, ognon est accepté depuis 1990 en France. Et le i n'a rien à voir avec l'étymologie du mot (unio, d'où vient le verbe unir)... alors pourquoi le garder?

    Je me fais l'avocat du diable, hein, mais je suis bien d'accord avec toi sur plein de points :)

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  2. J'étais fière "avant" d'être Québécoise et de parler un français "correcte" en me comparant parfois à la France, par exemple, chez qui les termes anglais sont très souvent utilisés lorsqu'ils parlent.

    J'étais aussi fière de pouvoir écrire, de mon mieux, un mot bien orthographié. Je comprends que la langue doit évoluer, mais comme toi, je ne crois pas que c'est la bonne façon de la faire évoluer.

    J'aimerai bien que mes enfants écrivent les mots comme il se doit non ?!? Dieu merci petit Ange ne commence pas l'école avant quelques années !

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  3. Dr Caso, petite diablesse va! ;) C'est drôle moi je dirais que mes études en linguistique m'ont rendue plus rigide! :lol: Car pour moi, c'est justement cette complexité qui fait tout l'art du français. Qui la rend si magique et si pleine de nuances et de poésie...

    J'ai du mal à croire qu'en France, les enfants peuvent écrire "ognon" et s'en tirer indemne! Je serais curieuse d'en savoir plus à ce sujet d'ailleurs...

    Peut-être bien qu'il faut être un peu maso, mais tu sais, j'ai essayé le russe en ma jeunesse et ouf, ça j'ai trouvé cela bien maso! :lol: Et c'est vrai qu'apprendre le français est un certain sport mais c'est que c'est une langue qui se mérite...

    La Belle, justement c'est exactement cela qui me titille, je trouve la raison complètement débile! Alors que les enfants ont une cervelle élastique, super bonne pour la gymnastique, on leur refuse le droit de s'y exercer... Ah! Que cela peut m'énerver...

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  4. Ce n'est pas en acceptant de changer l'orthographe de quelques mots que la grammaire sera plus facile, les participes passés de verbes pronominaux entre autres. Et si on commence à enlever les accents circonflexes, autant les enlever partout, tous, d'un seul coup.
    Pour moi, l'évolution se limiterait à accepter de nouveaux mots, à franciser certains autres. Pas à jouer dans les anciens, on va pas réécrire le dictionnaire, non?

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  5. Anonyme9:13 AM

    Ah, je ne suis pas d'accord avec toi. Je suis en train de lire un livre très intéressant sur l'enseignement et l'apprentissage de l'orthographe (D. Cogis) et je pense qu'il y a beaucoup d'émotivité et peu de distance critique dans ce genre de réflexion sur l'orthographe.

    Il faut savoir que les rectifications de l'orthographe ne sont pas un produit des didacticiens (ou des écoles), mais bien des spécialistes de la chose et que l'objectif visé n'est pas de rendre la tâche plus facile aux élèves. C'est donc une erreur de faire dévier le débat en ce sens.

    Quant à la suppression des ^ , cela n'est possible que lorsque l'accent ne modifie en rien la prononciation du mot ou permet d'éviter une confusion homophonique (sur et sûr). Les rectifications ont été faites dans le respect des systèmes inhérents à la langue française.

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  6. L'évolution d'une langue passe par l'usage, pas par "des spécialistes de la chose", il me semble. Et la France comme référence? Non. Jamais. Peu importe les anglicismes adoptés en France, je regrette, mais le français qui se publie là-bas n'a pas la qualité de celui qui se publie ici. Je suis incapable de lire un magazine français sans y trouver de nombreuses fautes. Pire, le roman que je lis en ce moment en est truffé. (Mon instinct me dit que le Québécois moyen a si peur de commettre une faute qu'il s'assure d'une révision pour une publication officielle, tandis que le Français moyen se croit si bon qu'il peut s'en passer... Question de culpabilité/de manque de confiance: les Anglos aussi font des tonnes de faute sans le croire possible!)

    Ceci dit, oui, il y a sans doute beaucoup d'émotivité liée à l'orthographe, car moi aussi je refuse ces propositions que je juge stupides, inutiles et mélangeantes. Surtout que je n'ai aucunement la preuve (ayant un Coco qui commence ses études secondaires) que l'école enseigne quoi que ce soit en orthographe (les professeurs ne pouvant transmettre que le savoir qu'ils ont, et j'en ai vus qui n'auraient jamais dû avoir leur DES, alors pour le DEC et le baccalauréat...). Je vois passer des textes tout croches dans lesquels la moitié des fautes n'ont même pas été soulignées. D'un côté, je me dis "génial, d'ici 20 ans mes connaissances seront fort rares!" (elles le sont déjà...), mais de l'autre, je vois bien qu'à quoi bon bien écrire si... plus personne ne sait faire la différence?

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  7. ClaudeL, je ne peux qu'approuver ta pensée... ;)

    Rouge, et tu as tout à fait le droit, d'ailleurs je dois avouer que Juan n'est pas d'accord avec moi et que cela donne lieu à de vraies discussions de couple qui s'accorde à ne pas être d'accord! :lol:

    En ce concerne le débat de l'enseignement, c'est vrai que je suis dure avec le domaine. Disons que ma décennie passée a aider les enfants en difficultés de français n'a pas aidé mon cas, j'ai toujours trouvé trop léger le programme de l'école du village en ce qui concerne le français et je n'en démords pas. D'ailleurs c'est pas mal la principale raison qui ne me donne aucunement envie d'envoyer là-bas M'zelle Soleil... IL faudrait que l'on discute de vive voix! ;)

    Cela dit deux courants de pensées s'affrontent depuis des lustres à ce sujet et dans le fond c'est surement sain, c'est surement à la source de l'évolution...

    Vieux bandit, peut-être est-ce alors une nouvelle tolérance à la faute qui sévit en notre francophonie moderne? À moins que je fasse partie de ce courant "muséal" dont me parle mon ami Guillaume, je ne sais pas! Me sens pas si empoussiérée que cela mais oh! Combien émotive sur le sujet!

    Lorsque je fais une faute, j'ai envie de la comprendre et de la corriger pas que l'on me la pardonne sur le champ! Même si j'apprécie le pardon! :lol:

    Moi aussi je crains que la frontière entre l'écrit et le parler ne s'affine trop pour le bien de l'écrit! C'est un peu comme quelqu'un qui est habitué au junk food et qui est incapable de percevoir les subtilités de la grande gastronomie. Je crois que le français c'est de la grande gastronomie pour les neurones et que l'on ne peut si facilement en transformer les règles sans prendre le risque de la rendre moins bonne à savourer...

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  8. Rouge a bien fait de osuligner que l'accent circonflexe doit rester pour éviter certaines confusions (sur et sûr).
    Nuances, toujours nuances. Rien n'est jamais tout blanc ou tout noir. D'où les zones grises en orthographe.

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  9. Pour des tas de raisons, je fais beaucoup de fautes en français. Je me suis longtemps privé d'écrire dans cette langue trop complexe. Langue davantage régie par des lois que par l'usage, sinon ognon aurait perdu depuis longtemps son i.

    Je la choisis parce que j'ai perdu la mienne qui n'est plus une langue d'usage et que je refuse la langue de ceux qui dominent le monde, et ici je peux avec le français rejoindre les gens.

    Le français a longtemps été la langue d'une élite conçue pour exclure plutôt que communiquer, pour faire la différence entre les maitres (sans ^) et les serviteurs.

    Heureusement, l'outil informatique va libérer nos enfants de ce joug, et ils pourront se consacrer à apprendre à penser plutôt que de se cacher parce qu'ils ne contrôlent pas les infernales règles.

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  10. Claudel, je dois avouer que je suis mêlée avec les "chapeaux" dans un texte souvent je dois prendre un parti et uniformiser pour ne pas osciller d'une tendance à l'autre...

    Moukmouk, c'est un commentaire très intéressant, merci de le partager mais la question que j'aimerai te poser et de savoir si tu arrives à voir l'art qui se cache sous la langue? Comment ressens-tu le français de l'extérieur? Ressens-tu ce qu'il cache en ses entrailles, cette lumière qu'il dégage?

    Pour être bilingue, même si j'écris peu en anglais, je le lis, je l'écoute et le comprend et je le parle couramment et je sais cette subtilité qui le différence du français et même si je lui trouve plusieurs charmes, je ne lui retrouve pas cet art que je ressens en français. Et peut-être suis-je chauvine car pour être une hybride francophone, j'ai le français comme pays, je crois que c'est vraiment l'une des plus belles langues du monde, aussi belle que Versailles sous Louis XIV si l'on oublie la misère de ceux qui n'y vivaient pas...

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  11. Il y a une grande différence entre le génie d'une langue, généralement la culture dont elle se nourrit ( ce qui est moins le cas en Français ) et l'art, la manière dont on s'en sert. Chaque langue possède un génie propre, et l'art est forcément différent même si cela tient plus de celui qui l'utilise.

    Je te fais un courriel.

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  12. Malheureusement, je ne vois justement pas comment on peut apprendre à penser et à réfléchir quand on n'a pas les ressources (une langue!) nécessaires. Mais là, je ne parle plus de la réforme orthographique, je parle du manque de rigueur dans l'enseignement (et dans la transmission du savoir, et dans l'apprentissage!). Ce n'était pas bien mieux à mon époque pas si lointaine, remarquez...

    Moukmouk? Je le cherche, votre "beaucoup de fautes"! :-)

    Et puis si on parle de faciliter la tâche des écoliers, peut-on plutôt penser à celle des adultes? Vous savez, ceux qui travaillent plus de 180 jours par an, plus que quelques heures par jour, sans périodes libres quotidiennes et jeux dans les couloirs? Les écoles que j'ai connues "à cause" de Coco ne peuvent pas prétendre être des lieux d'apprentissage. J'y vais un peu fort? Je ne pense pas... mais j'oublie les apprentissages connexes, comme comment aller voler au dépanneur, comment pisser sur le mur de l'école, comment menacer les autres avec un couteau...

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