Je laisse couler les billets dans l'air du temps. Je les gribouille sans arriver à les sortir de leur antre de papier. Ils s'écrivent en mes idées mais ne trouvent pas le chemin du clavier. C'est une sensation rare. Une sensation nouvelle qui découle d'une suite d'événements. Une sensation que je dois apprivoiser avant d'arriver à la maitriser complètement.
Une nouvelle expérience virtuelle se dessine à l'horizon. J'enfilerai bientôt une nouvelle peau. En cette nouvelle peau, j'assumerai mon identité réelle à grande échelle. Ici, Etolane me permet de garder une distance qui me sécurise. Au fil des années c'est devenu plus qu'un pseudo, c'est devenu une identité virtuelle. Pourtant ici sera toujours plus personnel que là-bas. Là-bas c'est un emploi, ici c'est mon jardin.
Là-bas, je dois reconstruire une nouvelle virtualité. Cela ne devrait pas me poser de problèmes. C'est une expérience qui devrait même se révéler stimulante. En attendant que je trouve la façon de lier le tout, je cogite en mon coin de lac qui enfin s'ensoleille.
Mon brin de fillette est collée à ma peau de maman. Depuis que la garderie a fermé ses portes et que nous sommes de nouveau ensemble au quotidien, M'zelle Soleil me fait une drôle de "gimmick". Elle demande toute mon attention. Je dois souvent délimiter mon espace pour ne pas me faire étouffer! Maman collée, elle ne veut plus me lâcher d'un poil! Cela m'émeut un peu. Son affection est si forte que je ne peux qu'en ressentir toute l'émotion (et la responsabilité). L'idée que je fasse quelque chose sans elle la décompose. Même son papa chéri n'arrive pas à détourner cette nouvelle phase. M'zelle Soleil me dit:
- Quand t'es pas là, ze suis criste. Ça me serre la gorge. Ça me fait une boule dans la gorge...

D'un autre coté, elle explore à profusion la sensation qu'elle a d'être grande. C'est une petite fille pleine d'énergie qui a décidé que puisqu'elle était aussi la maman de ses bébés, je devais la respecter comme une adulte et ne pas la faire obéir! Heu...
Dernièrement elle a développé un dialecte anglais qui a une sonorité pertinente mais qui se résume à un charabia sans nom! Cela fait sourire la linguiste en moi.
De plus en plus souvent elle m'interpelle l'esprit en me lisant les chiffres qu'elle trouve sur son chemin ou en me montrant les mots qu'elle reconnait. M'zelle Soleil grandit aussi vite qu'un train lancé à grande vitesse. Pas toujours facile de suivre le rythme...
Observatrice de nature, elle comprend de mieux en mieux les tenants et aboutissants de son environnement. Elle se délecte à nous expliquer toutes ces observations qu'elle emmagasine en sa petite tête. C'est une petite bavarde qui ne connait guère le silence. Régulièrement elle bataille le concept de la sieste. Pour arriver à dissoudre ses résistances, je dois enclencher une routine bien huilée. Elle m'explique alors avec un grand sérieux:
- Mais maman, me semble que ze suis grande maintenant pour aller dormir!
Ceci ne l'empêche pas de roupiller comme bûche une heure après que je l'aie finalement couchée! Cependant c'est vrai qu'elle devient grande pour la sieste. Elle est assez grande pour trouver cela lourd mais encore trop petite pour être en pleine forme le soir (si elle n'a pas dormi durant l'après midi). Pourtant elle est assez grande pour sauter une sieste de temps à autre et pour ne pas se transformer en un petit monstre passé sept heures...
En discutant de la chose avec elle, j'introduis l'idée de prendre la sieste comme un temps de repos. Parfois je sais qu'elle ne dort pas et cela ne me dérange pas. Elle joue si gentiment que cela ne peut que la reposer! Je crois que le repos des petits est nécessaire au bon développement de leur système nerveux. En plus cela a aussi le mérite de reposer le parent en charge! Alors j'ai conclu une sorte d'entente, à partir de ses quatre ans, les siestes seront de moins en moins obligatoires...
Ces journées ensemble se passent plus souvent qu'autrement sous la pluie. Mais aujourd'hui, enfin le soleil nous la coule douce! Plus que quelques minutes avant que M'zelle Soleil ne se lève de sa sieste, le temps de m'effacer en ce réel qui m'attend...