Fillette en devenir
M'zelle Soleil traverse sa crise d'ado version petite poupée. Si j’essaie de la raisonner et qu’elle n’en a guère envie. Elle me dit d’un ton coriace. « Arrête de me parler quand je pleure! ». Hier soir alors que l'obéissance n'était pas à son ordre du jour, elle nous sort un « Ça m'écœure!» qui nous laisse sur le carreau! Après quelques jours de garderie, la petite Miss prend une poussée de croissance intérieure.
Depuis quelque semaines déjà, je remarque les progrès de sa répartie. Lorsque je lui demande si elle veut ses jouets pour le bain elle me répond le plus sérieusement du monde : « Non, sinon faut les ramasser après! ». Je ne peux m’empêcher d’en sourire. À l’aube de ses trois ans, arrive la notion d’opposition, elle pratique une résistance enfantine qui fait travailler les nerfs du parent. Le piquet (le coin) est revenu à la mode de chez nous. Le piquet comme repère de bornes dépassées.
En même temps qu'elle se frotte à nos limites, elle me cache des petits papiers décorés de gribouillis bleus dans mes tiroirs. Je les découvre alors que je cherche un Tee-Shirt. Je lui en parle. Elle m’explique tout en ouvrant le tiroir qui cache les pantalons de Juan « Oui c’est pour toi maman, et papa aussi il en a. T’es contente? C'est pour ta fête! ». L'amour que je ressens pour cet enfant m'explose le coeur. La laisser aller est un processus douloureux à mon organe sensible. Petite note: elle adore tout ce qui est bleu. Si elle le peut, elle ne dessine qu’en des nuances de bleu…
Elle me manque en ces nouvelles habitudes que nous prenons. Je lui manque aussi un peu je crois. Je l’apprends lorsque j’appelle Linda qui me parle d’elle. M'zelle Soleil lui parle de moi. Mercredi passé, elle traîne un petit air tristounet. Elle s'adapte. Elle est patraque, juste un petit virus qui passe par là. Un petit virus qui se transformera en grippe carabinée une fois qu'il me passera sur la peau...
M'zelle Soleil rentre ce soir avec son père. Elle me serre très fort dans ses petits bras. Sur la route du retour, un accident les retarde et leur fait faire un détour. Ils rentrent tard dans la nuit avancée, elle m'en conte les détails de l'aventure et me dit: « Maman, on était loin, on allait pas recrouver la maison! ». Chaque jour davantage l'acquisition de son langage me bouleverse les émotions.
Le cordon qui nous unit s’étire trois jours par semaine. Cette garderie accréditée est selon les conditions du marché une belle occasion que l’on ne pouvait rater. En banlieue de Québec, sur la route de Juan qui va au bureau. Une maison cossue dans un quartier résidentiel. Deux parcs non loin. Une structure éducative. Des activités à la sauce Montessori. Un thème pour chaque semaine. Trois petites filles de son âge et un bambin. Linda semble compétente. Juan la trouve un peu stricte, je la trouve malgré tout sympathique. Nous sommes à l'essai pour trois mois. M’zelle Soleil a compris que cela sera régulier. Il y a de ces jours où son absence m'emplit d'un vide intersidéral. En cette transition je flotte. Je récupère des bouts de ma vie d'antan. Divers projets qui me motivent, des nouvelles qui me réjouissent, des Cv qui circulent. Certains jours ma boite de courriel s'échauffe malicieusement...
La semaine dernière, M'zelle Soleil est allée visiter la caserne de pompiers avec les amis de la garderie. Hum, je serai bien allée voir les pompiers avec elle. C'est tellement dur de la laisser aller sans moi. Juan me niaise :
- Tu voulais aller voir les pompiers avec les gamins?
- Ben tu m’étonnes, des pompiers…
Avec quinze secondes de retard, il finit par capter la « sexyness » du concept et me fait une grimace tandis que je glousse. À nos pieds, M’zelle Soleil nous observe de son regard coquin qui n’en rate pas une…
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