jeudi, novembre 15, 2007

Chiantises de microbes

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Chiantises de microbes

Ce concept qu’il doit arriver le moment où les enfants font travailler leur système immunitaire en attrapant toutes sortes de cochonneries aux contacts des autres m’énervent. Et pour cause, si durant deux années, l’on a pris soin de notre petit bout en l’enveloppant de mille attentions, lorsque vient le temps d’étirer le cocon que l’on avait soigneusement tissé, comment ne pas trouver bien énervantes toutes ses petites attaques de microbes qui sournoisement viennent attaquer la sérénité de cette douce enfance que l'on s'évertue à protéger!

M’Zelle Soleil va depuis deux mois deux jours par semaine chez Manon. Si le service donné est irréprochable, il n’en est pas même pour les cochonneries de microbes! J’ai eu la chance d’avoir un bébé en parfaite santé, un bébé qui n’est jamais vraiment tombé malade. Deux gastros et une petite grippe en deux ans, il n'y a vraiment pas de quoi fouetter un chat! Mais voilà, deux mois de gardiennes et déjà trois bonnes grippettes! On entame le troisième mois et l’invasion microbienne va bon train. Lundi matin lorsque Juan dépose la petite chez Manon, celle-ci lui dit que son fils âgé de dix-huit mois est malade mais qu’il n’y a pas de problème pour qu'elle garde M'zelle Soleil. L’homme fait la gueule mais ne bronche pas. Il m’en parle le soir. Manon a changé son horaire de travail pour nous arranger dans cette nouvelle routine que nous essayons de trouver et il est un peu difficile de lui retirer notre fille sous le nez. Et puis, il paraît que le partage de microbes fait partie du processus de socialisation, c’est de là que naît le fameux concept de faire travailler le système immunitaire. Mardi soir l’enfant rentre palôte de sa journée…

Durant la nuit de mardi à mercredi c’est le party de la maladie qui se déclare. Je dors à peine, Juan un peu plus, mercredi matin, la petite est bien mal en point. Je pars en ville avec Juan pour la faire examiner dans l’une de ces cliniques sans rendez-vous de Québec. Passons sur les problématiques du système de santé pour être reconnaissant de son existence aussi bancale soit-elle. Nous y passons la matinée. Deux petites heures d’attente pour finalement voir la docteure la plus troublante qu’il me soit donné de rencontrer! Il émane de cette dame, plutôt jolie, fin de trentaine, une tristesse incommensurable qui vient me chercher. C’est une sensation indéfinissable, cette docteure est à l’antithèse du bonheur. Le regard mort, la peau terne, on dirait presque qu’elle en a oublié comment sourire, malgré elle, mes empathies se réveillent.

En même temps que je lui présente mon enfant bien « maganée », je scrute ses vibrations humaines. Est-elle en deuil? Vient-elle de se faire briser le cœur? Nage-t-elle en pleine dépression? Ma curiosité ausculte les multiples possibilités. Je discute de mes problèmes en essayant de discerner ceux qui se cachent dans sa tête. Elle semble même rester indifférente à M’zelle Soleil qui récoltait pourtant des sourires à la pelle dans la salle d’attente. Là, je dois dire que mon trouble s’accentue. Est-ce qu’elle n’aime pas les enfants? Je n’ai jamais vu personne résister à mon petit chérubin! Je fais mon possible pour ne pas me fermer à cette femme qui me trouble et pour rester chaleureuse et agréable. Il me semble quand même apercevoir un soupçon de sourire une fois l’examen de M’zelle Soleil terminé. Verdit : conjonctivite, petite otite et gros rhume! Tout en prescrivant un traitement d’antibiotiques pour venir à bout de la méchante cochonnerie, elle me prévient que la conjonctivite est extrêmement contagieuse et que les enfants atteints sont interdits de tout contact avec leurs pairs. Cela tombe, elle a le temps de guérir avant de retourner chez Manon! Je lui demande d'une voix encore enrouée :

- Mais, je viens de me sortir d’un laryngite, est-ce que je vais pouvoir passer à coté? J’ai touché les sécrétions de ses yeux ce matin…

Elle me fait une drôle de moue peu convaincante avant de me répondre en se lavant les mains:

- Tout ce que vous pouvez faire c’est essayer de prendre le plus de précautions possible mais c’est très contagieux, si vous en ressentez les symptômes, il faudra tout de suite consulter…

À mon tour de faire une moue peu satisfaite.

- Mais c’est quoi les symptômes?
- Irritation des yeux, sensation de picotements, trouble de la vue et puis ensuite cela commence à couler…

Son ton robotique me rappelle à cette tristesse qui emplit la pièce de sa présence. Une lourde peine semble lui transpercer l'être. Étrange doctoresse que voilà! Pas vraiment antipathique mais bien peu sympathique. Je la laisse à ses malaises. Je soupire en prenant mon petit bout de fille sous le bras. Je la remercie et quitte la clinique pour me diriger prestement vers la pharmacie. J’ai toujours trouvé les pharmaciens beaucoup plus serviables que les médecins. La pharmacienne sur qui je tombe respire la joie de vivre. Cela fait du bien! Elle me demande le nom de ma fille, s'extasie, compatit avec la maladie, elle me donne des exemples de sa propre vie pour me rassurer, elle me demande si la petite va en garderie…

- Oui depuis deux mois et on dirait qu’elle arrête pas de choper des microbes depuis!
- Oh! Ça c'est normal, cela fait travailler le système immunitaire mais c’est bon qu’ils socialisent…
- Oui, je sais mais quand même c’est super plate…
- La mienne aussi est passée par là, elle a été malade toute la première année où je l’ai mise en garderie…

Elle poursuit sur sa lancée pour m’expliquer sa façon de voir la vie. Une façon positive qui me fait sourire même si l’idée de continuer à collectionner les microbes à la chaîne ne me rassure pas vraiment. Elle écoute et répond patiemment à toutes mes questions, me conseille les meilleurs produits pour la congestion de ma fillote, me prévient aussi du haut degré de contagion de cette maladie. Paraît que le mois de novembre est le mois des microbes...

M’zelle Soleil va deux jours par semaine chez sa gardienne qui passe les trois autres jours à travailler dans une grosse garderie de Québec. Ses deux enfants l’accompagnent durant ses trois journées et ils peuvent ainsi récolter toutes les cochonneries qui passent pour les partager avec M’zelle Soleil durant les deux jours où ils sont ensemble à leur maison. Le système immunitaire de M’zelle Soleil carbure à plein régime et la mère poule que je suis caquette d'énervement dans son coin solitaire. Heureusement l’enfant paraît ne pas trop mal répondre à son début de traitement, la cochonnerie nous envahit mais tout semble sous contrôle. Si ce n’est de ce subtil picotement qui semble m’irriter l’œil. Je passe mon temps à me laver les mains et celles de ma fille que je mouche sans cesse. Je passe mon temps à soigner mon petit bout de fille qui pleurniche et... je croise les doigts en clignant de l'oeil…

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