Heure Zen
Les nuages cotonneux parsèment d’ombres les collines imprégnées d’automne. La lumière est aussi douce que la texture de l’air. Le lac majestueux, solitaire, clapote contre le rivage. Ses mélodies limpides se fondent dans les rythmes des vents légers qui font bruisser les arbres de la forêt. Parfois les vents se taisent un moment et le lac m'exalte.
Silence, calme et volupté. Je me demande si ceci n’est pas la définition de ma perception de cet étrange mot barbare : « Zénitude ». Une définition qui exprime ce mélange savamment dosé de silence humain, de calme existentiel et de volupté sensorielle, le tout emballé dans un cadre divin.
L’automne est magique, il caresse les semaines qui effacent les sensations estivales. Un peu plus chaque jour, je me surprends à espérer qu’il s’éternise. Je ne veux pas penser à la prochaine saison toute blanche. Le lac frétille, la nature est saine, l’atmosphère est pure. Les vents s’énervent d’un coup, il froissent la canopée et font virevolter les feuilles mortes. Elles viennent rejoindre le tapis d’automne qui se forme sous nos pas.
Je me fais vagabonde. Le village est déserté des vacanciers qui le font vibrer. J’en connais les meilleures cachettes. Je regarde tomber les feuilles, je me plonge le regard dans l’immensité limpide qui s'étend devant moi. Zénitude. L’eau, le vent, la terre, ma pomme qui se fond dans l’atmosphère. J’évacue les soucis. Je laisse glisser les énigmes du futur qui angoissent le présent pour ne plus vivre que l’instant réel. Je respire des bouffées intemporelles de bien-être. Nous qui sommes si petits et qui nous prenons pour les rois de la Terrre. Nous qui ne sommes que des fourmis dans le grand dessein de cette planète qui nous porte. Je me remets à ma place. Immatérielle j’existe, libre, femme…
Cette nature qui m’environne conforte mes états d’âmes, elle les ressource, elle les apaise. Je respire l’air riche empli de toutes sortes d’odeurs agréables. J’y perçois un soupçon d’herbe, une brise marine, un souffle boisé, une pincée de champignons, un zeste de feuilles macérées de soleil. Chanelle, le museau dans le vent profite de ces mêmes impressions qui enivrent mes narines.
Je fais abstraction de l’unique moteur qui vrombit au loin. Unique bateau monstrueux de puissance inutile qui trouble ma zénitude. Il disparaît comme il est apparu. La façon dont une certaine norme humaine conçoit la nature me désespère. Comment cette même norme vit le lac m’exaspère. Est-ce bien nécessaire de perturber l’environnement pour profiter de ses bienfaits? Est-ce nécessaire de s’approprier la nature avec démesure? Je me concentre sur ce canot qui se profile dans mon champ de vision. Question de choix de vie je suppose. Désir de s’harmoniser avec la nature. Désir de s’y fondre en toute sérénité. Silence, calme et volupté. Être sensible à ces petits plaisirs sans prétention que nous offre les richesses de la Terre.
Chanelle se prélasse sur ce quai abandonné qui surplombe l’eau fraîche. Je m'assois à ses cotés, je tends mon visage vers le soleil, un sourire sur les lèvres…
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