Quatrième dimension.
La sécheuse bourdonne, je mets en marche l’aspirateur, le téléphone sonne. D’un même élan, je réponds d'une main et je pèse du pied sur le bouton de l’aspi :
- Allo?
Tout en essayant de bien caler l’appareil entre mon épaule et mon oreille, je réalise que la musique est trop forte.
- Allo, allo... C’est Louise!
- Ah! Bonjour…
Tout en baissant le volume de la musique, ma cervelle démarre au quart de tour pour essayer de replacer la dame en question. Louise, Louise? Est-ce que je connais une Louise? Elle enchaîne :
- T’es dans ton ménage?
En plein dans le mille Émile! Louise, Louise? Je cherche toujours, essayant de reconnaître cette voix qui ne me rappelle absolument rien.
- Oui, je suis en plein dedans, j’en ai pour la journée!
- Oui, j’entends que ça tambourine! T’es dans ton linge?
Mais elle est voyante cette Louise!?! Non, décidément, je ne connais pas de Louise! Ce nom et cette voix ne me disent absolument rien! Certaine de savoir à qui elle s’adresse, la dame en question ne semble pourtant pas se poser de questions existentielles sur mon identité. Elle poursuit :
- Dis j’aurais besoin d’un service?
- Ah, oui…
Je réalise que c’est un peu difficile de lui demander maintenant d’où est-ce que l’on pourrait se connaître! Elle attend à peine ma réponse, elle s’emballe :
- Oui, j’aurais absolument besoin du nom du mari de la belle-sœur du beau-frère du cousin de Joel? Tsé celui qui était au party chez Maurice...
- Heu…
Alors, là, je suis absolument sûre de ne pas la connaître!!! L’embrouille téléphonique est à son apogée. J’essaie de m’en dépatouiller le plus subtilement possible.
- Heu….
- Tu sais pas hein?
- Heu… Non.
- Ah! C’est plate parce que j’avais absolument besoin de lui parler, je cherche son numéro, mais j’ai oublié son nom de famille!!
- Ah!!! Heu... Ben…
- Alors, tu sais pas du tout?
- Heu… Non, je suis désolée…
Je la sens prête à embarquer sur les détails de la chose mais je maintiens un silence prudent qui semble à peine la troubler.
- Bon ben, c’est pas grave, je te laisse retourner à ton ménage!
- Ah! Bien merci alors…
Merci? Je ne sais pas trop de quoi je la remercie mais sur le coup, c’est le seul mot qui me vient en tête pour conserver l’élan amical et poli dans lequel est projetée cet échange surréaliste.
- Bye alors, à la prochaine…
- Bye, heu, merci…
Interloquée, je raccroche. C’est la première fois que je me glisse de façon si tangible dans la peau d’une illustre inconnue pour papoter gentiment avec je ne sais qui de son entourage! Louise ne s’est rendue compte de rien. J’allume l’aspirateur avec le bout de ma tong et me replonge dans la mare domestique qui se nourrit du courant de mes heures…
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