Eugène et compagnie…
Dehors, les rayons du soleil font ruisseler la couverture d’hiver installée sur mon toit. Dehors le soleil brille dans un ciel d’azur. Bébé dort. Je reçois des nouvelles de ma Mère-Grand, pas bien bonnes. À l’intérieur, je pleure, en silence. Je l’entends me souffler qu’il ne faut pas, me dire que je dois être forte, prendre soin de moi, marcher et avancer droit. Elle qui n’a jamais voulu prendre soin d’elle pour tout donner aux autres. Je pense à elle.
Là-bas dans un service de réanimation que je ne connais pas, pleine de tubes, elle lutte. Je pense à ma Mère-Grand et je me demande si les infirmières qui s’occupent d’elle se rendent compte de son importance. J’en doute. Comment peuvent-elles savoir que la vielle dame inconsciente possède en son sein un gros morceau de mon (nos) cœur(s). Que ce morceau de moi git à ses cotés, qu’il souffre avec elle. Qu’il attend, qu’il espère…
Je m’allonge près de mon bébé endormi. Malgré la fatigue, trop de pensées tristes m’assaillent. Je me relève. Pour me changer les idées, je fais un tour gratuit de blogosphère, silencieuse, j'erre de liane en liane. Je délaisse mes repères habituels. Invisible, au hasard de la grosse bulle, je survole les existences d’autrui qui s'exposent à mon anonymat. Je constate que, de loin, j'observe plutôt des filles, des femmes, des mères, des familles! Il manque des hommes à mon répertoire virtuel! Je réalise que le quota masculin de mes errances virtuelles est bien faible! Il faudrait idéalement que j'y remédie. Il faut dire que j'en vois peu passer dans les commentaires, même si parfois certains s'égarent...
Je regarde la lumière vive filtrée par la fenêtre. Je sens glisser les émotions sur ma peau, s’évader les phrases. Je voudrais écrire toutes sortes de choses qui ne sortent pas. Ma journée en solitaire d’hier, mes instants de printemps entre deux bancs de neige pilée. L'attachement viscéral que je ressens pour mon bébé Soleil. Ma visite de quartier avec Chanelle et son copain. Les chats tout contents de flâner à mes cotés. Mon quartier d’arbres où logent une quinzaine d’âmes plus quelques cabanes d’été…
Une petite histoire d’Eugène qui nous cède sa maison pour un petit prix raisonnable. Mister Eugène avec qui je suis allée m’asseoir, histoire de jaser entre deux cafés. Mister Eugène, si heureux de ma compagnie, qui sourit de m’avoir sa table et me raconte des histoires de village. Je pense à ma Mère-Grand. Je me dis que si elle me voit, elle doit être heureuse que je visite le p’tit Père, elle qui respectait tant les aînés qu’elle m’en a inculqué un respect sans faille. Mister Eugène, qui du haut de ses 81 ans se trouve encore bien jeune, qui respire d’une telle vitalité qu’il en est contagieux de bonne humeur. Son adage favori : « Souriez, la vie est belle! ».
Mister Eugene qui s’est décidé à aller vivre en ville. St-Raymond est on ne peut plus urbain à ses yeux de pseudo coureur des bois. Tout content de s’être trouvé un grand appartement au centre ville dans lequel il pourra emménager avec son minuscule Pucci! Tout content de savoir que l’on habitera chez lui, même si c’est pour complètement transformer son intérieur légèrement dépassé! Tout un phénomène que cet Eugène! Haut comme trois pommes assises. Parti de chez lui avec son baluchon à l’âge14 ans pour soulager ses parents (pauvres fermiers) d’une bouche à nourrir. Parti dans l’Ouest sur les camps de bûcherons avec des copains de fortune. Il a baroudé des années d’Est en Ouest du pays avant de s’installer dans un coin reculé de forêt où il avait construit de ses mains un petit domaine de cabanes folkloriques.
C’est là que je l’ai rencontré. Lorsque je suis rentré au pays et que j’ai voulu m’exiler en un coin de bois joli. À l’extérieur du village, non loin du lac, je reconstruisais mon cœur avec les sérénades lointaines de mon Juan vivant en hexagone. Papy Eugène qui adorait m’avoir en son royaume me couvait de sa personnalité éclatante. Surtout lorsque je faisais dorer mes seins au soleil de l’été!!! Il me faisait rigoler à soudainement vouloir tondre la mousse dès que je prenais un peu de soleil. Pas méchant pour deux sous, je le laissais se régaler des yeux, un peu comme on donne un nonos à un chien inoffensif qui nous fait la cour. J’étais belle, femme, ferme. Puis Juan est venu me rejoindre et sur le coup Eugène a été un petit peu jaloux. Je me faisais dévorer la chair sous ses yeux par un grand « slim » sans un sou! Il ne voyait pas mon projet de vie d'un bon œil! Vu les dimensions de sa cabane, nous sommes vite venus nous installer dans ce petit chalet, qui depuis 5 ans déjà, abrite nos bonheurs, nos peines et nos espoirs.
Eugène a rejoint la rue il y a 4 ans, un peu plus loin, on a continué de le saluer et de se faire des p’tites causettes estivales. Il nous a vu évoluer et lorsque le temps est venu de vendre sa petite maison de pierres, il s’est fait un plaisir de nous la céder à bon prix même si d’autres lui en proposaient beaucoup plus cher! C’est qu’il a un sacré caractère cet Eugène! En vieux garçon de 81 ans, il n’en fait qu’à sa tête! Il a finalement décidé que nous étions mignons, que la petite avait besoin d’une vraie maison. Il a accepté Juan dans ma vie (bon c’est pas comme s’il a eu le choix!) et l’idée de nous voir lui succéder lui fait plus plaisir que les dizaines de milliers de dollars supplémentaires offerts par des inconnus malotrus à son goût! Quant à nous il ne nous restera plus qu’à nous lancer dans quelques rénovations pour nous y construire un petit nid doux et moderne. Ah! Voilà que j’entends Lily-Soleil gazouiller. C’est le temps de filer au bonheur de bébé….
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire