Gratouillage mental…
L’autre jour, j’ai regardé se démener Nelly Arcand à l’émission les Francs-tireurs, (que l’on peut écouter en ligne). Cette fille m’est fascinante. Il y a chez elle une détresse qui m’interpelle. J’avais lu son premier bouquin peu après sa sortie. J'étais passée au travers en grinçant des dents mais en appréciant son style particulier. Au chaud dans mon lit, je l’écoute s’expliquer, envahir mon petit écran. Je suis soudainement happée par l’une de ses phrases :
- J’aime bien gratter la crasse, dit-elle
Cette petite phrase s’inscrit dans mon cerveau et y fait mille étincelles. Nelly parle du thème particulier que chaque artiste cherche à développer au fil de sa création. Je réalise qu’elle a raison sur multiples points, même si je ne suis pas vraiment d’accord avec sa façon de voir la vie, son discours est loin d’être con. Sa petite phrase continue de faire son chemin en ma tête de linotte pour s’y installer dans un petit coin. En y pensant un peu, je réalise que moi aussi j’aime bien gratter certains aspects existentiels. J’aime bien gratter le bonheur…
Dans une société que je trouve désabusée, déboussolée, je cherche inlassablement la sérénité. Je me rends compte que plus je vieillis et plus je refuse ce mythe de l’artiste maudit, suicidaire, mal dans sa peau, obligé de vivre dans le malheur pour accéder à l’inspiration. Je ne veux pas m'atomiser. Je ne veux pas me nourrir du mal qui végète en moi. Dans mon utopie, je voudrais n'explorer que la beauté, ne diffuser que le bien-être. Oublier les malaises. Regarder le coté noir du monde, mieux le comprendre et l'éviter, je veux connaître mes démons pour mieux les déjouer. Je veux repérer et combler mes gouffres. Je refuse de laisser mes souffrances contrôler le flot de mes jours. Je veux apprivoiser mes douleurs pour ne plus en avoir peur. Canaliser la lumière. Absorber la paix. Trouver l'équilibre. Collectionner les vérités. Tuer les mensonges. Effacer les ténèbres de mon cœur…
J’imagine que nous ne suivons pas du tout les mêmes voies, elle et moi. Mon thème de fond tournerait plutôt aux alentours de l’amour que du sexe. Moins de plaisirs corporels plus de "zénitude" spirituelle. Je préfère être sereine que torturée. Un défi quotidien qui parfois me bouffe les trippes avec subtilité. Malgré moi, ses thèmes me touchent étrangement tout en me répulsant doucement. Elle m'attriste. Je comprends sa détresse que j'effleure sans vouloir l'attraper. La mienne me suffit. Je dois avouer qu'elle est loin d'être aussi forte. Il faut dire que je ne me suis jamais prostituée, si j'avais pris ces chemins, je me serais surement rendue plus loin dans mes propres cauchemars! Mais le sexe n'est pas mon outil de délivrance. Je préfére l'immortalité de l'âme à la mortalité du corps. Cependant il y a cette ressemblance que je perçois et qui m'étonne à peine. Je laisse couver le tout dans mon poulailler d'idées. Le temps file et l’autre jour, par hasard nous discutions de pornographie avec Juan, nous arrivons à celle qui montre des images de viol, l’homme s’exclame:
- Non, là, je suis pas capable, imagine que ce soit ta fille, c’est dégueulasse!
- Ben là, tu m'impressionnes, c’est en plein le point de Nelly Arcand!
- Oh! T’es sure ???
- Ben, oui, c’est de ça qu’elle parlait à l’émission, t’étais là, tu te rappelles pas ? Bon elle mettait la barre moins loin, mais c'était quand même le point! Tu te souviens pas!?!
- Ah non, j’ai pas du faire super attention !!!
La discusion nocturne s'éteint, le sommeil nous étreint. Encore la petite phrase et la femme au regard d'acier continuent de se faufiler entre deux neurones survoltés. Cela me gratouille le cerveau. Cela me chatouille les idées. Elles s’écoulent en ces quelques mots. Une coccinelle se dépoussière. Le temps est divin. Les oiseaux gazouillent. Les chats s’étirent. Je me retire.
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