jeudi, août 19, 2004

Flottaisons...

Je viens d’absorber avec délice ce merveilleux documentaire de jacques Godbout sur Anne Herbert. Je reste touchée en plein coeur, émue, bouleversée par cette grande dame qui s'affiche devant mes yeux collés aux images qui défilent. Depuis longtemps je voulais découvrir un peu plus de cette femme qui vécut si prés de mes arbres chéris. Je ne la connaissais pas vraiment avant d’atterrir en ce lieu de nulle part, sinon de nom, comme beaucoup.

Quelques mois après m’être installée en cette bulle de lac, j’ai découvert que vos racines puisaient ici votre force. J’ai commencé à vouloir en apprendre davantage. J’ai lu quelques volumes de votre œuvre, pas assez, je le sais, après l’université, je me reprendrais, promis...

Depuis que je vis en ces lieux, je pense souvent à vous, de façon abstraite, étrange, j’aimerais être assez sorcière pour apprendre de votre essence. Je vis des étés non loin des vôtres. Vous aviez la rivière et j’ai le lac, tout est interconnecté comme le monde de nos jours. Quelques kilomètres de nature nous séparent, qu’est-ce que le temps au pays des mots? Un facteur sans importance qui se prosterne devant les grandeurs de la Terre.

Votre père disait qu’il fallait faire attention à l’écriture débutante car c’était la plus fragile. Le moindre reproche pouvait éteindre une petite flamme vacillante. Il disait qu’il fallait au contraire aider cette petite flamme à s’épanouir. Ces mots résonnent cruellement à mes pensées. Combien de fois dans mon entourage proche n’a-t-on pas essayé d’éteindre cette flamme qui me fait vivre, cette flamme sans laquelle je mourrais, puisque d’un coup la vie perdrait tout son sens et qu’il ne me resterait plus rien pour me chauffer l’âme, qui obligatoirement, quitterait mon corps pour s’envoler en d’autres dimensions plus agréables...

Cette flamme qui brûle ou apaise, démange ou dérange, je ne pourrais vivre sans elle, je n’ai pas souvenir de cette existence sans elle. Vous, qui ne vous êtes jamais mariée, qui n’avez jamais eu d’enfants, vous qui avez vécu si seule avec vos mots, je vous admire tant à vous voir ainsi immortalisé sur mon petit écran. J’ai le désir fou de faire partie de vous. Je me retrouve en vous, vous m’attirez instinctivement, je voudrais me lover en cette émotion surnaturelle. Mon cerveau s’enroule autour de cette drôle d’idée, en cette seconde je réalise, que j’aurais aimé que vous soyez ma mère. Vous, qui n’avez jamais enfanté, auriez vous réussi à m’aimer? Qu’auriez vous fait avec cette flamme qui m’habite, l’auriez attisé? M’auriez-vous aidé à ne pas sombrer dans ces multiples gouffres qui jonchent le parcours des mots vivants. Ces mots qui flottent avec le sang qui fait pomper le cœur et la vie qui s’écoule plus ou moins tranquillement. Vous, qui avez aussi connu cette débâcle du corps qui enrage pour finalement mourir si vieille. Vous, qui aviez les mêmes idées que moi sur la mort, je souris affectueusement tandis qu’une chaleur me parcoure l’être tout entier. Mon cerveau fait des tours et mes idées s’emballent, je vous regarde encore un instant...

« Ne pas se contenter de la réalité telle qu’elle est! » Anne Hébert

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