mardi, juin 29, 2004

Regards de femmes // Traductions libres de la journée...

J’ai découvert dernièrement le Blog de Nawar : Ishtar talking (blogging from Basra)

Comme je me suis donnée pour tâche de ne pas trop rouiller cet été, après Faiza et Salam, c'est au tour de Nawar de passer par le moulinet des mots et de la langue...

Les blogs sont des milliers de petites fenêtres sur d'autres univers humain. Cela reste, à mes yeux, un concept fascinant. J’ai donc décidé de traduire des extraits du journal de cette jeune femme qui m’a touchée par la sincérité et la beauté de ses écrits. Comme moi, elle va à l’université, mais tout comme je rêve de mon futur, elle pleure le sien. Et je la comprends. Ce qu'elle a du vivre est terrible. Tout ça pour quoi? Comment réagirions-nous à sa place? J'espère qu'avec un an passé son coeur en miettes a commencé à se réparer un peu...

Les mots entre guillemets sont ces petites choses toute bêtes qui ont "turlupiné" le cours de ma traduction...

Extrait de ce blog en direct de Basra...

2003, 09
Every time I pass near it my eyes keep looking at the open windows showing the rooms and walkways on the upper floors. The quick glimpses and the rest that was filled out by my imagination made me have such a strong wish to spend there a couple of days when I get married. Even if I was given the choice to spend some time on the moon I would have chosen this special place with a special person.

It was one of the very few beautiful places in Basra. The big spaces, the beautifully designed wooden façade and the gorgeous gardens. The big festivities halls. And the many cafes where you can have a cappuccino and enjoy the view of the river which is right in front of it.
But unfortunately it has been destroyed by the hands of people like many other things which if they have survived destruction thru military attacks were destroyed by people. How strange, how could someone not only have the nerve steal and loot but to let the fire eat these places for days. I often thought that these people were not sane.

A couple of days ago I went by the lace and saw a couple of people still trying to rip things from its walls, things which are surly worthless otherwise they would have been looted a long time ago. They were doing what they were doing very slowly with no hurry and wearing work overalls, they wouldn’t want their clothes to get dirty, would they? I realized they were not only insane but they totally believe in the legitimacy of what they are doing……. I turned my face away in sadness and shame although the Basra Sheraton is not the last thing to be destroyed in Basra nor the first thing whose destruction hurts me.


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Chaque fois que je passais devant, mon regard s’attardait par les fenêtres ouvertes découvrant les chambres et les couloirs des étages supérieurs. Quelques coups d’oeils rapides et mon imagination comblait le reste. Ceci me donna tellement envie de passer quelques jours à cet endroit lorsque je me marierais. Même si l’on m’avait proposé d’aller passer du temps sur la lune, j’aurais choisi de rester à cet endroit en compagnie d’une personne spéciale.

C’était l’un des rares endroits magnifiques de Basra. De grands espaces, une façade en bois superbement « dessinée » et des jardins somptueux. De grandes salles de bal. Et plein de petits cafés où l’on pouvait déguster un cappuccino en profitant de la vue sur la rivière en face.

Malheureusement cela a été détruit par les mains du peuple, comme tant d’autres choses, qui, s’ils avaient été épargnés par les destructions militaires, furent détruites par les gens. Comme c’est étrange. Comment est-ce que l'on peut avoir le culot de dérober et piller pour ensuite laisser le feu dévorer ces endroits durant des jours? J’ai souvent pensé que ces gens n’étaient pas sains d’esprit.

Il y a de cela quelques jours, je suis passée par « The Lace » et j’ai vu un groupe de personnes qui essayaient encore d’arracher des trucs des murs. Des trucs sûrement sans valeurs sinon ils auraient été dérobés voilà longtemps. Ils faisaient leurs affaires lentement sans se presser et ils portaient des bleus de travail. Ils ne voulaient certainement pas salir leurs habits, n’est-ce pas? J’ai réalisé que non seulement ils étaient "dérangés" mais qu’en plus ils croyaient totalement dans la légitimité de leurs actes.

J’ai détourné mon visage avec tristesse et honte. Même si le Basra Sheraton n’est pas la dernière chose détruite à Basra, ni la première chose dont la destruction me peine.

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Despite all the time and effort I have wasted on the attempt to hide it, trying to tell my self I am wrong and hunting for chances to prove my self wrong. I think the time now is right to reveal it, the time to be honest has come.

In the presence of that mountain sized despair, which has already burdened my weary heart with the frustrations of all the past years to wait for me now and rip me apart to pieces which are hard to bring back together. I am going to declare what has been gnawing on me brutally from the inside so hard I can't even think about blaming myself for keeping this inside for so long. I will confess that I despise you.
Yes, I blame you for creating all these rifts within me, I hate you as much our people have suffered, as much as my ears had to listen to the sounds of bombs and missiles, I hate you as much as the destruction my eyes has seen, as much as I hate the blood that flowed, the wasted years and the loss of my hopes for a future. I hate you as much as all the Iraqis who had to immigrate, as much as the politicians who had to disappear. I blame you for the suffering through the merciless humid and hot nights of Basra without the simplest creature comforts, I blame you for not being able to find the simplest entertainment in my city the second biggest city in Iraq, blame you for the dirt road I have to travel to get to my university which is right in the middle of the city. Blame you for loosing the will to live and for my need for love which was lost in you……..

Because of all that, my dearest Iraq, I despise you. But please, my love and hate, understand my anger. I want you to stop answering my questions about the wasted childhood and youth by saying that these things will be forgotten, because if you do that again you will have to allow me to keep on despising you.
Nawar (09 2003)

Malgré tous le temps et les efforts que j’ai dépensé à essayer de le cacher, essayant de me dire que j’avais tort et traquant les occasions de me le prouver. Je pense que le temps est venu de le dévoiler, le temps d’être honnête est arrivé.

En présence de ce désespoir de la taille d’une montagne, qui alourdi mon cœur las avec les frustrations de toutes ces années passées à m’attendre "maintenant", pour que ne volent en éclats ces morceaux de moi si difficiles à recoller. Je vais déclarer ce qui me tenaille intérieurement si profondément que je que je ne peux penser m’en vouloir pour l’avoir gardé en moi si longtemps. Je le confesse, je te méprise.

Oui, je te méprise pour toutes ces failles que tu as crées en moi. Je te hais autant que la souffrance de notre peuple, que le son des bombes et missiles qu’ont du écouter mes oreilles. Je te hais autant que la destruction qu’ont vu mes yeux, autant que je hais le sang qui a coulé, les années gachées et la perte de mes espoirs pour le futur. Je te hais autant que tout les iraquiens qui ont du émigrer, autant que les politiciens qui ont du disparaitre. Je t’en veux pour la douleur de ces chaudes nuits de Basra, humides et sans merci, sans le moindre réconfort. Je t’en veux pour n’être pas capable de trouver le moindre divertissement dans ma ville qui est pourtant la deuxième plus grande du pays. Je t’en veux pour les routes de terre sur lesquelles je dois voyager pour me rendre à l’université qui est en plein milieu de la ville. Je t’en veux pour avoir perdu la volonté de vivre et pour mon besoin d’amour qui s’est perdu en toi...

À cause de tout cela, mon très cher Iraq, je te méprise. Mais s’il te plait, mon amour et ma haine, comprends ma colère. Je veux que tu arrêtes de répondre à mes questions sur les enfances et jeunesses gaspillées en me disant que ces choses là s’oublieront, parce-que si tu le fais une autre fois, tu devras me permettre de continuer à te mépriser.

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