mercredi, janvier 07, 2004

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Sarah et Wojtek (Chapitre 4):

Dédicace spéciale pour Miss Ebb qui aura motivé ma pomme à écrire cette suite, ce soir... Petit cadeau d'anniversaire "fait maison"! ;)

À pas de loup, il se dirigea vers le bureau de son père. Il ouvrit doucement la porte et se faufila dans la pièce. Il connaissait par cœur la combinaison du coffre familial, il fit tourner les chiffres sans difficulté et ouvrit la lourde porte. À l’intérieur du coffre des liasses de billets occupaient tout l’espace disponible. Il se servit raisonnablement et sans une dernière pensée, il se glissa hors de chez lui comme un voleur dans la nuit…

Il enfourcha son vélo, à toute vitesse il pédala vers la ville. Au même instant, Sarah descendait du train à Varshaw. Embarquée de force dans un camion bondé de femmes et d'enfants, elle souffla le nom de son aimé à la lune, une larme vint mourir sur ses lèvres…


Wojtek arriva à la gare en sueur mais sans peurs. C’était le premier jour de mai. Les premières lueurs du jour se dessinaient dans la nuit claire. Il débarqua sur le quai silencieux et désert. Un train de marchandise attendait son prochain départ sur une des quatre voies. Il se glissa sans un bruit à l’intérieur d’un wagon et se coucha entre deux sacs de toile…

Il savait que son père alerterait les autorités dès qu’il comprendrait sa fugue. Il pensa très fort à Sarah et pria en silence. Il commençait à s’endormir lorsqu’il sentit les vibrations de ce train qui l’emmènerait loin de ce qui fut sa vie. Il savait qu’il ne pouvait rebrousser chemin. Il grelottait en son corps, en son âme…

Alors que Wojtek se dirigeait vers une destination inconnue, Sarah faisait ses premiers pas dans le ghetto. Le cœur en éclats, le regard vitreux et l’esprit endormi elle respirait la mort, elle constatait la misère, elle ressentait ce malheur qui émanait des rues de cette version de Varshaw qu’elle n’avait jamais imaginé.

Elle pensait à ses parents, des larmes coulaient sur ses joues sans qu’elle prenne la peine de les essuyer. Elle marchait instinctivement sans savoir où aller, sans comprendre ce qui se passait. Elle marchait comme un fantôme égaré en enfer…

Tout lui semblait irréel, impossible, elle voulut croire un instant qu’elle rêvait entre ses couvertures, que toute cette expérience n’était qu’un horrible cauchemar et qu’elle se réveillerait dans un matin qui sentirait le café amer et les tartines chaudes. Son estomac vide gargouilla misérablement et ces odeurs morbides qui l’assaillaient de plein nez rappela à sa tête que tout cela était bien vrai. Elle était réveillée, seule, oubliée de tous…

La guerre l’avait attrapée, petite juive naïve qui du fond de sa campagne ne connaissait que les chants des oiseaux et les baisers de Wojteck…

Que faisait-elle là, en cette rue sombre et humide, sale et perdue, à suivre des gens qu’elle n’avait jamais vu ? À errer comme une âme en peine en cette guerre qu’elle ne comprenait pas…

Le soleil se levait à l’horizon, c’était le premier jour de mai et Sarah pleurait…

- Sarah ? Sarah ! Attends ! Sarah ! entendit-elle crier derrière elle.

Elle se retourna et se trouva face à son cousin Divri. Celui-ci lui fit l’un de ses plus beaux sourires tout en la serrant très fort contre lui.

- Sarah, petite Sarah, c’est bien toi ? Tu es arrivée quand ? Ça va ?
- Tout de suite, j’arrive… Répondit doucement Sarah blottie entre les larges épaules de ce cousin qu’elle avait si peu connu mais qui lui semblait si proche de son cœur meurtri…
- Tes parents ? Où est mon oncle ? Et ton frère ? Et grand-mère ?

Sarah regarda son cousin les yeux plein de larmes, elle eut peine à retenir un hoquet avant de répondre lentement.

- Je ne sais pas ! Je ne sais rien ! Ils ont été embarqués. Je me suis sauvée. J’ai entendu maman crier puis un coup de feu. Je ne sais pas. Je me suis cachée. Et je me suis fait prendre. Voilà ! Je suis là maintenant ! Tu les as pas vus alors ? Tu sais pas où ils peuvent être ?

Vidri la regarda tristement et secoua la tête en silence. Il lui prit la main tendrement et lui dit :

- Viens, je loge dans une chambre pas loin d’ici, tu es gelée. Tu as de la chance j’ai réussi à trouver un peu de café au marché noir hier, je vais te faire une bonne tasse et il me reste un trognon de pain presque pas dur ! Ça va te réchauffer, tu dois avoir faim ! Dépêchons-nous regarde le jour, il est presque levé…

Leurs deux silhouettes s’éloignèrent rapidement dans la brume légère. À l’horizon le soleil perçait avec vigueur les nuages sombres, au loin des coups de feu résonnèrent dans un silence de mort…

À suivre...

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