Le Soleil // Chock
De Marie à Mumu…
Cette nuit, j’ai rêvé à Mumu, voilà bien longtemps qu’elle n’avait pas traversé la porte de mes songes. Mais depuis l’histoire de Marie, je la sens remonter à la surface de mes pensées. Chère Mumu, si douce, si féminine, chère Mumu qui s’enticha d’un affreux jojo violent, possessif et atrocement con…
Depuis le décès de Marie Trintignant, je repense souvent à Mumu, souvent j’ai désiré laisser couler cette histoire. Je n’ai pas eu envie de tergiverser sur l’affaire Trintigant/Cantat qui fit couler assez d’encre sans que j’ai vraiment besoin d’en remettre. Pourtant cela fit rejaillir en moi cette tristesse qui traîne sa peine en mon cœur à chaque fois que je pense à mon amie Murielle..
Murielle était une amie d’enfance, l’on s’étaient connues en classe de 5ième, il y a bien des années déjà. J’ai toujours eu un faible pour sa douceur de cœur et j’ai toujours été consciente de son coté influençable…
Lorsque je suis retournée vivre dans les environs de Paris avec mon ex, j’ai eu la joie de pouvoir reprendre le fil de notre amitié, qui s’était conservé malgré le temps et la distance…
Mumu habitait alors Besançon, chaque fois que j’allais voir ma Mère-Grand, j’en profitais pour faire un saut par chez elle, nous avions le rire tellement facile…
Elle se trouva à quitter son copain avec qui elle habitait en même temps que je m’éloignais inexorablement de mon ex. Petit à petit, mes voyages dans le Jura se firent plus fréquents, et mes visites chez Mumu plus régulières…
Arriva le printemps 99, des semaines de tortures intérieures, de douleurs à regarder mon cœur se fracasser en mille morceaux, des semaines de tristesse et de larmes…
Mumu éclairait mes jours par sa présence, elle était célibataire, elle avait repris sa vie en main, elle avait retrouvé un emploi, avec elle, j’avais fait la connaissance de Juan, son « petit » voisin de palier…
Juan qui s’était mis en tête de recoller les morceaux de mon cœur avec l’intensité de ses 20 ans, Juan qui réveillait mon corps avec l’ardeur musclée de ses 20 ans…
Je comprends que, cet été là, cette passion éclipsa un peu Mumu qui cherchait désespérément l’âme sœur. Elle avait eu quelques aventures, mais personne pour lui faire battre le cœur…
Je comprends que de voir s’enclencher l’émotion entre Juan et ma pomme a du être difficile, nous avions commencé l’été toutes les deux l’âme en peine, nous nous étions retrouvées, aimées, amusées, et voilà que je retrouvais la première l’amour masculin, un amour palpitant, un amour qui se voulait impossible selon les critères de la France…
Pour échapper aux jugements sociaux et parentaux de Juan, alors qu’il était en vacances d’été, nous partîmes sur les routes étaler notre amour dans la quiétude campagnarde des confins jurassiens, au volant du bazou de Mère-Grand. Ne l’abandonnant qu’une seule fois pour passer deux semaines à l’air marin de Zandvoort van Zee…
Nous laissâmes Murielle derrière nous, revenant deux fois par semaine vers Besançon pour prendre des nouvelles et passer un peu de temps ensemble…
Pourtant un matin que nous avions, comme à l’habitude, acheter des croissants pour lui porter au réveil, nous nous cognâmes le nez à sa porte verrouillée. Nous allâmes nous coucher dans l’appartement de Juan et sur l’heure de midi, ma jolie Mumu débarqua dans la cuisine, les cheveux en bataille et avec un gigantesque sourire qui s’étendait d’une oreille à l’autre ! She had scored the night before !!!
Entre deux confidences, elle nous confia avoir rencontré un garçon, et qu’ensemble ils venaient de passer une nuit époustouflante, voilà pas que ma Mumu était renversée, nous traversâmes le palier pour aller faire connaissance avec l’heureux élu…
J’avoue, il me déplut de suite, le crane rasé, le regard fuyant ou narquois, l’allure arrogante, le sourire en coin, bref, ceci n’était pas de mes oignons, je ne me le mangerais pas au dîner, entre deux draps ! Alors je fis comme de si de rien n’était, essayant de me persuader que mes impressions premières n’étaient peut-être pas forcément les bonnes…
Cela dit, en le questionnant innocemment, il se révéla être un « sans-logis fixe », squattant de copains en rencontres, semi musicien qui avait soi-disant fait le tour de la planète ! Je restais perplexe devant ses belles paroles…
Nous répartîmes pour un dernier voyage, Juan allait devoir reprendre ses cours à la fac et j’étais prête à retourner au pays, reconstruire ma vie en un petit coin québécois…
À notre retour, Mumu était déjà bien soumise, évidemment très en amour, son trésor masculin s’était installé chez elle sans la moindre vergogne, bouleversant son joli intérieur pour y afficher des horreurs semi sexuelles ou extra-terrestres. Des images dégoulinantes de sang et de violence qui avaient remplacé les anges sur les murs de Mumu tandis que ses meubles avaient fait un tour sur eux-même pour mieux s’adapter à ce Fred de mes deux…
Je commençais à sérieusement grincer des dents, et il commençait à sérieusement me regarder de travers…
Mais que pouvais-je y faire, Mumu était une grande fille de 29 ans, si elle s’était mise en tête que ce garçon était sa libération, le seul à la comprendre, comment lui enlever les étoiles dans sa tête qui aveuglait sa raison ?
J’essaya de lui faire part de mes réticences vis-à-vis de ce garçon qui s’était installé chez elle si aisément, qu’elle connaissait à peine, qu’elle n’aurait pas forcément dû quitter son emploi pour lui, parce-qu’il lui promettait des merveilles alors qu’il venait de débarquer avec sa grande gueule et ses deux valises…
Je ne pouvais rien faire d’autre que lui faire part de mes impressions et la laisser mener sa barque de vie à sa façon, je revins au Québec à l’automne 99…
L’amour que nous avions partagé avec Juan continua de croître malgré la distance, tandis que les nouvelles de Murielle se faisaient de plus en plus inquiétantes. À Noël, elle m’appela pour me dire qu’elle était tombée enceinte par accident, mais qu’ils allaient le garder, blablablabla…
- Mais Mumu, tu le connais depuis trois mois, t’es sure que ça va ?
- C’est pas toujours facile, mais ça va Etol, ça va…
L’été suivant je revins me marier en France avant de repartir avec Juan pour une nouvelle vie coté québécois. Lorsque je revis Murielle pour la première fois, j’eus un choc à l’entendre décrire sa vie, si difficile, sa grossesse pas vraiment désirée et ce gars qui la contrôlait sans qu’elle ne veuille vraiment l’admettre. Celui-ci avait décidé qu’il ne voulait pas qu’elle passe de temps avec moi, il n’aimait pas ma façon de le regarder ! Pauvre toi, le miroir ça marche bien, tu vois-tu ta laideur en mes yeux ???
Il essaya de m’agresser dans la cage d’escalier alors que j’avais eu le malheur de le regarder à ma façon qui ne convenait pas à la sienne ! J’allais quand même pas trembler devant ce crachat humain ! Je n’avais pas peur malgré ses menaces et sa violence sous-jacente et cela le rendait fou braque. Sans Juan et sa carrure, ce jour là, je pense que je me serais prise ma première raclée !!!
Mumu venait nous voir en cachette, le ventre gros comme une planète, alors qu’il la laissait seule pour aller en boite avec ses amis. Un soir, je regardais les bleus sur ses bras :
- Mumu, t’es sur qu’il est pas violent avec toi ?
- Non, j’te dis, il est correct avec moi…
- Mais tes bleus, là sur le haut de tes bras…
- C’est rien, l’on chahutait, il voulait pas me faire mal, c’est juste que j’ai la peau sensible en ce moment…
- Mais, t’es sure, Mumu, dis-moi, franchement, il ne t’a jamais frappé ?
- Non Etol, arrête de le croire si mauvais, il est pas aussi pire que tu le crois, tu comprends pas, il a pas eu de chance, c’est pas de sa faute, blabbalablaa…
- Ok, mais Mumu, tu peux me regarder dans les yeux et me dire qu’il n’a jamais été violent avec toi, qu’il ne t’a jamais frappé ?
- D’accord, une fois, il était très en colère, pour ne pas me frapper, il a donné un coup dans le mur à coté de moi, tu vois il me ferait pas de mal…
- Ben, s’il a frappé le mur, t’étais quand même pas si loin…
Mais Murielle ne veut rien savoir, elle ne veut pas comprendre, elle est totalement sous son pouvoir. Mon cœur pleure, nous ne nous séparons pas dans les meilleurs termes…
Nous nous sommes mariés de notre coté, elle a accouché d’un petit garçon le même jour, qu’il n’a évidemment pas voulu que je vois. Il avait commencé à se tourner des films des plus imaginatifs à mon sujet, aussi absurdes que risibles. J’allais prendre son bébé (Ya right, comme si je voulais m’occuper de tes gènes !!), j’allais emmener de force Murielle au Québec (Heu ! Le gros, la force sur autrui, c’est ton domaine pas le mien !!!) et autres scénarios loufoques qui me faisait mourir de rire lorsqu’il m’interpellait pour me les expliquer, les yeux fous, la salive moussant au coin de sa bouche dans la fougue de ses propos, plus je riais, plus il enrageait, c’était pathétique ! Si mon cœur était triste pour Mumu, je n’étais pas fâchée de ne plus avoir à côtoyer ce genre de personnage…
Les années passèrent et Mumu resta dans mon cœur. Dernièrement ma Mère-grand m’apprit que sa nouvelle aide à la maison était la voisine de la mère à Mumu, et que cela allait bien mal pour Murielle ! Sa mère pleure, elle n’en peut plus des frasques du personnage en question qui déchire leur famille. Celui-ci a décidé que Mumu ne devait plus voir ses parents qui le regardent d’un trop mauvais œil (tiens cela me rappelle quelque chose !), mais je garde encore l’espoir secret qu’elle arrivera à le quitter un jour et que je pourrais retourner rire avec elle des bêtises humaines….
Les nouvelles étaient si mauvaises que sa mère n’a pu les dévoiler entièrement à sa voisine, s’il finissait en prison, Mumu serait libérée ! Mieux vaut qu’il y aille avant de la tuer, car s’il y a une chose que j’ai retenu de la mort de Marie, c’est que l’homme est fort et que sa colère et ses coups combinés peuvent en quelques minutes fracasser une vie de femme…
J’espère que cela aura ouvert les yeux de certains envers une sorte de tolérance devant la violence faites aux femmes en France…
Je pense à Murielle qui mérite tellement mieux que de vivre sa vie dans la peur et l’obéissance aveugle de l’Autre, celui qui est censé l’aimer et la cajoler…
C’est arrivé à Marie Trintignant. Mais il y a des Marie, des Murielle, et toutes celles que l’on ne connaît pas et qui vivent quotidiennement l’enfer sur Terre, avec pour diable, leur aimé…
Toutes ces femmes sans voix qui vivent dans l’ombre de leur tragédie amoureuse et que l’on ne doit pas oublier simplement parce-qu’elles ne peuvent pas s’exprimer librement et sans honte…
J’espère de tout mon cœur et de toute mon âme que la mort de Marie puisse être une lumière qui éclaire ces recoins obscurs de la société. Sa disparition précoce n’aura pas été si inutile qu’elle le paraît à première vue, si elle lève le voile sur les violences faites aux femmes, derrière les portes fermées des maisons muettes…
Ceci est un texte qui fut extrêmement difficile à sortir, je l’ai forcé en l’honneur de Murielle qui mérite aussi d'être connue. J'ai simplifié sans romancer. Peut-être est-ce un témoignage qui touchera quelqu’un qui en a besoin d’une façon ou d’une autre, peut-être que de l’avoir exprimé, il me hantera moins! J'ai eu autant de chance qu'elle a eu de malchance, au fond de moi je me sens un peu responsable, cela me fait mal....
L’on ne doit pas se voiler la face devant l’horreur humaine, et pour mieux la combattre il faut la regarder en face. Les hommes qui abusent des femmes et les battent pour mieux les contrôler sont des rapaces de la pire espèce, ils reflètent une barbarie archaïque qui n’a plus lieu d’être, ils devraient tous disparaître en un monde parfait, où vole les navettes spatiales qui nous ouvre l’espace sidéral…
Le Secret // Deborah Shock
Halloween fait son œuvre subtilement en mon esprit, attention monstres et cauchemars, je ne ferais de vous qu’une bouchée de tarte à la citrouille meringuée…
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